SciELO - Scientific Electronic Library Online

 
vol.23 issue2Spanish as a tool for inclusive globalization: Linguistic equity in double immersion classrooms in CaliforniaSpanish Language Education in the United States: Beginning, Present, and Future author indexsubject indexarticles search
Home Pagealphabetic serial listing  

Services on Demand

Journal

Article

Indicators

Related links

  • On index processCited by Google
  • Have no similar articlesSimilars in SciELO
  • On index processSimilars in Google

Share


Íkala, Revista de Lenguaje y Cultura

Print version ISSN 0123-3432

Íkala vol.23 no.2 Medellín May/Aug. 2018

https://doi.org/10.17533/udea.ikala.v23n02a07 

Theoretical Articles

La traduction d'ouvrages géographiques comme outil de consolidation de l'idée de nation : le cas de la partie traitant de la Colombie dans la Nouvelle géographie universelle d'Elisée Reclus

La traducción de obras geográficas como instrumento para la consolidación de la idea de nación: el caso de la parte sobre Colombia en la Nouvelle géographie universelle de Elisée Reclus

Translating geographic works as a means to consolidate the idea of nation. The case of the section on Colombia in Elisée Reclus’ Nouvelle géographie universelle

Daniel López-Bermúdez1 

Étudiant

1Étudiant École doctorale LSHS (Lettres, Sciences Humaines et Sociales), Université Blaise Pascal. Diplôme de Maîtrise 2 Études hispaniques, Université Blaise Pascal. Diplôme de Maîtrise 2, Sciences du Langage Spécialité FLES, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, France. Traduction Anglais-Français-Espagnol, Universidad de Antioquia. Professeur d’espagnol et français langue étrangère, traducteur indépendant. Haupstrasse 17, 6015 Luzern (Suisse) delopezb@hotmail.com


Résumé:

Cet article est issu d'un mémoire pour l'obtention d'un diplôme de master en études hispaniques. Il aborde la traduction à l’espagnol de la partie traitant de la Colombie dans l’œuvre du géographe français Élisée Reclus : Nouvelle géographie universelle. Cette traduction, intitulée Colombia, a été faite par le géographe colombien Francisco Javier Vergara y Velasco, juste après la parution de l’original en 1893. Cette étude vise à donner quelques éléments clés pour restituer les protagonistes et les enjeux de ce processus de traduction dans leur contexte historique, à une époque où les illusions d’unité nationale des pays américains naissants se manifestaient, par exemple, dans l’intérêt que des cercles intellectuels et politiques portaient à des travaux géographiques. La figure du géographe-traducteur est donc ici mise en relief car, plus qu’un simple relais entre langues, il est considéré comme un sujet qui a marqué de son empreinte, surtout en tant que géographe, cette traduction.

Mots-clés : traduction; géographe-traducteur; ouvrages géographiques; identité nationale.

Resumen:

El presente artículo surge de una tesina presentada para la obtención de un diploma de maestría en Estudios Hispánicos. Aborda la traducción al español de la parte correspondiente a Colombia en la obra del geógrafo francés Élisée Reclus: Nouvelle géographie universelle. Dicha traducción, titulada Colombia, fue realizada por el geógrafo colombiano Francisco Javier Vergara y Velasco, precisamente después de la publicación del original en 1893. El presente estudio tiene como objetivo dar algunos elementos claves para restituir a los protagonistas y los desafíos de este proceso de traducción en su contexto histórico, en una época en la que las ilusiones de unidad nacional de los países americanos nacientes se manifestaban, por ejemplo, en el interés que círculos intelectuales y políticos prestaban a los trabajos geográficos. Así, se trata de destacar la figura del geógrafo-traductor, pues más que un simple intermediario ente lenguas, se debe considerar como un sujeto que marcó con su huella, particularmente como geógrafo, esta traducción.

Palabras clave: traducción; geógrafo-traductor; obras geográficas; identidad nacional.

Abstract:

This article is based on a dissertation for a master's degree in Hispanic studies. It deals with the translation into Spanish of the section about Colombia from the Nouvelle géographie universelle by the French geographer Élisée Reclus. This translation, titled Colombia, was made by the Colombian geographer Francisco Javier Vergara y Velasco, just after the publication of the original in 1893. This study aims to restore the protagonists and the stakes involved in this translation process in their historic context, in a time when illusions of national unity of the nascent American countries were manifested, for example, in focusing on geographic works. The figure of the geographer-translator is here considered more as a subject that has left its mark, especially as a geographer in this translation-rewriting, than just a bridge between languages.

Keywords: translation; geographer-translator; geographic works; national identity.

La fonction de la traduction en tant qu'outil de construction d'identité nationale est largement attestée à travers l'histoire (Delisle et Woodsworth, 1995). La traduction colombienne de la partie traitant de la Colombie, c'est-à-dire fondamentalement le chapitre iv du tome xviii de la Nouvelle géographie universelle : la terre et les hommes (Reclus, 1893a) (dorénavant NGU) du géographe français Élisée Reclus en est un exemple. En effet, le but de cette traduction réalisée à la fin du xixe siècle était de présenter, particulièrement à l’étranger, une image plus claire d’un pays encore mal connu. Il s’agissait d’offrir à travers cette traduction des caractéristiques identitaires du territoire colombien, une image plutôt positivée de ce pays qui, malgré ses luttes intestines ou l’indéfinition de ses frontières, se voulait une nation unifiée et consolidée. Ce projet traductif, au centre duquel on retrouve la figure du géographe-traducteur Francisco Javier Vergara y Velasco, répondait donc à des intérêts politiques et idéologiques visant à consolider l'image de la Colombie. En effet, l'étude de l'ouvrage original et de sa traduction colombienne, Colombia (Reclus, 1893b) a démontré que la version colombienne copieusement annotée constitue un ouvrage à part entière qui cherchait la reconnaissance internationale d’un pays naissant en tant que nation, et cela, sous l’égide de l’œuvre d’un géographe mondialement reconnu.

À travers une brève analyse de quelques éléments textuels1, mais prioritairement paratextuels, métatextuels et contextuels des ouvrages dont il est question, cet article s'efforcera de démontrer, à grands traits, la légitimité de ces propos.

La Colombie dans la NGU de Reclus et dans Colombia de Vergara y Velasco

Lorsque l'on établit un parallèle superficiel entre les deux textes, deux éléments sont immédiatement mis en relief : la quantité d'annotations présentes dans la traduction, d’une part, et l’importance des données paratextuelles2, d’autre part. Concernant les annotations, la version originale comporte quelques notes en bas de page, mais la traduction colombienne présente de nombreuses annotations, comme il est mentionné dans son introduction :

[…] pues como es natural en labores de esta magnitud, y más en tratándose de países tan mal estudiados como ha sido el nuestro, no han podido menos que deslizarse ligeros errores ó (sic) puntos oscuros que no podían dejarse pasar inadvertidos […] (Reclus, 1893b, p. viii).3

Précisément, les données paratextuelles fournissent déjà des pistes de réflexion concernant les enjeux et caractéristiques de ce projet traductif. L’introduction de la traduction suggère d'emblée la méthode utilisée pour celle-ci : le système d'annotations. De plus, cette même introduction, ainsi que la note finale de cette traduction, fournissent une autre donnée qui consolide l'hypothèse posée auparavant : l’intérêt du gouvernement colombien de l’époque pour faire connaître le pays à l’étranger, pour présenter un pays dont l'identité était définie par ses richesses et le caractère laborieux de ses habitants :

Por esto, el Gobierno de la República se apresuró á ordenar la siguiente edición de la traducción del trabajo de Reclús, anotada por quien fué su colaborador más asiduo en esa parte, para hacerla circular en el extranjero y popularizar allende los mares el conocimiento de las múltiples riquezas y de los elementos de trabajo con que al hombre laborioso y emprendedor convida nuestra amada Patria (Reclus, 1893b, pp. xi, xii).

Effectivement, tel que le manifeste Vergara lui-même dans la note finale de Colombia, il s’agissait de présenter cette traduction lors de l’Exposition universelle de Chicago en 1893, bien que ce dessein n’ait pas pu être mené à bien :

Conforme al proyecto del General Cuervo, este libro era la Memoria que el Gobierno se prometía repartir en la Exposición de Chicago á todas las personas importantes que allí se reunieran, para hacer conocer el país descrito por una pluma estranjera (sic) tan autorizada como imparcial (Reclus, 1893b, p. 470).

Au premier abord, et sans examiner de près les divergences dans les structures linguistiques4 entre original et traduction, ces éléments à eux seuls suscitent l'intérêt quant aux buts de cette traduction.

Regardons rapidement l’organisation textuelle des parties consacrées à la Colombie dans la NGU, ainsi que celle de la traduction de Vergara. Cette organisation des textes sera désormais appelée superstructure textuelle, définie comme la structure formelle représentant les parties dans lesquelles un texte est organisé (Centro Virtual Cervantes). La description de ces superstructures s’avère nécessaire dans la mesure où elle représente un indicateur significatif de la différence formelle entre original et traduction, indicateur qui révèlera également la visée de la traduction colombienne.

Le tome xviii de la NGU comporte 848 pages et s’applique partiellement aux régions andines de l’Amérique du Sud. Le chapitre iv de ce tome, consacré à la Colombie, est divisé en neuf sous-chapitres : les cinq premiers sous-chapitres abordent l’histoire de la conquête et les aspects purement géographiques du pays (montagnes, fleuves, etc.), tandis que les quatre derniers s’occupent de la population, du développement et de l’organisation du pays (indigènes, villes, etc.). Il est important de s'arrêter sur le nombre de notes en bas de page de ce chapitre. Ces annotations ont très souvent pour source le géographe et traducteur Vergara y Velasco. Au total, le chapitre sur la Colombie dans la NGU comporte 207 notes en bas de page.

Or, dans l’avertissement du premier tome de la NGU (Reclus, 1875), Reclus prévient le lecteur du fait que son œuvre ne suivra pas un ordre conventionnel dans la description des pays. En effet, Reclus n’a pas forcément suivi les divisions territoriales des pays telles qu’elles se présentaient à l’époque, ce qui supposait un défi pour le traducteur. De ce fait, Vergara a eu le souci de restituer tout ce qui correspondait de droit à la Colombie, c’est-à-dire qu'il a dû rassembler et remanier les passages concernant le pays andin qui étaient épars dans la NGU. Dans la note finale de sa traduction, il précise :

Este volumen comprende traducidos los capítulos v del tomo xvii y iv del tomo xviii (Panamá, Colombia) de la Nueva Geografía universal, la tierra y los hombres, por Eliseo Reclus, con más algunas páginas de los capítulos iii y v del último citado tomo, por cuanto el autor estudia el globo por regiones geográficas y no por países: la traducción y las notas han sido aprobadas en términos explícitos por su autor, según consta en cartas del eminente geógrafo francés (Reclus, 1893b, p. 469).

Deux aspects de ce passage méritent d’être commentés. Premièrement, observons la traduction du chapitre v (Panama) du tome xvii (Reclus, 1891) de la NGU. Le Panama faisait à cette époque-là partie intégrante de la Colombie, mais étant donné que Reclus n’aborde dans le tome xviii que quelques pays traversés par les Andes, le Panama n'était donc pas concerné, même s’il faisait partie de la Colombie du point de vue administratif. Deuxièmement, il est fondamental de remarquer que, outre le soin qu’il a pris pour restituer le pays (parsemé en quelque sorte dans la NGU suivant la méthode de Reclus) en tant qu’unité territoriale, le traducteur signale explicitement l’aval de Reclus à son travail de traduction.

La traduction de Vergara, pour sa part, est apparue en 1893. Il s’agit donc d’une traduction concomitante à la parution de l’ouvrage original. Elle compte 531 pages (sans compter les parties introductoires) et, en plus des neuf parties de l’original, comporte trois cartes de la Colombie, des annexes considérables et 1056 notes de bas de page. Il est donc évident que la traduction est plus étendue que le chapitre original et cela, bien entendu, en raison de l’inclusion du chapitre correspondant au Panama, des fragments des chapitres relatifs au Venezuela et à l’Équateur, des annexes insérées par Vergara et, également, des nombreuses annotations ajoutées par celui-ci.

Repères théoriques

Un texte traduit s’insère dans une réalité temporelle et spatiale donnée. La tentative de compréhension et d’explication de ses fonctions, de ses enjeux, doit nécessairement s’appuyer sur des éléments tels que les circonstances historiques lors de sa parution. Celles-ci vont, dans une grande mesure, modeler le texte traduit, texte qui portera également l'empreinte du traducteur. Trois axes fondamentaux qui se chevauchent apparaissent donc ici : le contexte, le(s) texte(s) et le sujet traduisant.

Le premier élément de cette triade recouvre sans doute beaucoup d’aspects et pourrait sembler peu précis. Nous nous circonscrirons surtout à l’une de ces définitions qui validera son caractère large : les circonstances de production d’un texte (cf. définition CNRTL). Étant donné qu’il s’agit ici de l’étude d’une traduction, le contexte comprendra donc les circonstances dans lesquelles le texte traduit a vu le jour, ainsi que la manière dont ce texte a été accueilli.

Guidère considère que, dans la traduction, il existe des enjeux qui surpassent le domaine purement textuel, le cadre langagier, « pour englober des problématiques culturelles et politiques » (Guidère, 2008, p. 99). Le choix des textes à traduire, la méthode utilisée par le traducteur et les décisions prises par celui-ci s’inscrivent dans un milieu qui les conditionne du point de vue historique, politique, culturel, etc. Lépinette (1997), Woodsworth (1998) ou encore Lefevere (1992) soulèvent ainsi une série d'interrogations fondamentales qui devraient être considérées dans l'étude historique d'une traduction concernant, entre autres, le traducteur lui-même, ce qui a été traduit, son destinataire, les circonstances et le contexte politique et social, les orientations qui ont été retenues par le traducteur concernant la manière de traduire, ainsi que l'accueil des traductions. Pour tenter de répondre à ces questions, des aspects d'ordre paratextuel et métatextuel5 doivent être pris en compte. La classification de modèles en histoire de la traduction recensés par Lépinette (1997) soulève ainsi l'importance d'avoir recours aux données qui concernent la traduction en elle-même, aux métatextes et au contexte6 dans le but de cerner les enjeux et de mettre en relief les protagonistes du processus traductif étudié. Or, ce processus est mené par un individu qui possède assurément une conception de la traduction ainsi qu’une stratégie et une visée traductives. Il s’agirait donc d’essayer de dévoiler le lien entre ces conceptions et la pratique effective de la traduction.

Le texte source étant un message produit dans une époque déterminée, pour des destinataires déterminés, sa traduction suppose une transplantation dans un autre contexte spatial (parfois temporel) faite par des agents différents et pour des destinataires différents eux aussi. Or, un processus de traduction commence, dans plusieurs cas, non pas par l’initiative du traducteur lui-même mais par l’initiative des acteurs politiques, idéologiques ou culturels d’une société en particulier à un moment historique donné, et qui ont certainement une finalité établie. Un texte choisi dans de pareilles circonstances suppose d’emblée que la stratégie et les décisions du traducteur seront guidées, d’une manière ou d’une autre, par cette force qui a l’initiative et le pouvoir du choix. Cela ne veut pas nécessairement dire que le traducteur est toujours entièrement soumis aux impératifs de cette force qui commande la traduction, mais sa tâche de traduction est incontestablement façonnée par des considérations d’ordre supra-linguistique et contextuel.

Précisément, la notion de réécriture (rewriting), définie comme la production d'un texte basé sur un autre, a été développée par André Lefevere (1992). Il affirme que toutes les traductions (ou réécritures) reflètent une certaine idéologie et poétique car elles sont entreprises par un pouvoir donné, dans un lieu donné et à une époque donnée ; elles manipulent la littérature en fonction d’intérêts particuliers et d’une société spécifique en utilisant des procédés propres à une circonstance déterminée. L’approche clairement cibliste de cette théorie est peut-être son noyau dur : il s’agit de la manipulation d’un original amorcée par un pouvoir idéologique ou poétique et de son adaptation pour répondre à des intérêts spécifiques au sein de la culture d’arrivée. Même si le degré de manipulation est minimal, le lien entretenu entre original et traduction ne serait qu’un aspect secondaire, compte tenu des buts définitifs de la réécriture dans la culture d’accueil.

Ainsi, si la traduction-réécriture d’un ouvrage se fait en fonction de la volonté de l’adapter à une poétique dominante ou à des intérêts idéologiques, il faut rappeler que cette volonté émane souvent d’un commanditaire ou patron. Le patronage (Lefevere, 1992), à savoir, le pouvoir qui peut encourager ou, au contraire, faire obstacle au processus de réécriture, est un élément central dans cette théorie. Qu'il s'agisse d'individus ou d'institutions, le patronage comporte trois éléments qui peuvent se combiner entre eux. Il existe une composante idéologique qui détermine le choix et le développement de ce qui doit être traduit. Il y a ensuite une composante économique, c’est-à-dire la rétribution monétaire que reçoit le traducteur de la part du commanditaire de la traduction. Finalement, la composante du statut qui suppose l’acceptation du patronage : l’adaptation à un style de vie et à des croyances d’un certain groupe. Le patronage peut être différencié ou indifférencié. Dans le premier cas, la composante économique est relativement indépendante de la composante idéologique et le statut n’est pas nécessairement donné par le succès économique. Dans le deuxième cas, les trois composantes sont assurées par un seul et même patron. Dans cette figure de patronage, il s’agit de préserver la stabilité du système social afin de maintenir les croyances sur lesquelles repose le pouvoir du patron. En effet, l’acceptation de ce type de patronage suppose que les traducteurs, par exemple, doivent réaliser leur tâche en suivant les paramètres établis par leurs patrons et, par leur travail, ils doivent également légitimer le statut et le pouvoir de ces patrons (Lefevere, 1992, pp. 17, 18).

Dans cette théorie, nous voyons que l’action du traducteur sur les données textuelles et linguistiques est clairement subordonnée aux impératifs du contexte, en particulier à ceux dictés par les commanditaires de la traduction. Ainsi, l’adhésion au discours de l’œuvre originale, ou bien le degré d’imposition d’un courant idéologique de la part du patron, marqueront les stratégies traductives mises en place par le traducteur. La posture idéologique du traducteur vis-à-vis du discours et de l’expression linguistique de l’original s’avère donc être un facteur capital (Lefevere, 1992, p. 41), car celle-ci déterminerait ses choix. C'est peut-être ici que la subjectivité du traducteur trouverait sa place. En effet, l’acte traductif est sujet aux contraintes de sa culture, de sa société et de son temps, de son commanditaire, mais il est effectué au bout du compte par un individu, ce qui présuppose également l’existence d'un degré plus ou moins conscient de subjectivité. Celle-ci se manifesterait dans la stratégie de traduction, la visée traductive, les choix du traducteur sur les données textuelles, en bref, dans l'univers du discours impliqué dans l'ensemble du processus traductif. Ces éléments signaleraient en même temps sa position traductive, marquée par une dichotomie ancrée depuis l’antiquité : l’opposition entre la lettre et l’esprit, entre sourciers et ciblistes, les uns privilégiant le texte source, les autres le texte cible (Oustinoff, 2013, p. 50). Ces deux conceptions pourraient être résumées ainsi : l’une « vise à conforter les normes et les valeurs dominantes dans la culture source, [l’autre] vise à soumettre les textes étrangers aux contraintes de la culture cible » (Guidere, 2008, p. 98).

Jusqu'ici, on a signalé qu'un transfert linguistique a lieu dans un contexte particulier qui pèse incontestablement sur le traducteur. Or, les caractéristiques idéologiques de son milieu et de son époque, les contraintes ou libertés auxquelles il est sujet, son rapport à la langue étrangère et maternelle, en somme, tout son vécu et sa part de subjectivité qui font de lui une individualité insérée dans une époque et un lieu donnés, vont être reflétés d'une manière ou d'une autre dans son travail de traduction. De là l’importance de considérer le sujet traduisant qui marque de sa subjectivité, de son être, sa traduction.

Au croisement des théories cherchant à replacer texte et sujet traduisant dans leur contexte, apparaît la critique des traductions de Berman (1995) en tant qu'outil d'analyse des traits fondamentaux d’une traduction. Il propose un travail d'exploration du processus traductif dans lequel on cherche à éclairer le pourquoi des choix traductifs, leur échec ou leur réussite, en dépassant la simple recherche de la défectivité :

Cette tendance à vouloir « juger » une traduction, et à ne vouloir faire que cela, renvoie fondamentalement à deux traits fondamentaux de tout texte traduit, l’un étant ce que ce texte « second » est censé correspondre au texte « premier », est censé être véridique, vrai ; l’autre étant ce que je propose d’appeler la défectivité, néologisme qui cherche à rassembler toutes les formes possibles de défaut, de défaillance, d’erreur, dont est affectée toute traduction (Berman, 1995, p. 41).

Ce trajet analytique comporte trois éléments qui s’entremêlent : la position traductive du sujet traduisant, le projet de traduction, et l’horizon du traducteur. La position traductive du sujet traduisant peut se définir comme la manière dont le traducteur perçoit la tâche traductive, la manière dont il a internalisé le discours ambiant sur les normes de la traduction. Cette idée propre de la traduction n’est pas purement personnelle « puisque le traducteur est effectivement marqué par tout un discours, historique, social, littéraire, idéologique sur la traduction » (Berman, 1995, p. 74). Le projet (ou visée) de traduction est déterminé par la position traductive ainsi que par les exigences spécifiques de l’œuvre à traduire. Le projet va ainsi définir la manière dont le traducteur va accomplir la traduction et le mode de traduction. Finalement, l’horizon du traducteur est défini par Berman comme « l’ensemble de paramètres langagiers, littéraires, culturels et historiques qui 'déterminent' le sentir, l’agir et le penser du traducteur » (Berman, 1995, p. 79).

Les points communs des théories qui viennent d'être examinées brièvement (malgré leurs indéniables particularités et différences) sont plus qu'évidents. Ces considérations serviront donc de base pour les développements qui seront ensuite exposés.

Contexte, paratextes/métatextes et sujet traduisant

Ce cas de réécriture est lié indissociablement à des intérêts politiques et idéologiques qui ont conduit Vergara à opter pour des stratégies traductives adaptées aux exigences du patronage. Cependant, nous verrons que, au-delà de la réussite quant aux objectifs poursuivis (à savoir, la consolidation de l'image de la Colombie à l'étranger en tant qu'unité administrative et culturelle distincte), les impératifs du patron s’accordaient dans une bonne mesure avec ceux du sujet traduisant. En effet, Vergara a mis en place une stratégie globale lui permettant de faire office à la fois de géographe et de traducteur, selon les buts pragmatiques de la traduction. Il n’a pas été un simple relais puisqu'il a marqué la traduction de ses propres ambitions et jugements en tant que géographe colombien, la plupart du temps en accord avec l’idéologie du patronage. Néanmoins, cette marque personnelle dans la réécriture lui a aussi valu de dures critiques.

Tout d'abord, il vaut la peine de souligner certains éléments à propos de Reclus et de sa NGU, afin d'essayer de comprendre le choix de cet ouvrage pour être l’objet d’une réécriture en espagnol colombien. Élisée Reclus a visité la Colombie (alors appelée la Nouvelle-Grenade) en 1855, où il a entrepris un projet d’exploitation agricole pendant deux ans. Son aventure s'est finalement conclue par un échec du point de vue de l’installation de la colonie agricole, mais cette expérience a marqué son intérêt pour l’étude géographique de l’Amérique du Sud et de la Colombie en particulier :

Après un séjour de deux ans, je revins sans avoir réalisé mes plans de colonisation et d’exploration géographique ; cependant, malgré mon insuccès, je ne puis assez me féliciter d’avoir parcouru cette admirable contrée, l’une des moins connues de l’Amérique du Sud, ce continent si peu connu lui-même (Reclus, 1861, p. i).

Son œuvre géographique est vaste et particulière, car « son travail de géographe n’est pas seulement au service de la 'science', mais aussi au service de son idéal politique » (Giblin, 2005, p. 13). En effet, Reclus est un anarchiste engagé et convaincu.

En 1872, Reclus signe avec Hachette un contrat pour la rédaction et publication de la NGU en dix-neuf tomes. Pendant plus de vingt ans il se consacre à l’écriture de l'ouvrage qui sera traduit dans plusieurs langues et qui lui vaudra une renommée internationale. La NGU, et l’œuvre de Reclus en général, se caractérise par une approche qui dépasse le pur cadre statistique et scientifique et qui s’intéresse aux conditions de l’être humain dans son environnement. Dans le chapitre sur la Colombie de la NGU, on voit apparaître cette préoccupation de l’auteur pour les conditions de vie des peuples. Néanmoins, tel que nous le verrons plus loin, sa vision de l’état social et politique du pays de la fin du xixe siècle, par le biais de la traduction de Vergara, n’a pas toujours été bien perçue par certains secteurs de la presse ni par le gouvernement colombien lui-même.

Cela nous mène maintenant à l'examen du contexte de parution de la traduction. La Colombie de la fin du xixe siècle était un pays peu développé par rapport aux nations industrialisées. Le territoire manquait de voies de communication, de banques, c'était un pays peu alphabétisé, faiblement peuplé, dont la population se concentrait sur un quart du territoire (Safford et Palacios, 2012, pp. 364-372). Au niveau commercial, à l’exception du tabac qui a connu un certain succès dans les marchés internationaux, le pays n'attirait pas les grandes puissances commerciales du monde. De plus, sa géographie abrupte, le mauvais état de l’exigu réseau de voies de communication et le climat politique troublé le rendaient inaccessible au capital étranger (Henderson, 2006, p. 4). Ce climat politique doit être observé de plus près pour comprendre les enjeux de la traduction de Vergara. Depuis son indépendance et durant les premières décennies du xixe siècle, deux factions politiques majeures se sont disputé le contrôle du pays. D’un côté, les libéraux qui prônaient la décentralisation du pouvoir de l’État et la liberté économique et personnelle. De l’autre côté, les conservateurs qui défendaient les prérogatives de l’Église et le centralisme et qui s’opposaient à la sécularisation et à l’affaiblissement des hiérarchies sociales. Les deux partis ont été protagonistes de luttes acharnées pour le contrôle de l’État dans un contexte social inchangé depuis l’époque coloniale (Henderson, 2006, p. 17). L’avant-dernière décennie du xixe siècle a marqué la fin de la suprématie des libéraux qui avait commencé vers le milieu du même siècle. Une période d’hégémonie conservatrice a donc suivi et duré jusqu’en 1930. Rafael Núñez a été à la tête de ce mouvement connu sous le nom de la Regeneración (1878-1900). Centralisme et alliance Église-État définissaient en grande partie ce nouveau projet. Or, ce dessein de centralisation se heurtait à la précédente organisation territoriale de l’État et le passage d’États fédéraux à départements, entre autres facteurs, a déclenché de graves conflits. Ainsi, la Constitution de 1886 n’a pas empêché (et elle a même stimulé) deux catastrophes pour la Colombie de la fin de ce siècle : la plus sanglante de ses guerres civiles, la Guerre des Mille Jours (Guerra de los Mil Días), entre 1899 et 1902, pendant laquelle se sont affrontés libéraux et nationalistes, puis la séparation du Panama en 1903 (Bushnell, 2007, p. 205). Le cas de la perte de l’isthme de Panama, bien que séparé géographiquement du reste du pays, ainsi que la construction du canal, mettent en évidence la faiblesse de l’idée d’unité nationale et l’impuissance de l’État. En effet, quelques voix ont suggéré que la séparation n’était finalement pas un fait déplorable, mais même imitable (Bushnell, 2007, p. 223). De même, le blason colombien (datant de 1834) qui comporte encore aujourd’hui l’isthme de Panama entre les deux océans est un exemple, parmi d'autres, qui démontrerait que l’unité nationale, au moins du point de vue géographique, reste un sujet inachevé.

L’idée de poser les bases d’une identité territoriale à travers la géographie a ainsi été un sujet d’intérêt institutionnel de longue date. L’influence de voyageurs européens qui ont exploré l’Amérique, motivés par des intérêts personnels, scientifiques ou commerciaux (Montañez Gómez, 1999, p. 16), ainsi que d’une partie de l’élite colombienne qui voyageait et visitait les nations modèles et civilisées (la France, l’Angleterre, l’Allemagne, les États-Unis) et constatait le retard de la Colombie dans tous les domaines par rapport à celles-ci, a encouragé des efforts pour moderniser et unifier le pays au moyen de la géographie. Un exemple concret de cela est fourni par la Commission chorographique (Montañez Gómez, 1999, p. 16). En effet, si l’on porte le regard sur l’évolution des cartes du pays, on se rend compte qu’elles manifestent les désirs nationalistes de géographes et de gouvernements de différentes époques pour présenter un pays soudé territorialement, alors que d’amples zones demeuraient presque inhabitées et où l’existence de la Colombie en tant que nation était méconnue de ses propres habitants (Melo, 1992).

Précisément, Colombia s’inscrivait dans ce désir de construire une idée d’unité nationale par le biais de la géographie, même si l’organisation territoriale du pays ainsi que ses frontières n’étaient pas pleinement établies. La note finale de la traduction de Vergara signale explicitement le commanditaire de la traduction. Il s’agit du gouvernement conservateur de l’époque, présidé principalement par le général Antonio B. Cuervo et le vice-président Miguel Antonio Caro :

La formación del presente libro fue apoyada por el nunca bien lamentado General Antonio B. Cuervo, quien, en su carácter de Ministro de Gobierno, obtuvo del Excelentísimo señor D. Miguel Antonio Caro, Vicepresidente encargado de la Presidencia de la República, el permiso para hacer los gastos que la impresión demandaba […] Y sea esta la oportunidad para dar las gracias al progresista Gobierno que tan dignamente preside el sabio y patriota señor Caro, por el apoyo que el que este libro tradujo ha recibido constantemente en las labores que ha emprendido en beneficio de la Geografía de Colombia (Reclus, 1893b, pp. 469-470).

Ce passage donne suffisamment d’indices pour assimiler la demande de la traduction à l’idée de l’intégration sociale de la réécriture à travers le patronage selon la théorie de Lefevere. En effet, il s’agirait du patronage indifférencié : le traducteur déclare clairement que la traduction a été financée par le progresista Gobierno de Caro, ce qui suppose l’acceptation du patronage du point de vue du statut et de la composante économique. De la même façon, la composante idéologique est ici présente dans la mesure où le gouvernement est bien celui qui encourage la traduction de l’œuvre de Reclus. Il apparaît donc clairement que même dans un contexte politique et social turbulent, le gouvernement conservateur de l’époque a cherché à travers la traduction d’un ouvrage géographique à consolider l’idée d’unité nationale.

Francisco Javier Vergara y Velasco (1860-1914), militaire, historien, journaliste, traducteur, mais surtout un « très bon géographe » (Blanco Barros, 2006, p. 33) a ainsi été choisi pour mener à bien cette entreprise de réécriture. Il est considéré par certains spécialistes comme l’initiateur de la géographie moderne en Colombie (Montañez Gómez, 1999, p. 20). Son œuvre la plus significative en tant que traducteur a vraisemblablement été la traduction de la partie correspondant à la Colombie de la NGU de Reclus. Comme la plupart des membres de la haute société colombienne de l’époque, il a suivi des cours de français pendant son parcours scolaire. Vergara avait donc assurément une compétence suffisante en langue française et, incontestablement, un solide bagage dans son champ de spécialité. Ses vastes connaissances en géographie étaient dues non seulement aux nombreux voyages qu’il avait réalisés dans le pays, mais aussi à la lecture continuelle de travaux scientifiques (surtout français) de l’époque. Il a par exemple lu plusieurs travaux de Reclus et a assimilé ses méthodes pour l’étude de la géographie (Blanco Barros, 2006, p. 142).

Concernant la traduction, à la fin du tome xviii de la NGU, Reclus remercie amplement Vergara pour son aide :

Pour la rédaction de ce volume, l’avant-dernier de la Nouvelle Géographie Universelle, je dois des remerciements à tous ceux qui ont bien voulu m’aider de leur concours par l’envoi de livres et de documents, par leurs communications verbales, par l’annotation ou la correction des épreuves. M. F. J. Vergara y Velasco, de Bogotá, m’a comblé de précieux envois, cartes, imprimés, manuscrits, relatifs à la Colombie et aux contrées voisines [...] Ma gratitude est d’autant plus vive qu’il m’a donné pour de nombreux détails les prémisses de ses recherches (Reclus, 1893a, p. 825).

En effet, Vergara est la source principale de Reclus en ce qui concerne la Colombie. Les deux géographes ont entretenu des liens scientifiques à travers une vaste correspondance : entre 1888 et 1897, Reclus a adressé vingt-deux lettres à Vergara, lettres qui traitaient fondamentalement de la rédaction du chapitre sur la Colombie de la NGU (Ramírez, 2008). Ainsi, dans une lettre datant du mois d’août 1892, on apprend que Vergara avait proposé à Reclus de retarder la publication du chapitre, afin de lui fournir plus de renseignements relatifs au sujet en question. Devant une telle offre Reclus autorise déjà Vergara à compléter son œuvre, ce qu’il fera en la traduisant :

Vous me dites que de très précieux renseignements me viendront plus tard et qu’il serait très utile par conséquence que je puisse retarder la publication de mon chapitre Colombie. Cela ne peut malheureusement se faire. Mais peu importe. Si mon travail, tout défectueux qu’il sera, vous paraît digne d’être corrigé et amendé, vous pouvez lui faire subir le même travail de correction que vous l’avez fait pour la presqu’île isthmique de Panamá [...] (Ramírez, 2008, p. § 10).

Reclus légitime donc le travail de correction de Vergara et le qualifie même comme étant « bien supérieur à l’original » (Ramírez, 2008, p. § 15) à travers ses lettres.

Vue l’étroite collaboration entre Reclus et Vergara, le choix de l’œuvre du géographe français de la part du gouvernement colombien pour être traduite semblait aller de soi. Or, une objection aurait pu surgir quant à ce choix : ne serait-il pas contradictoire de vouloir prendre appui sur la figure d’un auteur anarchiste qui afficherait éventuellement des idées contraires au gouvernement conservateur colombien de l’époque, le commanditaire de la traduction ? Cependant, il y aurait deux raisons qui écarteraient cette apparente incompatibilité : sa réputation internationale en tant que savant (qui semblerait prendre le dessus sur ces positions politiques, au moins dans ce cas) et la familiarité du géographe français avec le pays. Les paratextes de la traduction elle-même confirmeraient ces hypothèses. Dans l’introduction à la traduction colombienne, le préfacier de la traduction, le militaire, géographe et politicien conservateur et défenseur du courant de la Régénération Carlos Cuervo Márquez, fait ressortir « el especial interés con que Reclús ha estudiado á Colombia », « la importancia que, para nosotros, tiene esta obra escrita por pluma maestra y de reconocida autoridad universal » (Reclus, 1893b, p. xi), ou encore :

La obra de este sabio geógrafo, el de más encumbrada reputación en el mundo, no es una simple enumeración de imperios y de repúblicas, de montes y de ríos, de ciudades y de valles. [...] No es extraño, pues, que el mundo científico haya recibido con aplauso y con veneración esta obra magistral de nuestro siglo (Reclus, 1893b, pp. v, vi).

Cuervo Márquez souligne un peu plus loin la prédilection, tant scientifique qu’affective, de l’auteur de la NGU pour le pays andin :

Reclús vivió por algún tiempo bajo el hospitalario cielo de Colombia y conserva de nuestra amada Patria grato recuerdo. De aquí el interés con que la ha estudiado, y la importancia que en su Geografía le da, mucho mayor que á las otras Repúblicas hispano-americanas. Por eso, en la grande obra, la parte correspondiente á nuestra Patria ha sido trabajada, no solamente con poderosa capacidad científica, sino también bajo los dictados del corazón no menos grande del autor (Reclus, 1893b, p. vii).

Le traducteur naturel de l’ouvrage ne pouvait être que Vergara, confrère de Reclus, autorisé par lui-même à faire les modifications nécessaires au chapitre. Cuervo Márquez donne son aval au traducteur : « A nadie mejor que al señor Vergara y V. ha podido encomendar Reclús esta labor tan difícil como delicada. Nadie conoce mejor que él la geografía del país » (Reclus, 1893b, p. viii). De la même manière, il annonce et justifie d’entrée la stratégie de traduction mise en place par Vergara, compte tenu des imprécisions qui nuisent à l’image de la Colombie et qui étaient déjà répandues dans des ouvrages de prestige qui circulaient en Europe :

Guiado por el singular cariño que por el país profesa, el sabio geógrafo ha permitido que se haga la edición especial que hoy se presenta al público, encomendando la traducción y anotación de ella á su antiguo y eficaz colaborador señor D. Francisco J. Vergara y V., á quien también ha autorizado plenamente para hacer las aclaraciones y rectificaciones necesarias; pues como es natural en labores de esta magnitud, y más en tratándose de países tan mal estudiados como ha sido el nuéstro, no han podido menos que deslizarse ligeros errores ó puntos oscuros que no podían dejarse pasar inadvertidos; unos y otros, sin excepción, tomados de fuentes extrañas, de trabajos que en Europa merecen crédito y gozan de autoridad (Reclus, 1893b, pp. vii, viii).

Jusqu’ici, on a vu que la corrélation entre original et traduction pourrait faire penser au travail de réécriture de Vergara comme étant la suite d’un travail écrit à deux mains, d’un ouvrage collaboratif. Néanmoins, le géographe colombien n’a jamais avancé l’idée d’une sorte de création partagée au lieu d’une traduction :

[…] el geógrafo que algunos años más tarde me honraba con especial y benévola amistad, hasta el punto de elevarme á la categoría de colaborador! Yo que nada sé, vine á encontrar mi nombre en la Nueva Geografía universal, sin títulos para ello, salvo el de un inmenso amor á la tierra natal (Reclus, 1893b, pp. xxii, xxiii).

Il semblerait plutôt que la traduction de l’ouvrage d’un scientifique de renommée internationale, d’« un astro de primera magnitud en el cielo de la ciencia humana » (Reclus, 1893b, p. xiii), dont les ouvrages « han merecido el honor de alcanzar varias ediciones y muchas traducciones » (Reclus, 1893b, p. xxi), a été l’occasion pour Vergara de présenter ses propres travaux géographiques, d’une part, ainsi que de donner de l’éclat à la Colombie au niveau international, d’autre part. Dans les annexes de cet ouvrage, il a également présenté, pour la première fois dans l’histoire de la géographie colombienne, les régions naturelles de la Colombie, telles qu’il les avait conçues (Blanco Barros, 2006, p. 58).

Par ailleurs, Vergara exprime sans ambages sa sympathie vis-à-vis du géographe français qui, selon lui, est comme un frère pour les Colombiens et montre une vive affection pour la patrie : « Así, pues, ¿qué colombiano no verá un hermano en el egregio geógrafo francés? ¿cuál no le consagrará un cariño tan vivo como el que él ha mostrado por nuestra querida Patria? » (Reclus, 1893b, p. xxiv). Précisément, il se rapproche de l’œuvre de Reclus grâce à Voyage à la Sierra-Nevada de Sainte-Marthe (Reclus, 1861) dont la lecture :

[…] produjo en mi ánimo sensación especialísima. Estaba acostumbrado á encontrar en todos los escritores extranjeros, aun en los más serios, páginas negras sobre Colombia, y por vez primera hallaba una voz de aliento y simpatía para mi Patria, una defensa de ella ante el mundo civilizado que tan mal la trataba, creyéndola habitada por salvajes (Reclus, 1893b, p. xxii).

Quelques traits de l’horizon du sujet traduisant semblent se dessiner ici. La perception personnelle qu'a Vergara de Reclus comme ami de la patrie, comme savant sur lequel il pouvait prendre appui pour étayer et développer son savoir géographique, démontre la part de subjectivité qui s’entrecroise avec les impératifs du contexte de production de la traduction. Précisément, la finalité de la traduction, tant du point de vue du gouvernement que1861 du traducteur, est donc claire : montrer la Colombie à l’étranger comme une vraie nation, en voie de progrès et pleine de richesses :

Se trató de un volumen para presentar en la Exposición Internacional de Chicago, con el propósito de hacer conocer a Colombia en sus variados y ricos aspectos, de tal forma que los inversionistas norteamericanos se motivaran y abrieran negocios en el país. El envío del libro no se efectuó, pero sí tuvo circulación interna (Blanco Barros, 2011, p. 3).

Plusieurs éléments paratextuels (page de garde portant l'inscription « edición oficial », l'introduction, etc.) démontrent donc le caractère institutionnel de la traduction et ses buts. Pour atteindre ces objectifs, pour remédier aux multiples imprécisions concernant le pays, pour rendre une image réellement propre de la Colombie, le projet de traduction mis en place par Vergara se basait fondamentalement sur le système d’annotations. On a vu comment, dans Colombia, on insiste à plusieurs reprises sur le fondement des annotations ainsi que sur l’autorisation (ou même la demande) explicite de Reclus à Vergara de les réaliser.

Mis à part cette stratégie de traduction, Vergara met en garde le lecteur sur l’impossibilité de traduire le style de Reclus : « Y no es lo menos apreciable en ese libro: no puede leerse sino en el idioma original, porque el inimitable estilo de Reclus no puede traducirse sin quitarle el brillo que le da su pluma » (Reclus, 1893b, p. xxix). Face à cette difficulté, Vergara annonce donc clairement son projet de traduction et assume la responsabilité pour les erreurs que le lecteur pourrait trouver dans la traduction :

Y también adviértase que en la imposibilidad de traducir el estilo de Reclus, la traducción se ha hecho palabra á palabra hasta donde lo permite el giro de los dos idiomas, respetando el original con cuidado sumo, y prefiriendo el sistema de notas para aclarar, ampliar ó rectificar ciertos puntos […] El Voto de confianza que se le otorgó al confiarle el presente trabajo, es causa bien clara de que los errores que encierre son de la absoluta responsabilidad del traductor (Reclus, 1893b, pp. 471, 470).

Vergara libère de toute responsabilité l’auteur de l’original ainsi que le commanditaire de la traduction. Tous ces éléments (traduction « palabra á palabra », respect de l’original, système d’annotations, prise de responsabilité des erreurs) révéleraient, d'une part, la position traductive de Vergara, son projet de traduction et son horizon. En effet, la position de Vergara serait sourcière puisqu'il dit respecter l’original. Or, il est en même temps cibliste car les annotations et tous les remaniements qu’il entreprend dans sa traduction visent un objectif et un public particuliers. Son projet et son horizon de traduction manifesteraient alors tant le discours qu’il a internalisé comme étant la bonne manière de traduire que les impératifs fonctionnels de la réécriture. De ce fait, on pourrait partiellement établir un lien avec les postulats de Lefevere quant à la marque de l’idéologie du patronage sur le choix des stratégies traductives de Vergara, puisqu'elles sont établies en fonction de sa posture idéologique (qui sauvegarde au moins relativement celle du patron) vis-à-vis de l’univers du discours de l’original et de son expression linguistique. D’autre part, le fait d’assumer la responsabilité de toutes les possibles fautes dans la traduction, en dispensant ainsi tant l’auteur que le commanditaire, dévoile l’assertion de la défectivité de la part du traducteur : s’il y a des incohérences et des inexactitudes dans cette réécriture dont les enjeux portent sur l’image et l'identité d’un pays, elles sont dues à la maladresse du traducteur. Cependant, les précautions prises par Vergara à ce sujet ne l’ont pas épargné des critiques.

La publication de Colombia n’a pas été bien accueillie par un secteur de la presse de l’époque. Dans un article (anonyme) intitulé « Una traducción… geográfica » du journal El Correo Nacional daté du 20 juin 1893, les critiques à l’égard de Reclus, du traducteur et de la traduction en particulier sont assez énergiques (Ramírez, 2009). L’auteur de l’article condamne notamment le fait que le traducteur ait été prolixe dans les annotations sans importance (c’est-à-dire celles d’ordre géographique), tandis que pour les sujets sensibles (autrement dit les sujets sociaux et politiques) il ait passé sous silence les injures faites par Reclus au pays :

[…] el Coronel Vergara, que tan nimio y escrupuloso se mostró en anotar y rectificar anotaciones de poca monta, se mostró poco cosquilloso patriota al dejar correr sin correctivo alguno la grotesca caricatura que del estado social y político de nuestra patria le plugo trazar al geógrafo francés (Anonyme, Un traducción... geográfica, 1893, paragr. 1).

L’auteur de l’article affiche ainsi sa préoccupation pour ce que l’on pourrait penser de la Colombie à l’étranger à cause d’une description si néfaste des conditions politiques et sociales :

En efecto, ¿qué gana Colombia, por cualquier aspecto que se quiera buscar esta ganancia, con que después de haberla exhibido ante las naciones extranjeras con el área matemática de territorio que ocupa, con la altura exacta de sus montañas, el número preciso de sus ríos y fuentes, la extensión verdadera de sus hoyas hidrográficas, etc. etc., se termine diciendo, ó insinuando siquiera, que todos aquellos dones y larguezas de la naturaleza se hallan inutilizados por el imperio de una tenebrosa teocracia, por encima de la cual flota, como única ley, el capricho de un reyezuelo irresponsable que no puede ser depuesto ni juzgado […] ¿Qué honra deriva nuestro país, ni qué estimación puede captarse ante los extraños con aquella pintura, ni qué lucro puede obtener siquiera de la avaricia extranjera, ávida de explotar nuestras vírgenes riquezas, si ésta tiene que sentirse amedrentada á pesar del auxilio que le puedan prestar los cañones de su respectiva patria? ¿Y qué duda pueden abrigar las naciones extranjeras de que aquello sea cierto, cuando el libro en que tales cosas se dicen lleva la refrendación oficial del mismo Gobierno groseramente descrito? (Anonyme, Una traducción... geográfica, 1893, paragr. 3-4 ).

Pour cet auteur, le pire n'est pas l'irrespect de Reclus vis-à-vis des institutions et des mœurs colombiennes, mais le silence du traducteur face à ces mensonges :

[…] pero lo que sí no puede tolerarse es que un colombiano que disfruta de los beneficios incomparables del actual régimen; que se ve amparado en su honra, vida y bienes; que tiene el libre ejercicio de sus creencias religiosas y políticas sin que lo apaleen y le metan el resuello dentro del cuerpo; y que aún se ve mimado por ese gobierno á quien se calumnia, estampe en una traducción suya y costeada con fondos de la Nación, aquellas calumnias sin alzar un grito de protesta. (Anonyme, Una traducción... geográfica, 1893, paragr. 5)

La publication de cet article a eu un effet immédiat. Le lendemain de sa publication (21 juin 1893), dans le même journal, on voit apparaître un autre article où l’on félicite Vergara d’avoir décidé de reporter la publication de la traduction jusqu’à ce que les erreurs aient été corrigées : « [Vergara] ha resuelto no dejar circular el texto sin cambiar sustancialmente el capítulo referente al estado social y político de nuestro país » (Anonyme, Aplaudimos, 1893b, p. 1).

En conséquence, le neuvième chapitre dans la traduction de Vergara est un cas particulier, car il s’agit d’une réécriture sui generis décelant un changement dans la stratégie traductive qui, en même temps, signale le poids du contexte, notamment de la composante idéologique du patronage. Dans le chapitre dont il est question, Vergara a dû changer sa méthode de traduction « palabra á palabra » et le système d’annotations pour proposer une reformulation (quasi-totale) ajustée à la situation textuelle et à l’idéologie du commanditaire et, probablement, à sa propre idéologie, étant lui aussi de tendance conservatrice. Le remaniement considérable du dernier chapitre, à l’image des réorganisations politiques vécues par la Colombie en ce temps-là, renforce ce dessein de montrer le pays comme une nation qui, malgré les indéniables perturbations internes, disposait d’institutions et de mécanismes capables d’administrer son propre devenir politique. La première annotation de ce dernier chapitre intitulé Organización política, qui renvoie à une note officielle en bas de page expliquant et justifiant l’adoption de la nouvelle stratégie, manifeste ce fait de manière explicite :

Encontrándose en este capítulo del texto francés errores ó inexactitudes graves, se ha preferido sustituirlo, siguiendo el mismo plan y método del autor, por una exposición fiel sacada del texto de la Constitución de 1886, a fin de evitar el considerable número de anotaciones que sería preciso hacer al autor en puntos de importancia en que las confusiones no pueden dejarse correr desapercibidas. Nota oficial (Reclus, 1893b, p. 409).

Ces deux articles et cette note officielle font surgir plusieurs interrogations (qui demanderaient une étude supplémentaire et plutôt d'ordre proprement historique) concernant les raisons de la non-présentation de la traduction lors de l’Exposition de Chicago. Les erreurs et imprécisions de la traduction (même après les modifications de Vergara, qui ont probablement été faites trop tard pour pouvoir la présenter à Chicago) dont parle l’article mentionné ci-dessus, sont-elles à l’origine de l’échec de son objectif principal ? Le système de patronage a-t-il finalement empêché la circulation de la traduction à l’étranger ? La défectivité de la réécriture doit-elle être comprise plus en termes idéologiques que linguistiques et scientifiques ? Y a-t-il eu d’autres raisons d’ordre idéologique qui ont empêché l’accomplissement de l’objectif primordial de la traduction ?

Conclusion

L'examen d'un certain nombre d'éléments de ce projet traductif a démontré que les stratégies mises en place par le traducteur répondaient, dans une grande mesure, au désir de reconnaissance internationale du pays à la fin du xixe siècle en tant que nation à part entière. Les illusions nationalistes de présenter un pays homogène, une unité territoriale, administrative, historique et sociale à travers la traduction de l’œuvre de Reclus sont évidentes. Le gouvernement conservateur de l’époque, le pouvoir qui a parrainé la traduction, a indubitablement marqué de son idéologie et de ses intérêts politiques tout le processus de réécriture. Cependant, l’objectif essentiel de la traduction n’a pas été atteint. La mise en évidence de la défectivité idéologique de la traduction de la part d’un secteur de la presse, et donc la décision du patronage de ne pas proposer à la communauté internationale une réécriture qui n’était pas tout à fait en accord avec la réalité nationale, sont peut-être à l'origine de la non-atteinte des objectifs de ce projet de traduction. Au-delà de cet échec, cette réécriture a effectivement circulé et est restée comme un témoignage de l’utilisation de la traduction à des fins idéologiques et politiques. Ainsi, ce processus de traduction démontre, partiellement, la justesse des conceptions de Lefevere sur la réécriture : la manipulation d’un original pour l’adapter à la culture d’arrivée, processus sponsorisé par un pouvoir qui dicte d’une manière ou d’une autre les stratégies et les buts de la réécriture, ainsi que son degré d’acceptabilité et ses possibilités d’intégration dans la culture d’accueil. Or, ce postulat semble placer le sujet traduisant comme un simple relais. Nonobstant Vergara, plutôt que de se soumettre simplement aux contraintes du patronage, les a partagées et s’est efforcé avec sa stratégie traductive de faire valoir cet idéal d’identité et d'unité nationale. L’épisode de la réécriture du dernier chapitre de Colombia en particulier semblerait pourtant mettre en cause cette volonté de Vergara. Une explication possible de cette contradiction apparente peut se trouver, précisément, dans la subjectivité du sujet traduisant : Vergara est géographe avant d'être traducteur.

D'ailleurs, ce processus de réécriture est particulier par sa double ambition : d’un côté, présenter un pays en tant qu’unité nationale en colombianisant le texte de Reclus et, d’un autre côté, le désir de Vergara, géographe, de légitimer ses postures scientifiques à l’aide du travail de traduction. On pourrait même dire que l’horizon traductif de Vergara est déterminé en grande partie par ce désir.

Références

Anonyme. (1893). Una traducción... geográfica. El Correo Nacional. Repéré à Eliseo Reclus y la geografía de Colombia, https://reclus.wordpress.com/reclus-en-la-prensa-colombiana/Links ]

Anonyme. (1893b). Aplaudimos. El Correo Nacional. Repéré à Eliseo Reclus y la geografía de Colombia, https://reclus.wordpress.com/reclus-en-la-prensa-colombiana/Links ]

Berman, A. (1995). Pour une critique des traductions. Paris : Gallimard. [ Links ]

Bisanswa, J. (2006). La traversée du métatexte dans l’œuvre romanesque de Valentin-Yves Mudimbe 1. Tangence, (82), 75-102. DOI :10.7202/016624ar [ Links ]

Blanco Barros, J. (2006). El general Francisco Javier Vergara y Velasco y sus obras. Bogotá : Academia Colombiana de Historia. [ Links ]

Blanco Barros, J. (2011). La primera división regional de Colombia. Repéré à Geoscopia. Centro de documentación de la Sociedad Geográfica de Colombia: http://www.sogeocol.edu.co/poraut.htm#BLinks ]

Bushnell, D. (2007). Colombia. Una nación a pesar de sí misma. Bogotá : Planeta. [ Links ]

Contexte. (s. d.). Dans Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. Repéré à http://www.cnrtl.fr/definition/contexteLinks ]

Delisle, J., et Woodsworth, J. (1995). Les traducteurs dans l'histoire. Ottawa/Paris : Presses de l'Université d'Ottawa/Éditions Unesco. [ Links ]

Giblin, B. (2005). Élisée Reclus : un géographe d'exception. Hérodote. Revue de géographie et de géopolitique, (117). [ Links ]

Guidere, M. (2008). Introduction à la traductologie. Penser la traduction : hier, aujourd'hui, demain. Bruxelles : De Boeck. [ Links ]

Henderson, J. (2006). La modernización en Colombia. Los años de Laureano Gómez, 1889-1965. Medellín : Editorial Universidad de Antioquia. [ Links ]

Lefevere, A. (1992). Translation, Rewriting, and the Manipulation of Literary Fame. Londres/New York : Routledge. [ Links ]

Lépinette, B. (1997). La historia de la traducción. Metodología. Apuntes bibliográficos. LynX. Documentos de trabajo 14(14), 1-24. Valencia : Centro de Estudios sobre Comunicación Interlingüística e Intercultural. [ Links ]

Melo, J. (1992). Atlas histórico de Colombia. Biblioteca Virtual Luis Ángel Arango. Repéré à http://www.banrepcultural.org/node/81512Links ]

Montañez Gómez, G. (1999). Elementos de historiografía de la geografía colombiana. Revista de Estudios Sociales, (3). Repéré à http://www.redalyc.org/articulo.oa?id=81511264002Links ]

Oustinoff, M. (2013). La traduction. Que sais-je ? Paris: PUF. [ Links ]

Paratexte. (s. d.) Dans Dictionnaire Larousse en ligne. Repéré à http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/paratexte/58041?q=paratexte#432384Links ]

Ramírez, D. (2008). Las cartas de Reclus a Vergara y Velasco. Repéré à Eliseo Reclus y la geografía de Colombia, https://reclus.wordpress.com/las-cartas-de-reclus-a-vergara-y-velasco/Links ]

Ramírez, D. (2009). Reclus en la prensa colombiana. Repéré à Eliseo Reclus y la geografía de Colombia, https://reclus.wordpress.com/reclus-en-la-prensa-colombiana/Links ]

Reclus, E. (1861). Voyage à la Sierra-Nevada de Sainte-Marthe. Paysages de la nature tropicale. Paris : Hachette. [ Links ]

Reclus, E. (1875). Nouvelle géographie universelle. La Terre et les hommes. L'Europe méridionale (vol. i). Paris : Hachette . [ Links ]

Reclus, E. (1891). Nouvelle géographie universelle. La Terre et les hommes. Indes Occidentales (vol. xvii). Paris : Hachette . [ Links ]

Reclus, E. (1893a). Nouvelle géographie universelle. La Terre et les hommes. Amérique du sud, les régions andines (vol. xviii). Paris: Hachette. [ Links ]

Reclus, E. (1893b). Colombia (traduit par F. V. Velasco). Bogotá : Papelería Samper Matiz. [ Links ]

Safford, F., & Palacios, M. (2012). Historia de Colombia. País fragmentado, sociedad dividida. Bogotá : Ediciones Uniandes. [ Links ]

Superstructure textuelle. (s. d.). Dans Diccionario de términos clave de ELE. Centro Virtual Cervantes. Repéré à http://cvc.cervantes.es/Ensenanza/biblioteca_ele/diccio_ele/diccionario/superestructuratextual.htmLinks ]

Woodsworth, J. (1998). History of translation. Dans Mona Baker et Kirsten Malmkjær, Routledge Encyclopedia of Translation Studies (pp. 100-105). Londres/New-York : Routledge. [ Links ]

How to reference this article: López-Bermúdez, D. (2018). La traduction d'ouvrages géographiques comme outil de consolidation de l'idée de nation : le cas de la partie traitant de la Colombie dans la Nouvelle géographie universelle d'Elisée Reclus. Íkala, Revista de Lenguaje y Cultura, 23(2), 303-317. DOI : 10.17533/udea.ikala.v23n02a07

1En raison des conditions éditoriales, l'article se focalisera essentiellement sur des éléments paratextuels, métatextuels et contextuels. Certes, une compréhension plus profonde du processus traductif étudié nécessiterait également une analyse proprement textuelle que le présent texte ne peut malheureusement pas aborder (une comparaison macro et micro-textuelle plus approfondie – qui renforce les observations présentées dans cet article – a été effectivement réalisée dans le mémoire). Cependant, ce court texte veut simplement attirer l'attention sur quelques éléments constitutifs du cas analysé qui dépassent le cadre strictement langagier, mais qui apparaissent aussi comme indicateur de la complexité du phénomène traductif traité.

2Paratexte : ensemble des éléments textuels d'accompagnement d'une œuvre écrite (titre, dédicace, préface, notes, etc.) (Larousse).

3L'accent sur quelques mots n'est plus marqué en espagnol actuel. Dans le but d’alléger les nombreuses mentions (sic) qu’il faudrait faire à chaque occurrence de ce phénomène, on a préféré le signaler dès maintenant et ne plus l’indiquer dans les citations.

4Rappelons que l'analyse textuelle qui a été abordée dans le mémoire ne sera pas traitée ici pour des raisons éditoriales et dans le but de concentrer nos réflexions sur les aspects mentionnés plus haut (données paratextuelles, métatextuelles et contextuelles). L'omission de l'examen des aspects concrètement textuels dans ce texte abrégé a pour dessein d'une part, de donner au lecteur un aperçu général du processus traductif traité (condition préalable à la compréhension des éléments d’ordre spécifiquement textuels), et d'éviter d'autre part le risque de fragmenter encore plus une étude présentée déjà de manière partielle et réduite.

5Retenons ici la définition suivante de métatexte de G. Génette, reprise par Justin K. Bisanswa : « le métatexte désigne le discours d’un texte donné B sur un autre texte donné A » (Bisanswa, 2006, p. 86).

6Cette auteure utilise une autre dénomination pour parler du contexte : le péritexte. Cette notion est définie comme « tous les événements et phénomènes accompagnant la production d'un texte ou d'un ensemble de textes traduits et leur apparition dans un contexte socioculturel récepteur » (cf. Lépinette, 1997, p. 4) (traduit par mes soins).

Received: August 20, 2017; Accepted: October 25, 2017

Creative Commons License This is an open-access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License