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Vniversitas

Print version ISSN 0041-9060

Vniversitas  no.121 Bogotá July/Dec. 2010

 

«L'intérêt légitime» et la notion de réparation des droits fondamentaux*

El interés legítimo y la noción de reparación de los derechos fundamentales

Luisa Fernanda García-López**


*Artículo desarrollado dentro del proyecto de investigación "Controversias constitucionales" adscrito a la línea de investigación "Confluencias entre derecho público y derecho privado" de la Facultad de Jurisprudencia de la Universidad del Rosario.
**Abogada de la Universidad del Rosario, doctor en Derecho de la Universidad de Montpellier I, Francia. Profesora-Investigadora de la Facultad de Jurisprudencia de la Universidad del Rosario. Contacto: luisa.garcia@urosario.edu.co

Fecha de recepción: 16 de marzo de 2010
Fecha de aceptación: 21 de septiembre de 2010


Resumé

Le juge doit garantir le droit: c'est sa fonction déterminante. Ainsi, il intègre la notion de dommage, avec celle des droits fondamentaux par le biais de l'action de tutelle. Garantir la réparation répond a la satisfaction d'un intérêt légitime source de toute réparation. En effet, le juge doit définir les instruments pour assurer la protection du droit fondamental lésé et doit rétablir le droit, autrement, il est dans l'obligation d'ordonner l'indemnisation, qui correspond à la perte économique. En matière de responsabilité extracontractuelle, le juge analyse le dommage du point de vue de la victime et non pas de celle de l'auteur du dommage. Le mal étant causé, la victime n'a pas à le supporter. De ce fait, le dommage donne un titre légitime de réparation d'un préjudice d'ordre patrimonial ou extrapatrimonial, collectif ou individuel. L'action de tutelle fait appel à la réparation d'un dommage qui n'est pas d'ordre pécuniaire.

Mots clés auteur: Action de tutelle, dommage, droits fondamentaux, réparation compensation, indemnisation, préjudice, titre légitime, intérêt légitime.


Resumen

El juez de tutela garantiza el derecho e integra la noción de daño con la de derechos fundamentales a través del mecanismo ideado por la Constitución de 1991, la acción de tutela. Por lo tanto, se puede acceder a la reparación del derecho fundamental y con ella, el interés legitimo, como fuente de toda reparación. El juez debe definir los mecanismos idóneos para garantizar la protección del derecho fundamental lesionado, y por lo tanto debe restablecerlo; de lo contrario, el juez está en la obligación de ordenar la indemnización pecuniaria. Así, el juez de tutela establece la indemnización como consecuencia de la pérdida económica que soportó la persona, y el juez debe definir si el derecho lesionado tiene un contenido económico y en ese caso decretar la indemnización, no en un sentido reparador sino para que la persona continúe gozando de su derecho. En materia de responsabilidad extracontractual, el juez analiza el daño desde el punto de vista de la víctima y no desde el punto de vista del autor del daño, puesto que la víctima no tiene el deber de soportarlo. Por lo tanto, el daño da un título legítimo de reparación de un perjuicio de orden patrimonial o extrapatrimonial, colectivo o individual, y la acción de tutela garantiza la reparación de un daño que no tiene un contenido pecuniario.

Palabras clave autor: Acción de tutela, daño, derechos fundamentales, reparación, compensación, indemnización, perjuicio, título legítimo, interés legítimo.


Sommaire

Introduction.- I. Le dommage antijuridique un élément substantiel à la déclaration de responsabilité.- 1. L'évolution dans la notion de dommage en France et en Colombie.- 2. Le «titre légitime» et le droit à la réparation.- II. Le dommage et le devoir d'indemniser dans l'action de tutelle.- 1. L'indemnisation dans l'action de tutelle au titre de compensation.- 2. L'indemnisation vise réparer un dommage certain et personnel.- Bibliographie.


Introduction

Lorsque le juge protège un droit fondamental il doit tenir compte du fait suivant: la difficulté de remettre les choses dans l'état ou elles étaient avant la violation. Car il peut y avoir des raisons naturelles, juridiques ou institutionnelles empêchant la protection «in natura» du droit atteint.

Le préjudice impose une réparation patrimoniale:

- Lorsqu'une situation de fait est consolidée ou irréversible, ou lorsque l'ordre naturel des choses empêche une protection intégrale, qui maintient le droit fondamental dans l'état dans lequel il se trouvait avant l'atteinte.

- Lorsque le juge est en présence de droits très personnels comme la vie ou l'intégrité personnelle qui ne peuvent pas être rétablis dans l'état antérieur à la violation.

- Lorsque les droits fondamentaux du demandeur ne sont pas compromis mais ceux de tierces personnes. Dans ce cas là, le juge est dans l'obligation d'harmoniser les intérêts en jeu même si une des parties ne participe pas au procès. Il s'agit de cas où le juge est confronté à une situation où action et omission portent atteinte à un droit fondamental et créent des droits à des tiers qui ne font pas partie du procès. L'État a le devoir de garantir l'efficacité du droit et la protection de tous les citoyens.

Dans cette perspective, comment la notion de dommage peut être intégrée au sein des droits fondamentaux et incite, par le biais de l'action de tutelle, à la réparation?

L'indemnisation est-elle le moyen le plus efficace, le plus juridique, le plus juste pour garantir les droits fondamentaux?

Le constituant de 1991 à instauré l'action de tutelle, afin «d'apporter une alternative additionnelle»1 à celles déjà existantes pour atteindre une réelle application de l'ordre juridique. Ainsi, l'action de tutelle ne peut méconnaìtre d'autres biens juridiques lorsque ses décisions ne donnent pas de solution concrète, ou n'apportent pas une réelle garantie des droits fondamentaux. Certes, s'agissant de l'imminence d'un préjudice irrémédiable, le juge de la tutelle doit prononcer une injonction permettant d'anticiper au dommage lorsque l'urgence et la gravité sont prouvées. Devant l'action de tutelle colombienne, le juge doit parvenir à ce que le droit soit rétabli aux conditions souhaitées par le demandeur avec les garanties pour y parvenir. Car, il peut exister des raisons naturelles rendant impossible l'exercice de ce droit ; ce sont des circonstances exceptionnelles: quand les droits du demandeur rentrent en conflit avec les droits de tiers. L'État peut-il sous prétexte de protéger les droits d'une personne méconnaìtre ceux d'une autre?

Au delà des raisons juridiques et naturelles qui empêchent un retour à l'état antérieur à la violation du droit, ils en existent d'autres d'ordre institutionnel.

En effet, lorsque le juge adopte au concret, la protection du droit fondamental, il doit pondérer les conséquences de la décision et adopter une réparation économique, s'il considère, qu'en vertu des circonstances historiques, rétablir le statu quo peut entraìner une sérieuse instabilité institutionnelle.

Les droits constitutionnels et en particulier les droits fondamentaux ont une priorité sur les décisions de la majorité. De ce fait lorsqu'il y a un conflit entre un droit individuel et les intérêts de la majorité la Cour doit appliquer ce que dit l'article 5 de la Constitution2.

Ainsi, en cas de conflit3 entre les droits constitutionnels fondamentaux, comme la liberté et l'autonomie personnelle et l'atteinte d'objectifs étatiques d'intérêt général à savoir l'augmentation de la production nationale ou le financement de la sécurité sociale, le juge constitutionnel doit donner une priorité «prima facie» aux droits de la personne. C'est la seule façon d'accorder un effet interprétatif et réel à la charte des droits. Ce critère herméneutique est nécessaire et cohérent avec la jurisprudence de la Cour puisqu'il n'est pas possible de donner une préférence aux intérêts de la majorité et au bien être collectif, s'ils rentrent en conflit avec le droit constitutionnel d'une personne. Dans ce cas là, c'est l'intérêt particulier qui prime. Affirmer le contraire4, engagerait l'annulation de l'article 5 de la Constitution Colombienne qui prévoit «L'État reconnaìt sans aucune discrimination la primauté des droits inaliénables de la personne».

Dans ce sens, les droits fondamentaux, ne peuvent pas être assujettis au "calcul utilitaire"5 pour le bien-être collectif, ni soumis aux critères de la majorité et encore moins aux politiques garantes de l'intérêt collectif. En vertu de la position de la doctrine et comme l'établit la jurisprudence, les droits fondamentaux sont de véritables «cartes de triomphe»6 contre le bienêtre collectif puisque conditionner la validité d'un droit constitutionnel à des critères de majorité c'est lui ôter toute son efficacité. Certes, dans une grande mesure, les droits constitutionnels fondamentaux sont des promesses faites par la majorité aux minorités à propos de leur dignité et égalité7, cependant, dans certaines circonstances la protection d'un droit fondamental, dans le sens de «restauration» ou de retour à l'état antérieur à la violation, peut avoir des effets funestes sur la stabilité institutionnelle ou sociale.

De ce fait, un droit fondamental prétendu peut méconnaìtre non seulement d'autres droits fondamentaux mais aussi générer une instabilité institutionnelle ou sociale? C'est sans doute une conséquence face à l'essor incontestable de l'action de tutelle. Matériellement, l'État n'arrive plus à subvenir les charges encourues en raison des actions de tutelle interposées à cause des défaillances du système de sécurité sociale ou des victimes de la violence, entre autres. Dans tous les cas, l'atteinte à un droit fondamental de la part de l'État peut donner droit à la protection du droit par le biais de l'action de tutelle ou du recours de pleine juridiction. Incontestablement, c'est un débat qui ne sera pas matière de cet article mais qui soulève une autre problématique: la portée de l'action de tutelle, juridiquement, socialement et économiquement.

L'approche de la réparation pécuniaire comme autre moyen de protection d'un droit fondamental, sera fondamentalement l'objet de cet article, entendu comme moyen d'assumer un dommage à un droit fondamental lorsqu'il n'est pas possible de restituer à nouveau le droit.

C'est dans ce sens que, à partir de la notion de dommage antijuridique et l'imputation de ce dommage à l'État nous aborderons le devoir de réparation de celui-ci en réponse au droit fondamental à la réparation.

Certes, selon l'article 90 de la Constitution l'État est responsable lorsque par action ou omission il cause un dommage. En effet, l'obligation de l'État de réparer un dommage causé en son nom, repose sur le caractère antijuridique de celui-ci. De ce fait, le juge doit déterminer le titre juridique ou l'imputatio iuris afin d'engager sa responsabilité. Ainsi, une fois définit le dommage antijuridique comme celui que la personne n'a pas à subir, l'État est dans le devoir d'indemniser. Cependant l'indemnisation est un terme relatif, dans le droit colombien puisque en vertu de la loi 975 de 2005, l'indemnisation fait partie d'un, des éléments qui intègrent la réparation8.

De ce fait, le droit à la réparation est un instrument de protection envers la population victime de délits, consacré initialement dans des instruments internationaux, après dans le droit interne. En effet, la résolution 60/147 de l'Assemblée Générale des Nations Unies consacre le droit des victimes du dommage provenant d'atteintes à leurs droits fondamentaux, de réclamer une réparation adéquate, efficace et rapide. Ce qui constitue un droit fondamental des victimes de l'exode interne, et suppose une interprétation du principe IX de ladite Résolution dans le sens ou réparation implique: restitution, indemnisation, réhabilitation satisfaction et la garantie de ne plus reproduire ces actions.

Par ailleurs la Cour Constitutionnelle9 fait la distinction entre la portée du droit à la réparation et devoir de l'État de répondre à son obligation d'assister ceux qui sont dans uns situation difficile, résultant du conflit interne. En effet, le droit fondamental à la réparation est celui dont dispose toute victime d'atteintes aux droits fondamentaux, c'est l'origine même du droit à la réparation intégrale qui vise la réparation d'un dommage. Ensuite, le devoir d'assister ou assistance sociale, répond à l'obligation de l'État de donner une subvention a ceux qui subissent l'exode interne en vertu de leur situation vulnérable. Ainsi, le droit à la réparation des victimes est consacré dans le droit interne parmi deux textes qui ont des portées différentes. D'une part, la loi dénommée de «justice et de paix», loi 975 de 2005, et d'autre part, le Décret 1290 de 2008 qui consacre l'indemnisation administrative. Le droit a la réparation des victimes de l'exode obligé englobe également des actions de restitution, d'indemnisation, réhabilitation entendu comme une aide psychologique aux victimes, et la satisfaction et garantie de ne plus reproduire ces faits de la part du victimaire. La réparation dans ce cas, entraìne entre autres, l'indemnisation qui n'est pas le seul droit, et qui dans le cadre du Décret 1290 de 2008 entraìne plus une prestation sociale qu'un droit fondamental à la réparation comme tel10.-

Enfin, la responsabilité de l'État est donc, une responsabilité objective puisque contrairement a la responsabilité subjective, elle est anonyme11 il suffit de démontrer le préjudice subit a cause du dommage causé par État. Ce qui implique que la victime n'a pas à démontrer une faute de service, simplement elle à le devoir de prouver l'action ou l'omission provenant de l'administration, le dommage et le lien de causalité. Ainsi, la responsabilité objective est le système de responsabilité extracontractuelle de l'État qui ne vise pas à déterminer si dans le comportement répréhensible est présent le dol, la faute ou l'activité illégale. En somme, le caractère antijuridique du dommage est conçu dans un sens objectif: la victime n'a pas le devoir juridique de subir un dommage. De ce fait, est indemnisable12. Pour conclure, toute discussion portant sur la responsabilité de l'État doit être résolue en application de l'article 90 de la Constitution qui amène l'État à engager sa responsabilité patrimoniale.

C'est ainsi qu'abordant d'abord la notion de dommage antijuridique comme élément substantiel à la déclaration de responsabilité (A) voyons, ensuite, l'association entre dommage et le devoir d'indemniser dans l'action de tutelle en réponse à un dommage portant sur un droit fondamental (B).

I. Le dommage antijuridique un élément substantiel a la déclaration de responsabilité

Avant la Constitution de 1991 la jurisprudence colombienne invoquait comme éléments essentiels pour la déclaration de la responsabilité: une faute de service, un dommage et une relation de causalité entre la faute et le dommage13.

Désormais, en vertu de l'article 90 de la Constitution de 1991, la déclaration de responsabilité entraìne plusieurs éléments à savoir : une action ou une omission qui soit imputable à l'administration et que cette conduite génère un dommage ou un préjudice pour celui qui n'est pas dans l'obligation de le supporter14. Dans ce sens, la faute de service n'est plus un élément essentiel à la déclaration de responsabilité de l'État. C'est ainsi que le point de départ de toute déclaration de responsabilité est le dommage, puisqu' une faute de service ne peut pas à elle seule engager la responsabilité de l'Administration15. Sans l'existence d'un dommage, une personne ne peut être indemnisée, tout simplement pour une faute de service ce qui donnerait lieu à un enrichissement sans cause. Le dommage en soi, répond «à un préjudice, c'est à dire la diminution ou l'altération d'une situation favorable»16, l'effet juridique, répond aux mécanismes que le droit met en place pour pallier ou répondre à cette situation. De ce fait, «le dommage est la cause de la réparation, la finalité ultime de la responsabilité civile»17 c'est l'élément essentiel de toute déclaration de responsabilité.

Ainsi, la déclaration de responsabilité18 justifie un ordre logique à savoir, une étude préalable du dommage, ensuite l'imputation pour enfin étudier le fondement voire «la justification» et le «pourquoi» de la réparation.

La position du droit privé qui pendant des années a donné une importance considérable à la notion de faute de service ou de faute, a empêché «d'indemniser des préjudices certains »19 puisqu'elle analysait la situation du point de vue de l'auteur du dommage et non pas de celui de la victime.-

Abordons d'abord l'évolution de la notion de dommage dans l'ordre juridique colombien (1), ce qui nous conduira à la notion de «titre légitime», création doctrinaire récente, qui accorde au particulier la possibilité d'invoquer un dommage et, en conséquence d'en demander réparation (2).

1. L'évolution dans la notion de dommage en france et en Colombie

La position d'une grande partie de la doctrine y compris celle de J. Tamayo Jaramillo, concevait le dommage civil comme «toute diminution ou suppression d'un objet patrimonial ou extrapatrimoniale de la victime» ce qui porte atteinte au titulaire du bien endommagé20. Cette position était basée sur le principe selon lequel une lésion personnelle ou le décès de la victime ne produisant pas de diminution patrimoniale, le dommage était inexistant.

Ainsi, une atteinte à des biens juridiques extrapatrimoniaux n'entraìnait pas de dommage, seule la jurisprudence acceptait un dommage moral subjectif fondé sur la douleur physique ou psychologique de la, ou des victimes21. La jurisprudence accordait un caractère indemnisable au dommage moral subjectif et laissait pour compte d'autres bien extrapatrimoniaux comme la vie ou l'intégrité physique.

Ultérieurement, la doctrine a étendu sa conception du dommage, puisqu'il ne semblait pas logique que le dommage repose sur la lésion de certains biens patrimoniaux ou extrapatrimoniaux.

Le professeur J. Tamayo Jaramillo se demande «avec quel argument logique juridique pourrait-on dire que le tort fait à certains biens juridiques constitue un dommage, alors que l'atteinte à d'autres non»22.

Désormais toute lésion à un bien patrimonial ou extrapatrimonial d'une victime ou de plusieurs constitue un dommage. Le dommage existe dans le sens juridique lorsqu'un bien ou une situation sont protégées par l'ordre juridique.

Ainsi, le dommage civil est celui qui «porte atteinte à la faculté de jouissance d'un bien que possède une victime». Il s'agit d'une lésion d'un droit subjectif (un intérêt juridiquement protégé) de la victime23. Egalement la doctrine espagnole fait référence aux «dommages patrimoniaux et moraux» qui sont objet de toute réparation24.

Le dommage donne lieu au versement d'une somme d'argent qui vise à indemniser un préjudice. Mazeaud et Chabas25, affirment que le préjudice est synonyme de dommage et, dans le langage juridique actuel, les auteurs signalent que les deux expressions sont synonymes. Même si en droit romain, le damnum de la loi Aquilia était l'atteinte à l'intégrité d'une chose, atteinte sanctionnée sans rechercher si elle portait préjudice ou non. Cependant ils ajoutent que parfois l'expression dommage se réfère au versement d'une somme d'argent d'où l'expression «dommages et intérêts», que l'expression dommage vise «l'indemnisation du préjudice», voire le «dédommagement»26.

En France27, la notion de dommage imminent et de trouble manifestement illicite font appel à des mesures conservatoires du juge des référés afin de prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble illicite. Dans ces cas le juge n'est pas appelé à constater l'urgence et les mesures, même si elles se «heurtent à une contestation sérieuse», car ce sont des mesures conservatoires ou de remise en état.

Il y a eu débat car une mesure prise en présence d'une contestation sérieuse pouvait avoir un effet direct sur le fond du litige. La jurisprudence a délimité la portée des mesures dictées par le juge des référés qui n'est pas appelé à «caractériser»28le dommage ou «le trouble manifestement illicite» mais simplement à prévenir une situation donnée29.

Par ailleurs, la notion de «trouble manifestement illicite» fait appel à trois éléments: la véracité du trouble dans le sens où il ne peut y avoir aucun doute concernant celui-ci, que l'illégalité soit manifeste et contraire à toute norme de l'ordonnancement juridique et que le dommage soit imminent, ce qui répond à la libre appréciation du juge.

Le cas de référés spéciaux et autonomes correspond à un exemple de dommage imminent ou de troubles manifestement illicites.

En somme, en Colombie la doctrine tend à affirmer; que toute atteinte à un bien patrimonial ou extrapatrimonial d'une victime ou de plusieurs, constitue un dommage30. De même, le dommage entraìne une double distinction; le bien juridique qui est défini comme celui qui satisfait les différents besoins de l'être humain et l'intérêt, entendu comme ce qui est protégé juridiquement31. Dans ce sens, le dommage repose sur un intérêt qui est protégé et qui produit une réaction juridique32.

Ainsi, tout dommage doit être réparé comme principe inscrit dans la Constitution et dans la loi. La réparation du dommage, se fait sous trois formes: par la voie pécuniaire, ce qui consiste à «remplacer le droit par une somme d'argent»33, par la réparation in natura ce qui correspond à «compenser le droit lésé par son équivalent»34, mais pas par une somme d'argent, ou bien par la cessation ou suppression du dommage ce qui correspond à «supprimer les causes du dommage»35 qui peuvent faire empirer la situation.

2. Le «Titre legitime»36 et le droit a la réparation

Le dommage est personnel et donne droit à une indemnisation lorsque la personne qui demande la réparation est la personne lésée dans son droit38. A ce titre, affirme Díez Picazo et Gullón, que le dommage est indemnisable ou susceptible de réparation s'il est actuel et futur et lorsqu'il peut surgir postérieurement avec une certitude mesurée38. Le dommage étant l'amoindrissement d'une situation favorable39, le caractère personnel du dommage implique que toute personne ne peut réclamer une réparation que lorsque sa situation juridique protégée est amoindrie ou lésée.

Cette notion de «situation juridique protégée» fait référence à la notion d'intérêt légitime développée par le professeur Vedel en évoquant la jurisprudence Braud40. En effet le Conseil d'État français a refusé d'accorder une indemnité à madame Braud suite au décès de son concubin du fait qu'elle avait vécu pendant 14 ans dans une union de fait et que cette situation n'était pas protégée par l'ordre juridique. Le professeur Vedel souligne: «le préjudice doit consister dans l'atteinte portée a une situation juridiquement protégée, notion plus large que celle de la lésion d'un simple droit plus étroite que celle de la lésion d'un simple intérêt et qui correspond a peut près a la notion de la lésion d'un intérêt légitime».41 En Colombie J. C. Henao signale que la jurisprudence colombienne accordait une réparation à toute situation juridique légitime ou toute invocation de droits juridiquement protéges42, de ce fait toute réparation provenant d'une situation illégale n'était pas objet de réparation43. Ce n'est qu'en 1989 lorsque le Conseil d'État Colombien, abandonne la notion de "situation juridiquement protégée", par la notion de "la certitude du préjudice et de la relation de causalité entre celui-ci et le fait"44. Ainsi, le problème ne repose pas sur une justification par la morale de la situation personnelle du demandeur, "il s'agit de justifier que la situation juridiquement protégée est un droit inhérent à toute personne, qui peut donc demander une réparation"45 ainsi, la question repose sur le caractère "légitime" ou "illégitime" de la situation protégée.

Désormais, la base de toute indemnisation repose sur la "légitimité du titre"46 qui ouvre droit à cette indemnisation. Dans ce sens, De Cupis signale que l'intérêt privé est protégé directement, lorsqu'il s'agit d'un intérêt propre a l'individu, c'est-à-dire, protégé par l'ordre juridique afin d'obtenir un équilibre ou rétablir la situation avant le dommage47.

Ne donnera pas lieu à réparation ce qui est le fruit d'une activité illégale mais donnera lieu à réparation le préjudice moral ou "le pretium doloris" lorsque le père narcotrafiquant décède, suite à une faute de service et si ses enfants demandent une réparation morale48.

En somme, "le caractère personnel du dommage suppose que celui-ci peut être subit par toute personne à qui on ne peut interdire de demander une indemnisation par le seul fait que le juge considère que sa situation n'est pas irréprochable"49. La seule limite est l'interdiction d'indemnisation de dommages sur des biens ou sur la perte de revenus qui ont une source illégale50.

C'est ainsi que la notion de "titre légitime"51 ou «d'intérêt légitime»52 ou «intérêt protégé»53 devient plus apte pour déterminer si une personne est en droit de demander une indemnisation. De ce fait, la jurisprudence colombienne a développé depuis peu cette notion en matière de réparation des victimes54. Désormais, le caractère personnel du dommage, accorde à la personne lésée le droit de demander une réparation. Le titre légitime est présumé sauf si une preuve contredit la légalité du titre55.

De ce fait, toute réparation requiert la vérification d'une lésion ou l'atteinte a un bien juridique protégé, ou l'atteinte à un droit ou un intérêt légitime. Ceci implique un dommage qui a eu lieu et qui doit être évalué comme antijuridique, dans la mesure ou celui qui le subit n'est pas dans l'obligation de le supporter, du fait que, l'ordre juridique ne lui impose pas cette charge. Ainsi, la réparation engage une responsabilité patrimoniale de l'État qui puise ses bases dans la jurisprudence espagnole. En effet, l'arrêt du Tribunal Suprême Espagnol, du 15 octobre 1990 (Chambre 3, Section 3) présente deux sources de la responsabilité patrimoniale de l'administration. D'une part le caractère illégitime d'une activité ou d'une situation, d'autre part, la condition du point de vue de la victime, dans le sens ou elle n'a pas l'obligation ou le devoir juridique de supporter cette charge ou tout simplement, de la subir56.

Ainsi, le dommage résultant de la lésion à un droit fondamental ou à un bien juridique protégé, ouvre le droit à la «réparation intégrale» consacrée dans les lois 446 de 1998 57 et 975 de 2005 (dénommée loi de justice et de paix). En effet, la réparation intégrale répond aux principes du droit international public et en particulier au Système Interaméricain des Droits de l'homme qui consacre la notion de réparation58 comme étant celle qui peux entraìner des mesures pécuniaires ou non. De ce fait, la réparation intégrale est un principe adopté par le droit colombien pour la réparation de toute sorte de dommage invocable devant l'administration en vertu de l'article 16 de la Loi 446 de 1998. Cependant, elle est également utilisée dans le cadre d'atteintes aux droits fondamentaux provenant de groupes armés. En effet, la loi 975 de 2005, prévoit un système de réparation intégrale afin de restituer, réparer ou compenser les droits fondamentaux lésés dans le cadre du conflit armé. Certes, la portée de la réparation fait allusion à la restitution ou «restitutio in integrum», comme moyen de rendre les choses en l'état. Aussi elle fait allusion à l'indemnisation, pour pallier aux préjudices matériels subits en vertu d'un dommage matériel ou immatériel ainsi, qu'à la réadaptation, ce qui implique le financement des soins médicaux, psychologiques ou psychiatriques des victimes qui ont subit l'atteinte dans leurs droits fondamentaux. Et enfin, la compensation morale qui correspond à la réparation de la ou des victimes dans leur dignité. C'est quelque part, l'obligation de révéler la vérité des faits et l'engagement de ne plus les reproduire.

Au demeurant la notion de réparation intégrale est un principe qui répond au devoir de réparer le dommage causé à un bien ou un intérêt juridiquement protégé. Actuellement, la notion de réparation intégrale est amplement utilisée par la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle59 et du Conseil d'État60, en réponse aux obligations résultant du droit international humanitaire, qui impose aux États la charge d'enquêter sur l'atteinte aux droits fondamentaux ayant eu lieu dans leur territoire. En conséquence, l'obligation de réparer répond aussi à la possibilité d'interposer des actions en justice qui permettent aux victimes d'accéder à la réparation des dommages causés61.

Or, en matière d'action de tutelle, la réparation du dommage se manifeste par un ordre qui vise à supprimer les causes qui portent atteinte à un droit fondamental. Faire cesser la situation qui cause le dommage, représente la sauvegarde du droit ou de l'intérêt lésé62 et l'action de tutelle n'intervient en aucun cas pour définir des obligations pécuniaires63.

II. Le dommage et le devoir d'indemniser dans l'action de tutelle

L'ampleur de l'action de tutelle une action constitutionnelle conçue essentiellement pour la défense des droits fondamentaux n'entend l'indemnisation, que comme mécanisme accessoire et exceptionnel. Ainsi, dans un premier temps abordons les exigences dans lesquelles procède l'indemnisation, sachant que tout droit qui n'est pas compensé in natura est évalué, ce qui accorde un fondement constitutionnel à l'indemnisation (1). Dans un deuxième temps, réaffirmons donc, que l'indemnisation en abstrait dans l'action de tutelle, est orientée vers la réparation d'un dommage causé (2).

1. L'indemnisation dans l'action de tutelle au titre de compensation

L'indemnisation comme solution accessoire de l'action de tutelle présume que le juge de la tutelle lorsqu'il est chargé de «restaurer»64 le droit fondamental doit opter pour la réparation pécuniaire, du fait qu'il ne peut pas ramener les choses à l'état antérieur à la violation du droit. Il est appelé à analyser la situation avec une rigueur extrême et a le fardeau de justifier convenablement, les raisons pour lesquelles, il n'accorde pas la réparation in natura. La justification cherche à trouver une solution concrète, au-delà de toute argumentation exigible dans une décision judiciaire. Puisque l'État doit apporter une réponse à toute atteinte à un droit fondamental et qu'il est impossible de revenir en arrière (à savoir ramener les choses en l'état antérieur à l'atteinte du droit) le juge doit ordonner l'indemnisation de la personne lésée. Cependant s'il n'est pas viable de rétablir le droit lésé ou de compenser le dommage par un avantage différent, l'État est dans l'obligation d'apporter une solution qui répare le dommage anti-juridique65, causé par l'impossibilité de répondre à son devoir de protection et de garantie des droits fondamentaux.

Ainsi, l'indemnisation comme solution accessoire dans la pensée juridique occidentale, répond à un principe obligatoire selon lequel «tout dommage qui ne peut pas être réparé doit être indemnisé»66.

L'indemnisation peut être aussi la solution d'un conflit de droits ou d'un conflit entre un droit et un intérêt public légitime. Or la Cour signale, que tout droit qui n'est pas compensé in natura est évalué, ce qui accorde un fondement constitutionnel à l'indemnisation.

Sur ce point, elle précise que même si l'article 25 du Décret 2591/199167 limite la possibilité d'indemnisation de la perte subie, c'est une restriction qui ne concerne que le dommage matériel. En effet, lorsque l'action de tutelle vise la garantie d'un droit fondamental, cela suppose un dommage moral qui entraìne l'indemnisation de celui-ci.

En conséquence, lorsque le juge est amené à définir lequel des mécanismes est approprié pour garantir la protection du droit fondamental lésé, il doit rétablir les conditions d'exercice du droit fondamental atteint. Si la réparation in natura ne peut aboutir, le juge de tutelle est «dans l'obligation d'ordonner l'indemnisation»68.

Cette faculté est établie dans l'article 25 du Décret 2591/199169, qui consacre la possibilité "d'une indemnisation compensatoire"70, exige d'un incident de liquidation des préjudices qui doit définir le montant du préjudice en argent.

Cet incident est accessoire et n'est pas de la nature de la tutelle puisqu'elle n'est pas une action indemnitaire.

L'indemnisation prononcée par le juge de la tutelle exclut tout type de préjudice extrapatrimonial "le dommage moral ou le préjudice d'agrément"71 sont exclus ainsi que le manque à gagner. Seul est indemnisable le dommage entendu comme celui qui a déjà eu lieu ou celui qui peut avoir lieu dans un futur proche. Dans ce sens lorsque le juge de tutelle ordonne une indemnisation, il le fait en sachant que c'est en compensation d'un versement d'une somme d'argent que la personne lésée a réalisé ou qu'elle devra réaliser dans un futur proche. Cette indemnisation est légitime lorsque le juge de tutelle veut assurer la protection efficace du droit lésé ou menacé.

Au demeurant, le juge doit établir l'indemnisation comme conséquence de la "perte économique" qu'a subi la personne suite à l'atteinte au droit. Cela implique que le juge doit analyser la situation particulière en observant le rapport entre l'indemnisation et la jouissance du droit. Ce qui veut dire que le juge doit déterminer si le droit lésé à un contenu économique, et dans ce cas-là, il décrète l'indemnisation non pas dans un but réparateur mais pour permettre à la victime de poursuivre la jouissance de son droit. Le montant de l'indemnisation du préjudice causé suite à une action ou omission n'est pas évalué, par lui, et sera ultérieurement décidé72. Les préjudices extrapatrimoniaux qui ne sont pas du ressort de l'action de tutelle peuvent être définis dans une procédure à part.

Par ailleurs l'indemnisation n'est pas toujours la seule issue, puisque l'intérêt de l'action de tutelle est avant tout, de préserver le droit fondamental. En effet, lorsque le diagnostic du médecin prévoie une 73, la Cour a ordonné à l'entité prestataire du service de la santé d'apporter les soins nécessaires au patient et d'exercer l'action de répétition contre l'État. Afin d'éviter un préjudice imminent, comme la mort, le droit fondamental du patient à la vie a été préservé. Par contre, lorsqu'il s'agit d'une obligation de faire contenue dans une décision judiciaire, le juge de la tutelle peut ordonner l'exécution de la sentence même si le procès exécutif est le mieux adapté pour demander l'exécution de la décision. De ce fait, le juge de la tutelle ordonne une obligation de faire, lorsqu'il demande de réintégrer le travailleur dans ses fonctions74, puisque, si la non exécution de la décision entraìne une atteinte à un droit fondamental et le procès exécutif n'a pas la même efficacité, l'injonction du juge de la tutelle peut éviter un préjudice irrémédiable. En outre malgré le principe général: les obligations de «donner» ne sont pas invocables par le biais de l'action de tutelle, la Cour a reconnu l'action de tutelle comme une action valable pour demander l'exécution d'une sentence qui accordait le droit à la pension de vieillesse. En effet, la Cour signale que lorsque le juge de tutelle reconnaìt une obligation de ce genre sans énoncer directement le nom des personnes bénéficiaires, il porte atteinte au principe fondamental de la dignité et au «minimum vital»75. Dans ce sens, l'obligation de «donner» même si elle n'est invocable qu'à travers un procès exécutif est invocable par le biais de l'action de tutelle76. Au demeurant, toute décision doit apporter une solution concrète pour pallier à tout manquement à un droit fondamental, toutefois, devant «des impératifs constitutionnels, l'indemnisation est la dernière alternative»77.

2. L'indemnisation vise réparer un dommage certain et personnel

En matière d'indemnisation l'action de tutelle est complètement indépendante du dommage78. En effet, "l'indemnisation n'est pas l'objet principal de l'action de tutelle"79 cependant, elle est accessoire et recevable si la prétention principale est retenue. Le juge ayant analysé les éléments de fait et de droit peut décréter l'ordre d'exécution immédiate et ordonner une indemnisation80. Elle doit être une conséquence directe d'une action arbitraire, voire d'un abus de pouvoir ce qui explique qu'elle soit invoquée dans le procès de tutelle afin d'assurer la jouissance du droit.

L'indemnisation en abstrait est orientée vers la réparation du dommage causé, entendu comme "préjudice ou perte" selon l'article 1614 du Code Civil. La Cour affirme que toute condamnation en abstrait implique que les règles du «procès équitable»81 aient été respectées.

Certes, le procès de tutelle étant une procédure sommaire se doit de respecter les règles de l'article 29 de la Constitution, sinon, toute condamnation en abstrait qui n'a pas suivie les règles du procès équitable peut être révoquée par le supérieur hiérarchique ou par la Cour Constitutionnelle82. Cependant, si le juge de tutelle fait une estimation de l'indemnisation "in genere", il doit définir avec exactitude le préjudice, la raison de sa réparation qui doit être indispensable afin de permettre la jouissance efficace du droit fondamental. Il doit définir de même, le fait ou l'acte qui a donné lieu au préjudice, ainsi que la relation de causalité entre l'action de l'agent et le dommage causé, ce qui apportera les éléments de base devant la juridiction contentieuse administrative ou devant le juge compétent afin de réaliser le solde correspondant83.

Dans ce sens, est prouvée l'atteinte au droit fondamental des plaideurs, qui en raison de la violence dans certaines régions de la Colombie doivent entreprendre un exode rural. Les plaignants qui ne peuvent pas présenter une autre action ordinaire pour demander réclamation, doivent interposer une action de tutelle afin d'obtenir le droit à la réparation comme droit fondamental. La Cour proclame l'indemnisation du droit fondamental en abstrait qui par la suite doit être définie par le biais d'un incident de liquidation de préjudices devant la juridiction contentieuse administrative84.

De même, en ce qui concerne le droit du travail, la Cour souligne que le licenciement d'une personne infectée par le virus du sida constitue un acte de discrimination. De ce fait, l'ordre de réparation du dommage, provenant du juge de la tutelle à un caractère «extraordinaire» et seul procède, si les raisons de fait et de droit donnent lieu à une réparation permettant à l'acteur de vivre dans la dignité85.

Cette indemnisation peut assurer la jouissance du droit à la dignité lésé, puisque le plaignant se retrouvant dans une situation précaire n'est pas en capacité de trouver un autre emploi. Ses droits ne peuvent être protégés que par le biais d'une réparation pécuniaire86.

Ainsi, le dommage ouvre la voie pour obtenir une indemnisation afin de permettre à plusieurs personnes, ou à des personnes morales de saisir la justice dans le but d'obtenir la réparation de patrimoines ou intérêts communs.

Désormais, la possibilité d'obtenir une indemnisation ne repose pas uniquement sur le propriétaire mais sur «l'être humain comme titulaire de droits collectifs»87, ce qui accorde à l'action en responsabilité civile un revirement non pas dans sa conception mais dans sa pratique88.

***

La Cour Constitutionnelle en matière de responsabilité de l'État souligne que l'article 90 de la Constitution abandonne la notion de sanction personnelle et instaure «le principe abstrait de réparation de patrimoines»89. Ainsi, toute indemnisation représente avant tout une réparation d'un tort causé par un des agents de l'État qui a le devoir de préserver les droits et les garanties sociales.

Le Conseil d'État, pour sa part, adopte une position similaire lorsqu'il invoque la notion de dommage comme «la lésion d'un intérêt légitime»90. En matière de responsabilité extracontractuelle, il analyse le dommage du point de vue de la victime et non pas de celle de l'auteur du dommage. Le mal étant causé par l'État dans sa gestion et la victime n'a pas à le supporter.

Ainsi, le dommage donne un titre légitime de réparation d'un préjudice d'ordre patrimonial ou extrapatrimonial, collectif ou individuel. Ainsi, l'action de tutelle fait appel à la réparation d'un dommage qui porte atteinte à un droit fondamental. C'est à ce titre que le juge doit faire une juste appréciation pour protéger une situation juridiquement protégée et définir la proportionnalité entre le dommage qui n'a pas de nature pécuniaire et sa réparation à travers une somme d'argent.


Pie de página:

1Dans ce sens voir Arrêt SU-544/2001.
2«L'État reconnaìt sans aucune discrimination, la primauté des droits inaliénables de la personne et protège la famille comme l'institution principale de la société».
3Dans ce sens voir Cour Constitutionnelle, Décision C-309/1997, C-606/1992, C-221/1994, C-350/1994 et arrêt T-669/1996.
4Cour Constitutionnelle, Décision C-309/1997.
5Cour Constitutionnelle, Décision C-350/1994.
6Ibid.
7Ibid.
8Conseil d'État, Section 3, 13 juillet 1993.
9Arrêt C-1199/2008.
10Conseil d'État, Section 2A, 16 juillet 2009.
11Roberto Dromi, Derecho administrativo 1043-1046 (12ª ed., Ciudad Argentina-Hispania Libros, Buenos Aires, Madrid, México, 2009).
12Conseil d'État, Section 3, 14 septembre 1984.
13Conseil d'État, Section 3, 24 septembre 1993.
14Conseil d'État, Section 3, 9 juillet 1992.
15J. C. Henao, El daño, Analisis comparativo de la responsabilidad extracontractual del Estado en derecho colombiano y francés 36-37 (2ª ed., Universidad Externado de Colombia, Bogotá, 2002).
16A. De Cupis, El daño, Teoría general de la responsabilidad civil 81 (2ª ed., Bosch, Barcelona, 1975).
17Henao, ob. cit., supra note 15, 36-37.
18Dans ce sens, la doctrine allemande fait allusion a des «niveaux de responsabilité de pouvoirs publics». En effet, la distinction entre la «responsabilité cadre» qui engendre une responsabilité simple et concerne tous les pouvoirs publics, afin de garantir le bien-être collectif, et la «responsabilité d'exécution» qui fait référence a l'exécution de la loi dans un but d'accomplissement des fonctions sociales de l'État. Il s'agirait donc, d'une responsabilité qui concerne non seulement l'administration publique mais aussi les particuliers qui accomplissent ces fonctions. Cfr. E. Schmidt-Assman, La teoría general del derecho administrativo como sistema, Objeto y fundamentos de la construcción sistemática, 179-188 (Instituto Nacional de Administración Pública & Marcial Pons, Madrid & Barcelona, 2006).
19Henao, ob. cit., supra note 15, 36-37.
20J. Tamayo Jaramillo, De la responsabilidad civil, Tomo IV, 7 (Temis, Bogotá, 1999).
21Ibid.
22Ibid., 8.
23Ibid., 9.
24L. Díez Picazo & A. Gullón, Sistema de derecho civil, Volumen II, 544 (9ª ed., Tecnos, Madrid, 2001).
25H. et L. Mazeaud, J. Mazeaud & F. Chabas, Obligations théorie générale 395-396 (8e éd., Montchrestien, Paris, 1997).
26Ibid.
27Article 809 NCPC 5: «Le président peut toujours, «même en présence d'une contestation sérieuse», prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier «ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire » ». Article 810 NCPC: «Les pouvoirs du président du tribunal de grande instance prévus aux deux articles précédents s'étendent à toutes les matières où il n'existe pas de procédure particulière de référé».
28L. Cadiet, Droit judiciare privé 557 (3e éd., Litec, Paris, 2000).
29Ibid.
30Tamayo Jaramillo, ob. cit., supra note 20, 7. Cfr. De Cupis, ob. cit., supra note 16, 122-123.
31De Cupis, ob. cit., supra note 16, 110-111.
32Ibid., 114.
33J. C. Henao, De tal derecho lesionado, tal acción, en V Jornadas de derecho constitucional y administrativo, 485-541 (Universidad Externado de Colombia, Bogotá, 2005). Dans ce sens, la Cour Constitutionnelle affirme: "L'operateur juridique doit veiller a ce que la réparation soit intégrale, entendue comme celle qui vise une réparation des dommages matériels et moraux ». Voir notamment Arrêt C-163 de 2000.
34Ibid.
35Ibid. Voir dans ce sens, De Cupis, ob. cit., supra note 16, 588: «La réparation du dommage fait référence à l'indemnité ainsi qu'a la possibilité de le rétablir».
36Dans ce sens, «l'exception d'illégitimité» fait référence a un dommage qui n'ouvre pas droit a la réparation du fait d'une situation illégitime. Cfr. R. Chapus, Droit administratif général, Tome II, 857 (Montchrestien, Paris, 1986).
37Henao, ob. cit., supra note 15, 88.
38Díez Picazo & Gullón, ob. cit., supra note 24, 546.
39Henao, ob. cit., supra note 15, 99.
40Conseil d'État Français, Arrêt d'Assemblée 21 octobre 1955, Dame Braud.
41G. Vedel, Droit administratif, 391 (6e éd., Presses Universitaires de France, Paris, 1976).
42Henao, ob. cit., supra note 15, 95.
43Dans ce sens, l'arrêt de principe du Conseil d'État colombien du 29 avril 1980 qui pour la première fois accorde le droit à une indemnisation de la concubine suite à la mort du concubin.
44Conseil d'État, Section 3, 19 juillet 1989.
45Henao, ob. cit., supra note 15, 94.
46Ibid., 96.
47De Cupis, ob. cit., supra note 16, 598-599.
48Ibid.
49Henao, ob. cit., supra note 15, 101.
50Ibid.
51Ibid., 102.
52Vedel, ob. cit., supra note 41, 391.
53De Cupis, ob. cit., supra note 16, 599.
54Voir notamment arrêts T-249/03, C-695/02. Autres instances judiciaires, Cour Suprême de Justice, Chambre civile, du 2 février 2005, et Conseil d'État, Section 3, du 12 avril 1991.
55De Cupis, ob. cit., supra note 16, 599, fait référence a l'intérêt protégé comme étant celui qui est propre a l'individu qui est protégé par le droit.
56F. Garrido Falla, A. Palomar Olmeda y H. Losada Gonzalez, Tratado de derecho administrativo Volumen II, 322 (12a ed., Tecnos, Madrid, 2005).
57Loi 446 de 1998 article 16 : «Évaluation de dommages. Dans tout procès devant l'Administration de Justice, l'évaluation de dommages causés aux personnes et aux choses, se soumettra aux principes de réparation intégrale et équité et tiendra compte des critères techniques actuariels».
58Voir notamment Arrêt T-085/2009.
59Voir dans ce sens Cour Constitutionnelle, Arrêt T -085/2009.
60Voir entre autres Conseil d'État, Section 3, 20 février 2008.
61Voir dans ce sens Cour Constitutionnelle Arrêt T-188/2007.
62Henao, De tal derecho lesionado, tal acción, ob. cit., supra note 33,,485-541.
63Ibid., 485-541.
64Cour Constitutionnelle, Arrêt T-631/2003.
65Article 90 de la Constitution.
66Cour Constitutionnelle, Arrêts T-720/2002 et T-498/2002.
67Le Décret 2591 de 1991 et le décret qui règlemente la procédure et les conditions pour présenter l'action de tutelle.
68SU-544/2001.
69"Lorsque la personne lésée ne dispose pas d'un autre moyen judiciaire que la violation du droit est manifeste, conséquence directe d'une action claire et arbitraire (...) dans la décision qui accorde la tutelle, le juge d'office à la possibilité d'ordonner en abstrait l'indemnisation de la perte éprouvée si cela était nécessaire pour assurer la jouissance du droit, ainsi que le paiement des frais de justice".
70J.C. Henao, La acción de tutela, en Liber Amicorum, Homenaje a Fernando Hinestrosa, 30 años de Rectorado, Tomo II, 249 (Universidad Externado de Colombia, Bogota, 1996).
71Ibid.
72La Cour Constitutionnelle signale que le recours de pleine juridiction, représente le mécanisme juridictionnel le plus efficace, pour demander la réparation des préjudices subits devant les autorités de l'État, en vertu d'une action ou omission provenant d'une autorité publique ou un particulier. Cela en application de l'article 90 de la Constitution qui dispose la responsabilité de l'état devant un dommage anti juridique. Voir dans ce sens, arrêts T-253/1993 et T-916/2005.
73Cour Constitutionnelle, Arrêt T-369/1998.
74Cour Constitutionnelle, Arrêt T-631/2003.
75Voir dans ce sens Cour Constitutionnelle, arrêts T-720/2002 et T-498/2002.
76Dans ce sens, le droit aux prestations est un droit invocable par le biais de l'action de tutelle, sauf, si le retard ou la non exécution d'une pension d'invalidité ou une pension de vieillesse peut entraìner des conséquences funestes et irrémédiables dans la santé ou l'existence d'un individu et serait ouvertement contraire à la Constitution. Cfr. Décision SU-975/2003.
77Ibid.
78Dans ce sens Cour Constitutionnelle, arrêts T-170/1999, T-575 /1996, T-151/2002, T-1121/2003.
79Cour Constitutionnelle, Arrêt T-170/1999.
80Cour Constitutionnelle, Arrêt T-095/1994.
81La Cour signale: "Le procès équitable qui repose sur la présomption d'innocence est applicable et exigible lorsqu'il s'agit de résoudre des actions de tutelle, d'autant plus si le litige repose sur une condamnation économique d'un fonctionnaire ou d'un employé". Toute condamnation, souligne la Cour, doit au moins compter sur une preuve de l'existence du préjudice, et d'une relation de causalité entre le préjudice et l'action ou l'omission. Cette déduction requiert un procès équitable préalable qui déclare responsable la personne ou l'entité: Arrêt T-375/1993.
82Cour Constitutionnelle, Décision C-543/1992.
83Cour Constitutionnelle, Arrêt T-403/1994.
84Dans ce sens Cour Constitutionnelle, Arrêt T-085/2009.
85En effet, la résiliation unilatérale du contrat de travail par l'employeur, lorsque l'employé est un porteur «sain» du virus et ne présente pas de signe de la maladie, est un acte arbitraire. La situation concrète ne s'inscrit pas dans le cas de «maladie contagieuse», qualifiée par la loi comme une «juste cause» de résiliation d'un contrat de travail. Elle ne représente aucun danger puisque l'acteur est «porteur» du virus mais n'a pas encore atteint le stade de «malade». Le devoir de solidarité, est pour l'employeur dans ce cas précis, le maintien du droit légitime au travail de l'employé, ayant connaissance de sa situation médicale, l'employeur aurait dû lui garantir une stabilité sociale. Ainsi, s'accomplit signale la Cour «l'exigence légale» qui justifie une indemnisation «indispensable» pour assurer la protection efficace du droit du demandeur. La réparation, dans ce cas précis, consisterait en réintégrer le requérant à son ancien poste, cependant cette solution ne répare en rien l'atteinte, qu'il a subi dans sa dignité, lorsque ses employeurs ont appris qu'il avait le virus du VIH sans être un porteur réel. En effet, la divulgation publique, de son éventuelle maladie, représente aux yeux de la société, une stigmatisation qui touche à sa dignité et qui réclame d'une réparation morale et matérielle qui lui permette de vivre dignement. La Cour considère que le seul moyen de rétablir le droit fondamental du plaignant c'est de lui donner un accès à la sécurité sociale, afin qu'il puisse préserver sa santé.
86Cour Constitutionnelle, Arrêt SU-256/1996. Voir également les arrêts T-1121 /2003 et T-588/2006.
87Henao, ob. cit., supra note 15, 78.
88Ibid.
89Cour Constitutionnelle, Décision C-333/1996.
90Conseil d'État, Section 3, 13 juillet 1993.

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