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Franciscanum. Revista de las Ciencias del Espíritu

Print version ISSN 0120-1468

Franciscanum vol.59 no.167 Bogotá Jan./June 2017

 

Filosofía

Enjeu éthique d'une ontologie de la différence. La situation de handicap comme question sociale et politique

Cuestión ética de una ontología de la diferencia. La discapacidad como cuestión social y política

Ethical question of an ontology of difference. Disability as a social and political issue

Fred Poché* 

* Doctor en filosofía por la Universidad París x-Nanterre, tiene un grado en filosofía por el Instituto Católico de París, un postgrado en Ciencias del lenguaje de la Sorbonne Nouvelle, así como la acreditación otorgada por la Universidad de Estrasburgo como supervisor de estudiantes de doctorado. Actualmente es profesor de filosofía contemporánea en la Université catholique de l'Ouest y la Université de Strasbourg, en Francia. Contacto: fred.poche@wanadoo.fr. Université catholique de l'Ouest Angers-Francia


Résumé

Qu’est-ce que regarder autrui? Comment échapper aux tendances classificatrices qui nous conduisent à l’enfermer dans une identité figée ou négative; a fortiori, quand il se trouve en situation de handicap? Comment articuler, d’un point de vue éthique, le nécessaire diagnostic de la souffrance d’autrui avec le respect du caractère insondable et dynamique de sa singularité? La présente contribution aborde ce faisceau de questions en commençant par proposer de distinguer la différence, l’altérité et le divers. Une telle précision conceptuelle cherche à mieux penser le problème du respect d’autrui en l’inscrivant dans une tension dialectique entre la visée d’objectivation et le souci de l’accueil de son unicité. Dans un second temps, l’auteur souligne les limites du vocable «fragile», ou «vulnérable», constamment utilisés, aujourd’hui, pour qualifier les personnes vivant dans des conditions de grande «précarité» ou «en situation de handicap». Cette analyse, permet, enfin, de penser une certaine philosophie du regard capable de redéfinir la politique. Il s’agit plus précisément d’appréhender le rapport entre handicap et citoyenneté à partir, non plus des failles ou des manques, mais en prenant au sérieux la capacité des individus.

Mots-clés: Différence; handicap; éthique; politique; ontologie

Resumen

¿Qué es lo que hay que ver en los demás? ¿Cómo evitar tendencias clasificadoras que nos lleven a incluir una identidad fija o negativa; a fortiori cuando se trata de una discapacidad? ¿Cómo articular, desde un punto de vista ético, el necesario diagnóstico del sufrimiento de los demás con el respeto a la naturaleza insondable y dinámica en su singularidad? Este artículo aborda, en primer lugar, un conjunto de preguntas sobre la distinción entre la diferencia, la otredad y lo diverso. Tal precisión conceptual busca pensar mejor el problema del respeto a los demás, mediante su inclusión en una tensión dialéctica entre la meta de la objetivación y la preocupación por la recepción de su singularidad. En segundo lugar, se señalan los límites de las palabras «frágil» o «vulnerable», que se utilizan constantemente en la actualidad para describir a personas que viven en condiciones de «pobreza» extrema o «discapacidad». Este análisis permite, por último, pensar un punto de vista filosófico capaz de redefinir la política. Esto es específicamente para entender la relación entre la discapacidad y la ciudadanía partiendo, no de los defectos o deficiencias, sino tomando seriamente la capacidad de los individuos.

Palabras clave: Diferencia; discapacidad; ética; política; ontología

Abstract

What is there to see in others? How to avoid sorters trends that lead us to include a fixed or negative identity; a fortiori when it is a disability? How to articulate, from an ethical point of view, the necessary diagnostic of others' suffering with respect to the unfathomable nature and dynamic in their singularity? This article discusses, first, a set of questions about the distinction between difference, otherness and diversity. Such conceptual precision seeks better to think the problem of respect for others, by including them in a dialectic tension between the goal of objectification and concern for the reception of their uniqueness. Second, the limits of the «fragile» or «vulnerable», constantly used today to describe people living in extreme «poverty» or «disability» words listed. This analysis allows finally, think of a philosophical view able to redefine politics. This is specifically to understand the relationship between disability and citizenship based, not on defects or deficiencies, but taking seriously the ability of individuals.

Keywords: Difference; disability; ethics; politics; ontology

Lorsqu'on aborde le problème du rapport à l'autre une question ontologique émerge de manière nécessaire : comment segmen-tons-nous la réalité ? Quel mode de représentation et de classement mobilisons-nous dans notre rapport au social ? Et quelles en sont les effets dans la manière de considérer autrui et son contexte ? Segmenter consiste à diviser, à couper en différents segments l'étre que l'on appréhende. La tradition métaphysique occidentale tend, justement, à saisir le monde en constituant, de façon récurrente, des couples : le corps et l'esprit, la dépendance et l'indépendance, le manuel et l'intellectuel, le normal et le pathologique, le valide et l'invalide, l'autochtone et l'étranger, etc. Or cette production de couples engendre, non seulement des distinctions, des différences, mais aussi des hiérarchies2.

Nommer, classer, trier, et finalement «normer», permet, dans certaines situations, d'effectuer un diagnostic, de connaitre et d'identifier une situation, une réalité humaine, ne serait-ce que pour octroyer des droits3. Cependant, cette pratique cognitive oriente également une manière d'appréhender l'autre, de le concevoir. Elle s'en fait ainsi une représentation et exerce, dans le même temps, un véritable pouvoir. Nommer ne relève donc aucunement de la neutralité. Cela consiste, au contraire, à rendre visible et faire émerger une façon d'organiser la réalité sociale. Ainsi, par exemple, au Moyen Âge, en Europe, le grippé ou la femme enceinte, le vieillard ou l'orphelin, le goutteux ou le rhumanisant étaient qualifiés d'infirmes au même titre que «le lépreux, le paralysé, l'aveugle, le soud-muet ou le pesteux»4. De même, plus radicalement encore, au cours de son histoire, le monde occidental a classé les «races» en s'appuyant sur un idéal de beauté, ou en repartant de la couleur de la peau, puis - après le développement de la phrénologie et de la physionomie - en prêtant attention à l' «angle faciale».

Des formes de classification furent utilisées également pour ceux que l'on qualifie, aujourd'hui, de «personnes en situation de handicap». En 1980, l'Organisation Mondiale de la Santé adoptait une catégorisation internationale des «déficiences, incapacités et handicaps». Mais en 2002, elle modifia sa terminologie en prenant en compte une dimension plus sociale du handicap. L'attention au contexte ou à la situation a donc remplacé ce qui, antérieurement, n'était appréhendé que sous la forme d'une déficience, d'un manque, ou d'une incapacité. La nomination d'autrui ne relève donc pas d'une simple querelle sémantique. Elle soutient une manière de le regarder, de le considérer ou de l'envisager. Dans Le métier d'homme, le philosophe Alexandre Jollien5 déclare en ce sens : «Dans un univers de boiteux, celui qui marche droit passe pour anormal. Tout dépend des références de chacun. Longtemps, j'ai cru que les enfants naissaient nécessairement avec un handicap visible ou non. Je me suis habitué, dès les premières minutes, à déceler la faille de mes nouvelles relations. La déformation opérait»6.

Qu'est-ce que regarder l'autre? Comment échapper aux imaginaires qui nous traversent et induisent un étiquetage des personnes comme on le pratique sur des objets? Comment, enfin, articuler le nécessaire diagnostic d'une souffrance ou d'une difficulté qui tend parfois à réifier autrui et le respect du caractère insondable et dynamique de sa singularité? La nécessaire quête de reconnaissance passe certainement par la prise en compte de ce qui peut favoriser d'obtention de droits. Mais elle ne se limite pas à cette dimension juridique du souci de la dignité. En d'autres termes, la focalisation sur la seule question de l'identité - «être ou ne pas être handicapé» - risque d'enfermer l'individu dans une catégorie qui en retour produira de la souffrance en termes d'image de soi.

Dans un premier temps, la présente contribution s'efforce de distinguer trois termes souvent confondus: la différence, laltérité et le divers. Cette exigence conceptuelle cherche à mieux penser la question du respect d'autrui en l'inscrivant dans une tension dialectique entre la visée d'objectivation, nécessaire pour penser un cadre juridique protecteur et le souci d'un accueil de l'autre comme secret7, mystère ou singularité insaisissable. Le second moment de la réflexion souligne les limites des termes comme «fragile», ou «vulnérable», constamment utilisés, aujourd'hui, pour qualifier des personnes précaires ou «en situation de handicap». Enfin, la dernière partie du présent article tire les leçons des deux points précédents. L'analyse permet alors de redéfinir la praxis politique en pensant le rapport entre handicap et citoyenneté non plus à partir des failles ou des manques, mais en s'appuyant sur la capacité des sujets à penser et agir en performant le social.

1. La différence, l'altérité et le divers

Dans son Anthropologie du point de vue pragmatique, Emmanuel Kant affirme que régner sur les tendances des autres, de façon à les infléchir et à les déterminer selon ses propres intentions, revient en quelque sorte à s'emparer d'eux pour en faire de simples instruments de sa volonté8. Le philosophe de Konigsberg déclare alors que ce pouvoir comporte trois forces : l'honneur, la puissance et l'argent. Il en détaille d'ailleurs les différentes manies: (1) l'effort pour se faire une réputation honorifique à laquelle suffit l'apparence (2) le désir insatiable de dominer et enfin, (3) celui de posséder. Une quatrième «force» mériterait, du reste, d'être soulignée: la catégorisation. En effet, le fait de cataloguer, définir, délimiter, ranger ou systématiser correspond à une façon de penser l'autre à partir d'une visée d'objectivation. Bien sur, attribuer des droits à quelqu'un nécessite de le reconnaitre et, par conséquent, de l'identifier, de le catégoriser. On le retrouve, par exemple, dans la formule: «Maintenant, vous êtes reconnu comme travailleur handicapé». Cette modalité de la reconnaissance juridique9 se révèle donc fondamentale. Elle touche à la dignité de la personne et joue un rôle notoire dans la construction de l'image de soi. Cependant, il convient aussi de souligner les limites de cette appréhension d'autrui sous l'angle de la catégorisation. Nous en percevons, au moins, deux raisons.

-D'abord, la dimension juridique de l'être humain ne constitue qu'un aspect de l'acte de reconnaitre. D'autres, comme les liens affectifs et la conviction qu'autrui apporte et/ou peut apporter à la «communauté de destin», se révèlent également particulièrement importants. En philosophie sociale, il est courant de reprendre la triade d'Axel Honneth selon laquelle la reconnaissance prend en compte l'amour, le droit et à la solidarité; ces trois dimensions permettent, en effet, de structurer un respect de soi, une confiance en soi et une estime de soi. Cela dit, sans doute convient-il de regarder plus finement si, parmi, les trois pôles évoqués, l'amour relève effectivement de la reconnaissance ou, au contraire, d'une autre dimension. La thèse que nous souhaitons défendre, ici, consiste à souligner l'importance de donner la priorité à l'hospitalité sur la reconnaissance. Nous fondons cette conviction sur le mot grec άγάϖπ, souvent traduit par «amour», mais signifiant aussi l'acte d'hospitalité par lequel on accueille l'étranger, l'autre, et on lui fait une place10. Différent d'έρως , de οτοργήου de φιλĩα, on comprend aussi ce terme comme l'expression de l'amour spontané et gratuit, sans motif, sans intérêt et sans justification11.

-Ensuite, plus fondamentalement, la reconnaissance semble fonctionner à partir d'une conception monofocale de l'identité. En effet, au-delà de la prise en compte de droits particuliers, certaines formes de reconnaissance, comme celle du «handicap», contribuent parfois à enfermer l'autre dans une catégorie. Une personne âgée de plus de 90 ans, pourtant très alerte, déclarait un jour à ce propos: «Quand on passe un certain âge, à chaque fois que l'on prend la parole, les interlocuteurs prêtent moins attention au contenu du propos qu'au fait que c'est un vieux qui s'exprime». Il serait aisé de reprendre cette remarque en la transposant à d'autres «catégories»: les femmes, des sujets naturalisées ou d' «origine étrangère», les personnes en situation de handicap, ou en précarité, etc. D'oú la nécessité de clarifier le vocabulaire et de regarder comment tenir en tension l'altérité, le divers et la différence12.

Le dernier vocable nomme ce qui relève d'une catégorie générale (différence culturelle, sociale, sexuelle...) à laquelle chacun s'identifie et se rattache nécessairement, en commun avec d'autres. La différence renvoie aussi bien à la personne d'autrui qu'aux communautés humaines. Les scolastiques, pour leur part, séparaient la «différence spécifique» considérée comme «essentielle» et «proprement dite» de la differentia accidentalis communis qui permet, par exemple, de distinguer Socrate enfant et Socrate adulte. Thomas d'Aquin parlait aussi de la differentia numerica, ou accidentalis propria. Une telle terminologie permet de différencier des humains de couleur de peau différente sans tomber dans les travers du racisme13. Cela dit, il est toujours tentant de substantialiser les identités et les différences; d'oú l'intérêt d'élargir le champ sémantique, notamment en prenant en compte les processus continuels d'interaction et en ouvrant à d'autres modalités conceptuelles comme le divers et l' altérité.

On comprendra alors le divers comme la manifestation continuelle d'une myriade de facettes, de résonances, d'apparences propres à un individu. Pris dans une logique de flux et d'énergie, le divers relève de la multiplicité. Il comprend des oppositions et des contradictions au sein même du soi. Et il traverse chaque individu, ou collectif, comme une sorte de processus dynamique en constante relation avec d'autres sujets humains. En ce sens, le divers transcende les limites de tout regard monofocal en appréhendant autrui, non pas d'abord comme un unijambiste ou un aveugle, autrement dit, un être marqué par un handicap, mais, par exemple, comme un individu riche de talents pour raconter des histoires, pratiquer l'humour, écrire des poèmes, ou bricoler. Le divers permet donc de dépasser notre penchant spontané à nous focaliser sur la différence négative; celle qui choque ou inquiète et celle qui perçoit d'emblée, voire prioritairement, le manque ou l'infirmité. Il rompt avec une métaphysique de la substance qui tend à saisit l'identité comme une réalité fixe ou figée.

L'altérité, enfin, permet de souligner l'unicité et l'irréductibilité d'une personne ou d'une communauté humaine; autrement dit, ce sur quoi nos représentations échappent constamment. Avec ce concept, nous sortons d'une démarche à visée objectivante. Car il s'agit, au contraire, de valoriser le caractère non thématisable, inatteignable, asymptotique, inassimilable, inenglobable d'autrui. Il convient, sans doute, de prendre en compte l'altérité d'autrui, -le fait que l'autre ne se réduise jamais à nos représentations, à l'image que l'on s'en fait-et de penser, en même temps, la différence sur fond de semblable. Car, en effet, si l'on ne s'efforce pas de valoriser le commun partagé avec l'autre, comment pourrons-nous éprouver le désir mutuel de nous rencontrer?

Jacques Derrida, pour sa part, parle de «différance» afin de rendre compte d'une double facette sémantique: differre, «retarder» / «être différent»). Un tel détour permet d'honorer deux sens distincts: 1. Le fait de s'inscrire dans la «chaine de la temporisation»: un détour, un délai, un retard, une représentation. 2. Le fait de «ne pas être identique»: être autre, dissemblable; ce qui l'inscrit dans la «chaine de l'espacement». Il semble intéressant de penser le processus de différenciation à l'intérieur même des trois concepts que l'on vient de présenter: la différence, le divers et l'altérité. Car ceci permet de remettre en question toutes les différences tenues pour de simples oppositions. En effet, la différance (avec un a) n'est pas une opposition, mais une réaffirmation du même dans sa relation à l'autre, sans qu'il soit nécessaire, pour qu'elle existe, de la figer, ou de la fixer dans une distinction ou dans un système d'oppositions duelles. La différance est le contraire de la substantialisation des identités comme de l'origine14.

Dans la ligne de ce que l'on vient de développer, nous dirons que l'altérité renvoie à la singularité radicale, la différence émerge sur fond de semblable et le divers met en relief une dynamique de multiplicité. Complexifions le procès de conceptualisation en affirmant que la différence relève de la connaissance, le divers renvoie à la reconnaissance, et l'altérité s'articule avec l'hospitalité15. Connaissance, reconnaissance et hospitalité forment donc trois modalités de la rencontre qu'il convient de penser et de distinguer pour questionner le regard que l'on porte sur autrui, en particulière lorsqu'il se trouve en situation de handicap. Par ailleurs, faire référence à la notion d'hospitalité comme condition première de la rencontre, permet de vivre l'accueil de l'autre en laissant quelque peu à la marge, la question l'identité ou de l'identification. En termes lévinassien, on dira que la connaissance ainsi que la reconnaissance relèvent davantage de l'ontologie, alors que l'hospitalité renvoie à l'ontique. En d'autres termes, si l'étre relève de la saisie, de la compréhension, de la quête de savoir, du diagnostic, l'étant relève de l'insaisissable, du non visible, de l'impalpable et du mystère.

On trouve une illustration de ce primat de l'hospitalité dans l'ouvrage d'une psychiatre française, Marie-Noél Besançon, intitulé: On dit qu'ils sont fous et je vis avec eux. L'auteure y raconte, en effet, son expérience au sein d'une maison oú vivent ensemble différentes personnes sans que se pose la question de l'identification des «normaux», des biens portant et des autres. Autrement dit, la reconnaissance, souvent habitée par un souci d'objectivation de la difficulté d'autrui, de sa souffrance, de sa peine, se trouve précédée par l'accueil inconditionnel d'êtres dont on ignore tout en termes de diagnostic médical ou psychiatrique. Parfaitement transposable dans d'autres domaines sociaux, cette expérience appelle le développement d'autres formes d'expérimentation au sein de ce que nous proposons d'appeler des espaces de non-identification: espaces relevant d'une démarche d'hospitalité antérieure à la thématique de la reconnaissance et donc à l'identication des sujets en présence.

Si la clarification conceptuelle que l'on vient de proposer se révèle opératoire, il convient alors de revisiter, ou d'affiner, la triade d'Axel Honneth -amour, droit et solidarité- en distinguant la visée d'objectivation du souci de l'intersubjectivation.

En effet, permettre à autrui d'obtenir des droits ou de les faire reconnaitre, nécessite, bien sur, au préalable une démarche d'objectivation; en d'autres termes, il convient de nommer, d'identifier et d'opérer une classification rigoureuse. Cependant, antérieurement, mais aussi postérieurement à cette pratique classificatrice, il existe d'autres modalités de la relation, comme celles des liens affectifs, de la valorisation des potentialités, des compétences ou des capacités de l'autre. Or, sur ce plan, il s'agit moins de mobiliser un savoir sur autrui (appréhension de sa différence) que d'accueillir un être humain, de valoriser une singularité (altérité), de faire émerger une capacité de subjectivation et de construction de liens (le divers). En ce sens, la connaissance s'articule avec la visée d'objectivation, alors que l'hospitalité a partie liée avec la recherche d'inter-subjectivation, autrement dit, la structuration de sujets humains en relation les uns avec les autres; et ce, sans que s'exprime une attention précise quant à leur identité (accueil inconditionnel).

Par ailleurs, la reconnaissance manifeste une tension permanente entre le souci d'objectivation, ne serait-ce que pour octroyer, ou défendre, des droits (nécessairement liés à une catégorie particulière, une identité) et le processus d'inter-subjectivation. Car reconnaitre autrui, consiste aussi à lui permette de se construire comme sujet social, notamment en valorisant non pas un seul aspect de son identité, mais aussi les multiples facettes de son être que nous avons appelé le divers.

2. Du trop de «fragilité»

En termes de valorisation de la dignité, il ne s'agit pas donc uniquement de reconnaitre un handicap, autrement dit, une limite, un manque, une difficulté, mais aussi, de savoir accueillir des compétences, un savoir-faire, des capacités, au-delà de l'unique situation de handicap. En ce sens, la tendance actuelle -dans bon nombre de pays- à glisser d'une lecture sociologique de la réalité sociale à un processus de psychologisation, conduit, depuis quelques années, à penser les difficultés humaines en termes de «fragilité». De nombreux travaux parlent, alors, de «personnes fragiles» pour qualifier tous ceux qui portent un handicap, vivent dans la précarité, ou arrivent à un âge avancé. Une telle récurrence lexicale se révèle problématique, au moins à trois niveaux16:

  • D'abord, elle manque de précision conceptuelle en ne soulignant pas suffisamment que la fragilité ne se confond pas avec la faillibilité, la faiblesse, ni même avec la vulnérabilité.

  • Ensuite, la formule «personne fragile» forme une tautologie aussi peu pertinente que l'expression : «Une personne mortelle». Car la fragilité ne relève pas d'un accident de l'existence, mais d'une dimension de la condition humaine.

  • Enfin, regarder l'autre en prenant en compte ses difficultés, et l'appréhender d'emblée comme vulnérable risque, parfois, de l'enfermer dans son handicap (social, physique, psychique, ou autre).

Si l'acteur social, le citoyen ou le politique associe systématiquement la personne en situation de handicap à la fragilité, il risque de maintenir une certaine dissymétrie dans la relation et de percevoir l'autre uniquement à partir de la catégorie du manque; alors qu'il semble tout autant important de valorisation la capacité, la puissance d'etre, la force et la solidité qui se dégagent au-delà des processus de vulnérabilisation. Une telle assertion n'empêche pas de souligner, par ailleurs, que la fragilité comme dimension de la condition humaine révèle le statut ontologique de notre interdépendance. Comme le souligne Joan Tronton à ce sujet «un ordre politique qui présume que seules l'indépendance et l'autonomie constituent l'essence de la vie passe à côté d'une bonne part de l'expérience humaine et doit par ailleurs, d'une manière ou d'une autre, dissimuler cette question»17. Contrairement à l'anthropologie libérale focalisée sur les notions d'autonomie et de dépendance, il convient plutôt de valoriser une ontologie de l'être-avec ou de l'interdépendance, comme caractéristique de tout humain18.

Un tel détour nous renvoie à la pratique d'une éthique du souci de soi attentive à une vigilance réflexive et à un discernement sur ses propres limites ou potentialités. Il s'accompagne d'un déplacement du regard19 qui demande de ne plus penser la place des personnes en situation de handicap à partir de la notion d'intégration. En effet, le vocable «intégrer» renvoie au fait d'introduire un élément dans un ensemble afin que, s'y incorporant, il forme un tout cohérent. Or, à l'heure du néo-libéralisme mondialisé, faut-il réellement chercher à s'intégrer au sein de la société ou, au contraire viser la transformation de ce qui semble inacceptable. «Si le monde social m'est supportable, déclarait un jour le sociologue français Pierre Bourdieu, c'est parce que je peux m'indigner»20.

Par ailleurs, sans doute convient-il moins de chercher à «aider» -position dissymétrique- les personnes en situation de handicap, que de valoriser la «solidarité mutuelle» -position symétrique- en apprenant à regarder comment, face aux difficultés ou à l'adversité se déploient une force et des compétences importantes pour la société. Ainsi, par exemple, la «lenteur» de la personne âgée, ou de l'individu à «mobilité réduite», questionne l'accélération continuelle de nos sociétés et leur logique d'urgence. Dans un monde oú la rapidité devient la norme, -donnant l'illusion de se confondre avec l'efficacité- prendre au sérieux l'expérience des individus plus lents, devrait permettre à tous de réinterroger la dimension sociale du temps; par exemple, en développant des espaces de ralentissement, de décélération (propres à l'échange, l'information ou l'analyse) ou en valorisant l'inscription de l'existence sociale dans la durée. Or, un tel déplacement des représentations, nous invite, à la suite de Deleuze, à penser en minoritaire, ou encore, à partir de ceux que nous appelons, pour notre part, les oubliés des processus de décision21.

3. Performer le social

La réflexion que l'on vient de développer, nous conduit progressivement à reprendre une question que les individus de toute condition se posent à eux-mêmes et aux autres dans des contextes différents: «Que suis-je capable de faire et d'étre? Quelles sont mes possibilités réelles?»22. Appréhender autrui à partir de son handicap, revient à se centrer sur l'incapacité, comme lorsque l'on dit «invalide». Or, cette perception substantialiste de l'identité appréhendée sous l'angle de l'impuissance, ou du manque, appelle un rééquilibrage à partir d'une anthropologie du sujet capable23. Cette puissance d'étre qui se trouve au cceur de chacun se manifeste de façon métaphorique au sein du roman de Saramago, L'aveuglement, dans l'expérience d'une prise de conscience salvatrice. Dans ce récit, en effet, les habitants d'une ville perdent la vue progressivement et un désordre sans nom s'installe, alors, avec son lot de violences et de luttes pour la survie. Or, au terme de cette histoire, après avoir traversé l'horreur, l'un des personnages manifeste une prise de conscience en déclarant: «Je pense que nous ne sommes pas devenus aveugles, je pense que nous étions aveugles. Des aveugles qui voient, des aveugles qui, voyant, ne voient pas»24. Dans le prolongement de cette réflexion, deux points méritent notre attention.

-Le premier relève d'une éthique du regard, comprise non pas au sens propre du terme -modalité du visible-, mais dans la ligne de l'expérience vécue par le personnage de Saramago. Une telle démarche vise alors à manifester le souci de sortir de la cécité habituelle qui appréhende l'autre constamment à partir de ses limites. Cette éthique se soucierait alors de valoriser, au contraire, les potentialités, les possibles, mais aussi les énergies déjà à l'ceuvre chez autrui.

-Le second, que l'on voudrait développer davantage, consiste, à la suite du philosophe Jacques Rancière, à opérer une distinction entre police et politique. Dans le langage courant, la police renvoie à un corps de métier chargé de faire respecter la loi, lordre et la sécurité. Or, il s'agit, ici, de comprendre le terme en un sens élargi, autrement dit, comme l'activité qui organise le rassemblement des êtres humains en communauté, qui ordonne ou organise la société en termes de fonctions, de places et de titres à occuper. Bien sur, en ce sens élargi toute société développe une pratique policière. Mais à côté de cette pratique, la politique ne se définit plus comme la lutte pour le pouvoir. Elle se comprend, au contraire, à partir de quatre dimensions essentielles pour notre propos:

-(1) La politique déplace un corps du lieu qui lui était assigné. On retrouve ce mouvement dans l'expérience vécue par des journalistes, chefs de service ou universitaires non-voyants. En règle générale, en effet, de tels métiers requièrent nécessairement la vue. Or, dans le cas contraire, les acteurs considérés pourtant par la société comme handicapés performent le social autrement dit, déplacent les représentations mais aussi les pratiques et les habitudes.

-(2) La politique change la destination d'un lieu. Habituellement, la présence d'un être humain dans un espace s'articule avec des formes d'identification, parfois même, tout simplement, grâce à des vêtements clairement identifiés: la blouse pour l'infirmière, l'uniforme pour le policier, etc. Dans certaines circonstances, au nom de la sécurité, les autorités procèdent même à des contrôles d'identité. Or, dans l'expérience évoquée plus haut, Marie-Noélle Besançon présente une maison d'accueil visant à lutter contre la solitude et l'exclusion des personnes souffrant de difficultés psychiques, et se trouvant parmi les plus rejetées et démunies de la société25. L'originalité de ce lieu se manifeste dans le fait que l'on ne s'identifie pas, comme on le fait dans un hôpital psychiatrique. Il s'agit, au contraire, d'un espace convivial, oú chacun participe, à sa mesure, à la vie de la collectivité. De l'extérieur, tout le monde ignore qui est soignant et qui est atteint par une maladie psychique.

-(3) La politique fait voir ce qui n'avait pas lieu d'étre vu. En ce sens l'expérience de Pipo Delbono déplace les représentations et prend une réelle dimension politique. Dans son théâtre, en effet, le metteur en scène italien donne toute sa place à des personnes comme Bobo, sourd, muet, microcéphale, interné naguère dans un hôpital psychiatrique durant des décennies, mais capable de jouer un sportif, un maire, un mafioso, un boxeur, un clown ou un footballeur. Grâce au théâtre, cet acteur original donne à voir des compétences, met en cuvre des performances et permet de porter un autre regard sur ceux que l'on juge trop souvent incompétents ou incapables.

-(4) Enfin, la politique, bien comprise, fait entendre un discours qui n'était jusque-là perçu que comme du bruit. Pensons au travail entrepris dans le but de promouvoir et de valoriser la langue des signes. Durant des siècles, la plupart des sociétés placèrent les sourds à l'écart. Montaigne en son temps commença, du reste, à renverser les préjugés: «Nos muets disputent, argumentent et content des histoires par signes. J'en ai vus de si souples et formés à cela qu'à la vérité, il ne leur manque rien à la perfection de se savoir faire entendre» (Livre 2, chap. xii). Aujourd'hui, certains sourds et muets, très minoritairement il est vrai, exercent des responsabilités dans leur société.

Plutôt que de se penser en termes de prise de pouvoir, la politique, digne de ce nom, devrait s'efforcer de questionner la dissymétrie entre les «experts» et les «ignorants», les «techniciens» et les «bénéficiaires» de droits, ceux qui parlent et ceux qui n'osent pas s'exprimer dans l'espace public. Elle devrait donc tendre vers une plus grande «justice épistémologique» en valorisant la réflexion et les savoirs de ceux qui se trouvent souvent oubliés ou mis à la marge. «La pensée, souligne pour sa part Slavoj Zizek, ne vient jamais au jour spontannément, d'elle-méme, dans l'immanence de ses principes; ce qui nous incite à penser est toujours une rencontre traumatique, violente, avec un réel extérieur qui s'impose brutalement à nous, remettant en cause nos façons habituelles de penser. En tant que telle, une pensée véritable est toujours décentrée: on ne pense pas spontannément, on y est contraint»26.

Si nos habitudes fournissent à l'esprit son «centre de gravité» (Hegel), elles produisent aussi, en retour, des formes d'enfermement propres à maintenir l'autre dans une image figée. Or, la confrontation réelle avec ceux que nos démocraties laissent trop souvent de côté doit produire une secousse capable de nous ouvrir ainsi à d'autres manières de penser et de questionner notre rapport au monde. Le choc de la rencontre de l'autre permet de déplacer nos regards et de repenser ce que vivre ensemble veut dire. Il contribue, en ce sens, à ouvrir les imaginaires, condition nécessaire à la promotion de nouvelles formes d'émancipation.

Bibliographie

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Para citar este artículo: Poché, Fred. «Enjeu éthique d'une ontologie de la différence. La situation de handicap comme question sociale et politique». Franciscanum 167, Vol. nx (2017): 151-170.

1E. Henrich et L. Kriegel, eds., Experiments in Survival (New York: Association for the Aid of Crippled Children, 1961), 35.

2 Cf. F. Poché, El pensamiento de lo social en Jacques Derrida. Para comprender la deconstrucción, Prologo de Víctor Florian. (Bogotá: Editorial Bonaventuriana, 2008).

3 En ce sens, on ne peut pas dire, avec Roland Barthes, que tout classement est oppressif.

4 M. Vincent-Cassy, «Les 'pauvre corporels' en France à la fin du Moyen Age», Sous la direction d'André Geslin et Henri-Jacques Stiker), en Handicaps, pauvreté et exclusion dans la France du XIXème siècle (París: éd. Atelier, 2013), 137.

5 De l'âge de trois ans à vingt ans, Alexandre Jolien vécut dans une institution spécialisée pour personnes en situation de handicap.

6 A. Jollien, Le métier d'homme (Paris: Seuil, 2002), 75.

7 J. Derrida, «Autrui est secret parce qu'il est autre», entretien avec Antoine Spire publié dans Le Monde de l'éducation, n°284, septembre 2000, dans une version plus courte et légèrement remaniée, en Papier Machine (Paris: Galilée, 2001), 367-398.

8 E. Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, trad., Michel Foucault (Paris: Vrin, 1991), 123.

9 A. Honneth, La lutte pour la reconnaissance, trad., P. Rusch (Paris: Cerf, 2000).

10 J.F. Collange, «Foi, espérance, amour et éthique», Initiation à la pratique de la théologie, t. iv (Paris: Cerf, 1983), 39.

11 Cf. A. Nygren, Eros et agapè, trad. P. Jundt (Paris: Cerf, 1962). On notera, au demeurant, que Nygren durcit un peu la distinction habituelle entre éros et agapè en affirmant la différence radicale entre l'agapè comme amour qui vient de Dieu et l'éros, comme amour purement humain.

12 Il s'agit, ici, de prolonger le propos développer dans une contribution antérieure : F. Poché «Contextualité et théorie de l'agir humain. Contribution philosophique a une distinction entre éthique et morale», Franciscanum. Revista de las ciencias del espíritu 153, Vol. 52, (2010): 207-245.

13 Cf. J. Greisch, «Apprendre à discerner les différences: un difficile travail de reconnaissance», Recherches de Sciences Religieuses 2, Tome 102 (2014): 246.

14 F. Poché, El pensamiento de lo social en Jacques Derrida.

15 F. Poché, «De l'hyper-vulnérabilité. Diagnostic du présent et clarification conceptuelle», Revue des Sciences religieuses 1, Vol. 90 (2016): 51-61.

16 F. Poché, «De l'hyper-vulnérabilité. Diagnostic du présent et clarification conceptuelle».

17 J. Tronto, Une monde vulnérable. Pour une politique du care, trad., Hervé Maury (Paris: La Découverte, 2009), 182.

18 L'interdépendance se révèle difficile à accepter car elle ne signifie pas uniquement que nous dépendons des autres pour nos besoins élémentaires, mais pour tous les domaines de l'existence. Même ceux que l'on considère comme les plus singularisés. Comme par exemple, le «génie» ou les qualités personnelles. Car dans une société fondée sur l'idéal de l'autonomie, règne également l'idée que nous sommes les auteurs de nous-mêmes, les propriétaires de nos idées et de nos ceuvres... Or, la théorie du care émet des doutes sur l'individualisation de nos performances. Sur quel soutien, apporté par qui, repose la capacité de faire ceuvre? Les questions deviennent très concrètes: qui range les chaussettes du grand (savant, entrepreneur, etc). Qui l'écoute? Qui l'aide à déplier ses idées? Qui panse les plaies de son orgueil déchiré en cas d'échec? L'éthique du care demande de descendre de son égo érigé en piédestal. P Malinier, S. Laugier, P Paperman, Qu'est-ce que le care? Souci des autres, sensibilité, responsabilité (Paris: Payot, 2009), 9.

19 C. Saplacan, Une éthique du regard (Cluj-Napoca: Presa Universitara Clujeana, 2015).

20 P. Bourdieu, «Si le monde social m'est supportable c'est parce que je peux m'indigner», entretien avec Antoine Spire (La Tours d'Aigues: éd de l'Aube, 2002).

21 F. Poché, Le temps des oubliés. Refaire la démocratie (Lyon: Chronique Sociale, 2014).

22 M. C. Nussbaum, Capabilités. Comment réer les conditions d'un monde plus juste?, trad., Soulange Chavel (Paris: Climats, 2012), 145.

23 Une telle formule rejoint, bien sur, l'anthropologie défendue par le philosophe Paul Ricoeur.

24 J. Saramago, Laveuglement, trad., Geneviève Leibrich (Paris: Point, 2008).

25 M-N. Besançon, On dit qu'ils sont fous et je vis avec eux, (avec la participation de M-T. Renaud), préface d'Albert Jacquard (Paris: Ed. de l'Atelier, 2015).

26 S. Zizek, La subjectivité à venir. Essais critiques, trad., François Théron (Paris: Flammarion, 2006), 13.

Received: March 30, 2016; Accepted: May 03, 2016

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