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Revista de la Facultad de Derecho y Ciencias Políticas

versión impresa ISSN 0120-3886

Rev. Fac. Derecho Cienc. Polit. - Univ. Pontif. Bolivar. vol.46 no.125 Medellín jul./dic. 2016

https://doi.org/10.18566/rfdcp.v46n125.a07 

http://dx.doi.org/10.18566/rfdcp.v46n125.a07

Le Millenium Challenge Account: un programme révolutionnaire?

El Millenium Challenge Account: ¿un programa revolucionario?

The Millenium Challenge Account: a revolutionary program?

O Millenium Challenge Account: um programa revolucionário?

Mohamed Badine El Yattioui1
http://orcid.org/0000-0002-4714-0292

1 Doctor en Ciencias Políticas por la Universidad Lyon III. Docente catedrático en Ciencias Políticas de la Universidad Lyon III. Correo: mohamed-badine@hotmail.fr. Dirección postal : 87 Rue du 8 Mai 1945, 69100 Villeurbanne, Francia.

Cómo citar este artículo:
El Yattioui, M. (2016). Le Millenium Challenge Account: un programme révolutionnaire?. Revista de la Facultad de Derecho y Ciencias Políticas, 46(125), 385-410.

Recibido: 23 mayo de 2016. Aprobado: 18 agosto 2016.


Resumen

El Millenium Challenge Account es un programa de ayuda pública estadounidense de George W. Bush creado en 2002 y puesto en marcha a partir de 2004. Condoleezza Rice fue quien estuvo en la etapa inical del proyecto. Su objetivo fue hacer una distinción entre la ayuda pública al desarollo y los intereses geopolíticos de Washington. Una sociedad privada, la Millenium Challenge Corporation, fue la encargada de la distribución de la ayuda y de su control y evaluación. Una evaluación del programa, después de más de una década de desarrollo, muestra que los objetivos anunciados inicialmente no fueron totalmente respetados.

Palabras clave: Millenium Challenge Account, Millenium Challenge Corporation, ayuda pública al desarollo, geopolítica, George W. Bush, Condoleezza Rice, eficiencia.


Abstract

The Millenium Challenge Account is an United States' oficial development assistance program decided by George W. Bush in 2002 and applicated since 2004. Condoleezza Rice took the initiative of this project. Her objetive was to distinguish the development assistance and the Washington's geopolitics interests. A private society, the Millenium Challenge Corporation, is in charge of the distribution of the assistance and its control and evaluation. The program's evaluation after more than a decade shows that the anounciated objectives weren't all respected.

Key words: Millenium Challenge Account, Millenium Challenge Corporation, oficial development assistance, geopolitics, George W. Bush, Condoleezza Rice, efficiency.


Résumé

Le Millennium Challenge Account est un programme d'aide publique américain de George W. Bush créé en 2002 et mis en place en 2004. Condoleezza Rice, était à l'origine du projet. Son objectif a été de faire une distinction entre l'aide publique au développement et les intérêts géopolitiques de Washington. Une société privée, la Millennium Challenge Corporation, était responsable de la distribution de l'aide, de son contrôle et de son évaluation. Une évaluation du programme, après plus d'une décennie de développement, montre que les objectifs initialement annoncés n'ont pas été pleinement respectés.

Mots-clés: Millenium Challenge Account, Millennium Challenge Corporation, aide publique au développement, géopolitique, George W. Bush, Condoleezza Rice, efficacité.


Resumo

O Millenium Challenge Account é um programa de ajuda pública americano de George W. Bush, criado no 2002 e posto em andamento a partir do 2004. Condoleezza Rice foi quem esteve na fase inicial do projeto. Seu objetivo foi fazer uma distinção entre a ajuda pública ao desenvolvimento e os interesses geopolíticos de Washington. Uma sociedade privada, a Millenium Challenge Corporation, foi a responsável pela distribuição da ajuda e de seu controle e avaliação. Uma avaliação do programa, mais de uma década despois de seu desenvolvimento, mostra que os objetivos anunciados no princípio, não foram em sua totalidade respeitados.

Palavras-chave: Millenium Challenge Account, Millenium Challenge Corporation, ajuda pública ao desenvolvimento, geopolítica, George W. Bush, Condoleezza Rice, eficiência.


Introduction

Le 14 mars 2002, George W. Bush annonce la création du Millenium Challenge Account. Il affirme vouloir augmenter l'aide bilatérale. Pour cela il considère nécessaire de créer une ligne budgétaire supplémentaire permanente de 5 milliards de dollars entre 2002 et 2006. Il s'agit de la plus forte initiative américaine pour le développement depuis le Plan Marshall en 1947 et l'Alliance pour le Progrès en 1961. A cela s'ajoute la création d'une société chargée de gérer ce nouveau programme : le MCC (Millenium Challenge Corporation). Cet article sera, après avoir défini les mécanismes de sa conception et de ses premières années de fonctionnement, d'étudier plus précisément son application vis-à-vis de l'Amérique latine et de tenter d'en tirer un premier bilan.

L'aide publique au développement de la première puissance mondiale a fortement diminué lors de la période précédente. Elle a été divisée par deux et est passée de 16,2 milliards de dollars à 8,4 milliards de dollars entre 1990 et 1997. Cela peut s'expliquer par différents facteurs. Parmi eux la fin de la Guerre Froide est un élément décisif. Tout au long de cette période les Etats-Unis ont financé des projets dans le monde entier afin d'augmenter leur influence. La disparition de l'URSS a engendré une mise de côté des politiques publiques de solidarité, qui ne sont donc plus vues comme une priorité stratégique.

En 2002, George W. Bush souhaite en apparence remettre l'aide publique au développement au cœur de la stratégie diplomatique américaine. Mais il semble avoir pris conscience des bouleversements dans la théorisation et la mise en place concrète de ce type de politique publique internationale. Jean Michel Severino, qui a dirigé l'Agence Française de Développement, et Olivier Ray vont eux beaucoup plus loin dans leur critique (2010) :

Nous assistons en réalité à la disparition d'un concept dépassé, fondé sur des illusions révolues concernant l'unité, la clarté et la pureté des fins de la « communauté internationale », au profit d'un nouveau type de politiques publiques qui tentent de faire face aux défis de la mondialisation. Une triple révolution des objectifs, des acteurs et des instruments est en train de bouleverser les règles du jeu, dynamitant les anciennes pratiques et les vieilles habitudes. (p.1)

Cette critique sévère s'appuie sur un constat implacable qui est que l'aide publique au développement n'apporte pas les résultats escomptés. Un nouveau programme peut-il changer la donne ? Ou bien le problème est il plus profond ? Le Millenium Challenge Account révolutionne-t-il les programmes d'aide publique au développement ? Permet-il à cette aide d'être plus efficace ? Ces questions sont importantes car l'aide publique au développement a durant la deuxième partie du XXe siècle permis le lancement de projets économiques et sociaux très importants mais le problème récurrent a très souvent été celui des coûts opérationnels.

En effet, une fois le projet financé par les pays donateurs achevé, ces coûts doivent être supportés par le pays bénéficiaire, ce qui n'est pas sans causer énormément de soucis sur le plan financier. L'ONU, à travers la Déclaration du Millénaire a voulu remettre en cause ce principe de base de l'aide publique au développement. Il y a été décidé que les Principes de sa Charte seraient inclus dans des programmes d'aide. Jean Michel Severino et Olivier Ray en tirent l'interprétation suivant (2010) :

En fixant des objectifs hors de portée des pouvoirs publics des pays qui ont le plus besoin d'aide, la communauté internationale (c'est à dire les pays donateurs) a ipso facto accepté de se substituer à certains Etats pour la fourniture des services sociaux de base, à travers des transferts financiers à long terme. Ceci a eu pour conséquence de réduire les exigences de soutenabilité financière : plus personne ne demande à ce que les projets finançant l'éducation des enfants au Mali ou l'accès à l'eau potable des populations urbaines d'Haïti soient «économiquement viables» par eux-mêmes. Ce changement de philosophie implique pour la communauté du développement une véritable révolution que très peu d'Etats ont véritablement appréhendée : l'efficience d'un programme n'est plus évaluée sur la base de la capacité des bénéficiaires à s'émanciper des transferts internationaux grâce à la croissance économique, mais uniquement sur la base de l'amélioration du niveau de vie de base des populations ciblées. D'une certaine façon, les flux de

l'aide publique au développement vont au-delà d'une logique d'investissement économique pour inclure celle d'une redistribution sociale à long terme. (p.11)

Nous nous emploierons donc tout au long de cet article à analyser et à décrypter les objectifs affichés par ce nouveau programme d'aide qu'est le Millenium Challenge Account. Nous étudierons s'il y a réellement une tentative de «redistribution sociale à long terme» et par là même de constater ou non si ce programme s'inscrit dans les recommandations onusiennes qui sont révolutionnaires concernant l'élaboration de l'aide publique au développement. Nous tenterons également d'éclaircir ses objectifs non avoués. Nous essaierons de voir si, comme l'affirme l'Administration Bush Jr, ce programme est réellement déconnecté de toute considération géopolitique.

1. L'origine et les objectifs initiaux du Millenium Challenge Account

1.1 L'origine et la conception du Millenium Challenge Account

1.1.1. Origine

Sur le plan institutionnel, le Millenium Challenge Account est le fruit d'une lutte d'influence et de pouvoir au sein de l'exécutif américain. A son arrivée à la Maison Blanche, George W. Bush a nommé Condoleeza Rice à la tête du National Security Council. Celle-ci a voulu très vite que ce dernier supplante le Département d'Etat et le secrétariat à la Défense. Le MCA a été exclusivement conçu en son sein. Le contexte de lutte contre le terrorisme international a aussi considérablement renforcé le poids du National Security Council au sein de l'Administration. David Rothkopf l'a fort bien analysé. Tout comme Charles-Philippe David. Ce dernier a écrit, avec Elisabeth Vallet (2006) :

A la suite des événements du 11 septembre, l'administration Bush entre dans une nouvelle ère qui va considérablement modifier le cours de la politique étrangère américaine. Les différentes composantes du processus décisionnel en matière d'affaires extérieures sont redéfinies par l'existence du risque terroriste : les rivalités entre les différentes administrations sont complètement occultées, le besoin d'une réelle réactivité gouvernementale fait sauter des paliers décisionnels et le processus devient moins formel, tandis qu'un « cabinet de guerre «composé des principaux décideurs du NSC se met en place et prend des mesures qui vont irrémédiablement orienter les relations internationales en ce début de XXIe siècle. (p.149)

Pour bien comprendre l'évolution du rôle du National Security Council et de la place qu'il a depuis le 11 septembre 2001 il est nécessaire de faire un point d'Histoire. Sa création remonte au National Security Act de 1947. Sa mission est alors de conseiller le président américain et de coordonner l'action des différentes agences et les différents ministères. Mais très vite les présidents successifs s'en servent comme un instrument d'exercice du pouvoir. Charles-Philippe David et Elisabeth Vallet l'expliquent très bien (2006) :

Sa neutralité de principe n'a pas tenu devant la pratique, et le NSC a vite été promu comme un instrument présidentiel doué des moyens nécessaires pour planifier et mettre en œuvre la politique étrangère. En effet, devant la cacophonie administrative qui est le propre de l'administration américaine (qui, elle même n'obéit pas au principe hiérarchique), les présidents successifs ont instrumentalisé le NSC pour maîtriser les querelles bureaucratiques qui opposent régulièrement, au risque de paralyser le processus décisionnel, le Département d'Etat et le Département de la Défense. C'est ainsi que le NSC s'est progressivement mué en une institution complexe et schizophrène. (p.151)

Les auteurs précités décrivent le basculement d'une institution et quelque part la dérive sur le plan constitutionnel de la place prise par le National Security Council au sein de l'exécutif américain.

Au départ organe devant promouvoir l'équilibre au sein de l'administration présidentielle, il a fini à de nombreuses reprises par être celui qui divise et bloque le bon fonctionnement de ce même exécutif. Le National Security Council est devenu une administration composée à la fois de fonctionnaires en dépendant directement, de fonctionnaires d'autres ministères, de militaires et même d'universitaires. Il est sous l'autorité du conseiller pour la Sécurité Nationale. Sa force est d'être au centre des différentes questions liées à ce dernier thème, à la diplomatie, au renseignement et aux questions économiques les plus sensibles. Sa petite taille lui donne souplesse et réactivité ce qui plait aux présidents. Ils n'ont pas à subir les lourdeurs administratives causées par la multiplicité des acteurs, des procédures et des services ou directions qui peuvent composer un ministère comme le Département d'Etat par exemple. Charles Philippe David et Elisabeth Vallet ont même écrit (2006) :

Le NSC est progressivement devenu l'acteur influent de l'élaboration de la politique étrangère américaine. Plus encore, il est un instrument de l'autorité présidentielle dans le processus décisionnel. (p.153)

Mais il est important de noter que si la structure du National Security Council a pris une telle place au sein de l'exécutif, la personnalité des différents conseillers pour la sécurité nationale y est pour beaucoup, et ce alors que la loi de 1947 ne l'évoque à aucun moment. Avant même l'influence très forte exercée par une universitaire comme Condoleeza Rice, il y en a eu d'autres comme Henry Kissinger avec Richard Nixon et Zbigniew Brzezinski avec le président Carter. Il y a également eu des conseillers pour la sécurité nationale qui étaient des militaires comme Colin Powell avec le président George H. Bush.

Les auteurs précités analysent deux éléments importants pour comprendre la place prise par le conseiller pour la sécurité nationale. Selon eux, dès les années 1960 il n'est plus « un coordonateur neutre »mais « il est devenu la personne de confiance du président dans toutes les étapes du processus de formulation de la politique étrangère américaine ». Le second point est que cette volonté présidentielle avait comme objectif initial d'éviter la lenteur administrative, ce qui a abouti au fait que ce conseiller est désormais doté de pouvoirs très importants. Le second point est la conséquence directe du premier. Ce phénomène sera lagrant durant les deux mandats de Ronald Reagan entre 1981 et 1989.

L'arrivée à la Maison Blanche de G. H. Bush, cette même année, change la donne. Ce dernier s'intéresse beaucoup aux questions internationales et a été le vice-président de de Ronald Reagan, ce qui fait qu'il connaît le fonctionnement de la Maison Blanche en général et du NSC en particulier. Bill Clinton poursuivra dans cette même démarche d'implication dans le processus décisionnel, même s'il n'a pas l'expérience internationale de son prédécesseur. G. W. Bush choisit lui à son arrivée au pouvoir en 2001 de restructurer complètement l'administration du National Security Council. Plusieurs institutions sont créées pour le concurrencer et même lui réduire ses attributions. De plus, un tiers du personnel du National Security Council est tout simplement supprimé. Mais cette situation dure peu de temps puisque suite aux attentats du 11 septembre 2001 beaucoup d'analystes considèrent que c'est sa fragmentation et son isolement ajoutés à la rivalité historique entre le Département d'Etat et celui de la Défense qui ont perturbé le bon fonctionnement de l'exécutif dans la prévention des actes terroristes. Lors de son premier mandat, entre 2001et 2005, Georges W. Bush a changé de nombreux éléments dans le processus de prise de décision en politique étrangère. S'il ne semble écouter qu'un tout petit groupe de conseillers, il a surtout innové en permettant la création d'un « second NSC » ou « NSC bis » placé auprès du vice-président Dick Cheney. Ce dernier s'intéresse énormément aux questions internationales et contrebalance le désintérêt initial du président. Le fait d'autoriser la création d'un « NSC » auprès du viceprésident, ajouté à la réduction d'effectifs citée plus haut et à la création d'institutions parallèles renforcent considérablement l'inluence de Dick Cheney auprès de G.W. Bush en ce qui concerne les questions internationales, au détriment du secrétaire d'Etat Colin Powell principalement.

La Conseillère pour la Sécurité Nationale Condoleeza Rice semble elle mieux s'en sortir. Son expertise et sa proximité avec le président font qu'elle a pu et su se préserver des domaines d'intervention et la mainmise sur certains dossiers. Le Millenium Challenge Account en fait partie puisqu'il a été piloté exclusivement par le NSC. La diversité de ses membres, leur expérience ont été déterminants. Beaucoup d'analystes comparent les mandats de Ronald Reagan et de Georges W. Bush. Tous les deux sont peu intéressés par la politique étrangère et donc délèguent énormément. Et tous les deux ont choisi un vice-président ayant un intérêt élevé pour les questions internationales : G. H. Bush pour Ronald Reagan et Dick Cheney pour G. W. Bush.

A la suite des attentats de 2001, le rôle et le fonctionnement du NSC évoluent considérablement. Charles Philippe David et Elisabeth Vallet écrivent (2003):

Le système du NSC, dans ce contexte, a connu trois évolutions. Premièrement, le « forum décisionnel » (instance interministérielle chargée des questions de sécurité nationale) a joué un rôle très actif, correspondant davantage au concept initial du NSC comme mécanisme de coordination décisionnelle. Deuxièmement, Condoleeza Rice a renoncé avec la tradition du conseiller pour la sécurité nationale comme éminence grise du président, un peu à la manière de Mc George Bundy sous John Fitzgerald Kennedy, mais avec beaucoup plus de partialité et de perméabilité à l'influence des autres décideurs, comme Dick Cheney. Il y a, en l'état actuel des connaissances, toutes les raisons de croire que Rice a conforté le président dans ses convictions et rarement joué le rôle « d'avocat du diable ». Troisièmement, dans le processus de formulation de la politique étrangère, l'administration du NSC s'est progressivement effacée au profit d'une structure concurrentielle au sein du bureau du vice-président. Ainsi, l'administration G.W. Bush s'est retrouvée avec deux organisations de gestion de la politique extérieure. (p.20)

Rarement un vice-président n'a pu concentrer autant de pouvoir car à la création d'une structure parallèle au National Security Council s'ajoute l'autorisation présidentielle qu'il a obtenu de pouvoir siéger aux délibérations du comité des principaux décideurs du National Security Council « originel » (ce qui est une nouveauté depuis 1947). Il faut aussi citer Lewis Libby qui est le directeur de bureau de Dick Cheney et qui a pu cumuler cette fonction importante avec deux autres postes très importants qui sont le poste de directeur du « NSC bis » et le poste de conseiller spécial du président. Benoit Daviron et Thierry Giordano ont relevé de nombreuses similitudes historiques et politiques entre l'USAID et le Millenium Challenge Corporation. Le contexte d'insécurité pour les Etats-Unis causé par une menace étrangère (Cuba en 1961 et Al Qaida en 2001) et l'implication forte des présidents Kennedy et Bush Jr. Mais les auteurs précités remarquent des différences importantes sur le plan institutionnel et sur le plan du public-cible. Si Kennedy s'était donné pour objectif de rassembler au sein même de l'USAID tous les programmes d'aide, George W. Bush rajoute lui une nouvelle structure à celle déjà existante. Concernant les bénéficiaires, si le premier en souhaite un maximum, le second souhaite une limitation forte. Si l'idée de départ revient au National Security Council, qui continue d'être le coordonateur, les Départements d'Etat et du Trésor sont également mis à contribution.

1.1.2. Conception

Les indicateurs choisis pour la mise en œuvre du Millenium Challenge Corporation sont au nombre de seize. Ils ont été répartis en trois familles : gouverner de manière loyale, investir dans le capital humain et garantir le libéralisme économique. A noter que le seul critère éliminatoire est la corruption. La question essentielle que doit se poser tout évaluateur ou analyste est l'impact et l'efficacité de ce nouveau programme d'aide. La validité ou non des indicateurs choisis dépend de cela. Les économistes ont été dubitatifs dès le début sur ceux qui ont été choisis et les réformes demandées aux Etats demandeurs. Sur le plan institutionnel et politique, Benoit Daviron et Thierry Giordano font très justement remarquer la nouveauté apportée par ce programme (2006) :

En établissant une structure hors de l'Administration, cette dernière ne peut faire pression sur le MCC qu'en passant par la direction, contrairement à ce qui se passe actuellement à l'USAID où le Département d'Etat est l'organe décisionnel. De plus, l'administration Bush n'a pas confiance en l'USAID pour des raisons idéologiques et d'efficacité. » Un peu plus loin ils ajoutent : « Un autre argument est la volonté de libérer l'aide au développement de la pression du Congrès notamment pour l'utilisation des financements, afin de disposer de davantage de flexibilité et de facilité d'action. En effet, le problème majeur de l'USAID est de faire correspondre le budget aux objectifs imposés par les multiples directives et affectations votées par le Congrès, qui spécifient l'utilisation des fonds pour certains pays ou pour certaines activités et imposent des restrictions à d'autres. (p.16)

Comme l'a très justement noté Nowels, le principe clé du Millenium Challenge Corporation est l'appropriation « ownership ». Cela est un garde fou de l'exécutif contre toute tentative des parlementaires visant à toucher aux affectations de crédits budgétaires. D'ailleurs, idéologiquement l'administration Bush Jr est allée très loin puisque le Millenium Challenge Corporation est une société commerciale. La notion de bénéfice financier est donc bel et bien présente.

Après son vote par les deux chambres du Congrès en janvier 2004, le président George W. Bush signe l'acte de création de ce programme le23 du même mois. Il lui attribue 994 millions de dollars pour2004 et 1,4 milliard de dollars pour 2005.Le Congrès a sensiblement modifié certains points essentiels de ce programme. Tout d'abord les pays retenus sont uniquement ceux à faible revenu. Des sénateurs avaient souhaité augmenter les pays d'Amérique latine pouvant bénéficier des aides de ce programme mais l'amendement a été rejeté. D'ailleurs, le choix des pays éligibles est réservé exclusivement au bureau des directeurs. Le pouvoir exécutif voulait le réserver uniquement au directeur exécutif mais le Congrès l'a étendu à l'ensemble du bureau. Les deux chambres ont également modifié la composition de ce même bureau en y introduisant quatre personnes de la société civile. Ces derniers s'ajoutent à cinq autres personnes, à savoir l'administrateur de l'USAID et quatre autres voulues par George W. Bush (Secrétaire au Trésor, directeur de l'OMB, le représentant au commerce et le secrétaire d'Etat qui le préside).

Enfin le Congrès a également ajouté des critères de sélection supplémentaires concernant les indicateurs, à savoir le respect des personnes handicapées, la gestion durable des ressources naturelles, l'investissement dans la société et l'éducation des femmes. Alors que les deux premières années de fonctionnement, le Congrès a attribué 2,28 milliards de dollars au Millenium Challenge Corporation, il lui faudrait au moins 3 milliards de dollars.

1.2. Les objectifs affichés du Millenium Challenge Account

Alors que le début des années 2000 connaît un développement de l'aide multilatérale, le Millenium Challenge Account marque un retour au premier plan de l'aide bilatérale. De plus, ce projet innove car après les attentats du 11 septembre 2001 il veut lier les questions de sécurité et les questions de développement socio-économique. Sur le plan institutionnel il est intéressant de noter que ce programme n'est géré ni par le Département d'Etat ni par l'USAID. L'administration Bush Jr a créé de toute pièce une nouvelle entité qui est le Millenium Challenge Corporation. Benoit Daviron et Thierry Giordano affirme sansambages (2006) :

Placée d'emblée au croisement de la politique étrangère et de la stratégie de sécurité nationale, la MCC innove radicalement en se proposant de sélectionner les pays récipiendaires dans la plus grande transparence, en se fondant sur la qualité des politiques et celle de la gouvernance, critères renseignés par des résultats de recherche. (p.3)

Le Millenium Challenge Corporation innove, comme nous le verrons plus tard, par sa méthode, mais aussi par son montant. A sa création en 2002, George W. Bush annonce 5 milliards de dollars entre2002 et 2006. Un montant considérable lorsque l'on sait que l'USAID disposait déjà d'une part significative de l'aide publique au développement. Les deux auteurs précisent même qu'en 2003 la France avait un budget total d'aide publique au développement de 7,25 milliards de dollars... Jamais depuis le Plan Marshall en 1947 et l'Alliance pour le Progrès dans les années 1960, les Etats-Unis n'avaient débloqué une somme aussi importante pour l'aide publique au développement. Le Millenium Challenge Corporation est donc un projet ambitieux qui a nécessité la création d'une ligne budgétaire supplémentaire. Cette dernière est gérée par le Millenium Challenge Account, qui est une institution nouvelle.

L'objectif affiché par le pouvoir exécutif, qui est à l'initiative de ce nouveau programme, est la déconnexion des critères d'aide de toute considération géopolitique. Ceci est une véritable révolution dans l'élaboration des critères de répartition de l'aide publique au développement. Une révolution encore plus forte aux Etats-Unis lorsque l'on connaît les liens très forts entre les pays aidés par Washington et les considérations diplomatiques et militaires. A priori, les seuls critères retenus sont la lutte contre la pauvreté et la croissance économique. Le critère fondamental pour l'Administration de George W. Bush dans le choix des bénéficiaires est le soutien aux pays en développement qui favorisent la dynamique économique. Benoit Daviron et Thierry Giordano relèvent six caractéristiques principales.

La première est la sélection transparente des bénéficiaires, la deuxième est la déconnexion des intérêts diplomatiques et économiques américains, la troisième est l'appropriation des programmes par les bénéficiaires, la quatrième est la concentration de l'aide sur peu de pays, la cinquième est l'administration réduite du Millenium Challenge Corporation (par opposition des lourdeurs administratives de l'USAID), la dernière est le caractère permanent du programme. Ils présentent également ses deux principes de fonctionnement (2006) i

L'aide est destinée d'une part aux pays en développement qui démontrent leur engagement pour le développement économique et la lutte contre la pauvreté en satisfaisant des critères reconnus, acceptés par tous et indépendants de l'Administration et d'autre part à ceux où l'aide rencontre les meilleures opportunités pour atteindre les résultats attendus, autrement dit, pour être efficace. (p. 6)

1.3. Les objectifs latents du Millenium Challenge Account

Dans l'histoire de la diplomatie américaine l'aide publique au développement n'est qu'un instrument au service de la sécurité du pays. Walter Russell Mead affirme que les Etats-Unis n'ont qu'un but qui est la défense de << l'American Project » qu'il définit comme la protection de la sécurité intérieure et la promotion de la démocratie dans le Monde. Selon lui l'objectif principal et la mission historique des Etats-Unis est de (2005) i

Protéger notre propre sécurité nationale tout en construisant un ordre mondial pacifique avec des États démocratiques liés par des valeurs communes et partageant une prospérité commune. (p.7)

W.R. Mead résume à la fois très simplement et très précisément la pensée de l'Administration Bush fils et les raisons réelles l'ayant poussée à agir de manière aussi ambitieuse. Quelque part le politologue confirme que pour les Etats-Unis, quels que soient l'époque ou le contexte, l'aide publique au développement n'est qu'un instrument au service de la sécurité du pays. Derrière l'attribution de l'aide et les différents critères retenus, la seule chose qui compte réellement pour l'exécutif mais aussi le Congrès est la préservation de la sécurité des Etats-Unis après le traumatisme vécu par l'ensemble de la population suite aux attentats du 11 septembre 2001.Beaucoup d'analystes avancent, et nous aussi, que sans l'argument sécuritaire, déployé par le président lui même dans ses discours lorsque le Millenium Challenge Corporation n'était encore qu'un projet, le Congrès n'aurait certainement pas approuvé la création d'une ligne budgétaire supplémentaire.

Le contexte budgétaire du début des années 2000 était déjà difficile pour les Etats-Unis avec une dette très élevée. Il est également utile de préciser que la conditionnalité est ici «ex post» car il a été demandé au préalable au bénéficiaire d'avoir atteint des résultats avant d'être aidé. Mais l'habileté du président George W. Bush a été de présenter ce nouvel instrument comme un élément visant à renforcer la sécurité nationale. Cela lui a permis de faire adopter son projet par un Congrès traditionnellement hostile à l'idée de réformer l'aide publique au développement. De plus, il a contourné sa réforme en créant une nouvelle ligne budgétaire, ce qui a long terme pourrait poser quelques soucis au pays quand on connaît sa situation financière et le caractère permanent du Millenium Challenge Corporation. Le président veut montrer qu'il sait allier « soft power » et « hard power » dans la lutte contre le terrorisme post 11 septembre. Tout cela démontre la perte considérable d'influence et d'importance de l'USAID depuis la fin de la Guerre Froide. Ses crédits propres ne représentent plus que la moitié de ceux du Millenium Challenge Corporation. Il s'agit là d'un élément qui s'ajoute à une série de déconvenues depuis les années 1990. Le Peace Prosperity and Democracy Act proposé par le Bill Clinton et son secrétaire d'Etat adjoint Clifford Wharton avait pour but de réformer le Foreign Assistance Act de 1961, rendu quasiment caduc par la disparition de l'URSS. Mais les Républicains qui sont majoritaires au Congrès à partir de 1994 vont les bloquer. Ils souhaitent même la fin de l'USAID car ils veulent la fusionner avec d'autres agences, ce que Clinton refuse. Ils obtiennent tout de même une baisse de 20% de ses crédits destinés à l'aide publique au développement et le fait que son administrateur doive désormais rendre compte au secrétaire d'Etat et non plus au président

2. Le Millenium Challenge Account a-t-il atteint ses objectifs?

2.1. Les contraintes internes

Les contraintes internes sont nombreuses et variées. La première d'entre elles est bien évidemment le pouvoir législatif. Son poids dans le système institutionnel américain est tel qu'il peut être bloquant. La difficulté pour un président d'obtenir la majorité dans chacune des deux chambres expliquant très souvent l'écart qu'il peut y avoir entre un de ses projets initiaux et son projet définitif. La Chambre des représentants et le Sénat, parfois même les deux, sont passés par là et imposent leur point de vue. En effet, les priorités des parlementaires sont parfois différentes, voir même opposées, à celles du président. Dans le cas du Millenium Challenge Account cela s'est une fois de plus vérifié. Les différences entre le projet de loi conçu par le NSC et validé par G.W. Bush et celui voté par le Congrès il y a des différences importantes. Le plus important est le choix des pays bénéficiaires. La volonté présidentielle initiale était de déconnecter totalement l'aide publique au développement des considérations géopolitiques.

Hors comme nous l'avons vu, cette volonté novatrice s'est heurtée à l'opposition du Congrès. Les groupes de pression ou lobbies y sont certainement pour quelque chose. Les élus des deux chambres sont souvent soumis à des pressions très importantes de différents niveaux. Le premier niveau de pression provient des groupes d'amitiés ou des sociétés américaines implantées à l'étranger. Le second niveau provient des Américains d'origine étrangère qui ont un attachement constant pour leur pays d'origine ou celui de leurs aïeux.

Cela se vérifie particulièrement pour les Américains d'origine latino-américaine. Un élu de la Chambre des représentants ou du Sénat de tout le sud des Etats-Unis, de la Floride à la Californie, a besoin de voix des citoyens d'origine latino-américaine. Certaines circonscriptions sont clairement ingagnables sans leur soutien électoral puisqu'ils y atteignent 50 % de la population. Le Mexique, les pays d'Amérique centrale sont les plus représentés au sein des Etats de la Sun Belt. Il n'est donc pas surprenant de voir le Nicaragua et le Honduras dans la liste des pays éligibles au Millenium Challenge Account dès le 6 mai 2004. Ils ont d'ailleurs été maintenus dans celle du 8 novembre 2004 et celle du 8 novembre 2005. Au sein de cette dernière a été ajouté le Salvador. Les contraintes d'ordre intérieur ne sont pas les seules qui expliquent le choix de ces pays, comme nous le verrons plus loin. Le Congrès n'est pas la seule institution à émettre des avis contredisant les souhaits et objectifs initiaux du président G. W. Bush.

Les Départements d'Etat et de la Défense en font également partie. Ce programme remet en cause une partie du champ d'intervention des ces deux ministères, mais surtout il a été élaboré exclusivement par les services qui composent le NSC, sans qu'ils n'aient jamais été consultés. De plus, pour en revenir au champ d'intervention remis en cause, il s'agit principalement de la volonté présidentielle de déconnecter complètement les critères d'aide de toute considération géopolitique comme nous l'avons dit précédemment. Nous avons également parlé plus haut de la théorie de Walter Russell Mead selon laquelle l'aide publique au développement, dans l'histoire des Etats-Unis, n'est qu'un instrument au service de la sécurité du pays. Les considérations diplomatiques et militaires ont toujours été considérables dans le choix des pays bénéficiaires et les montants attribués. Ces deux ministères ont tenté d'influencer la conception de ce nouveau programme mais sans succès réel.

La troisième institution qui a tenté d'influencer la conception du Millenium Challenge Account est l'USAID. Cette agence a un savoir-faire réel pour tout ce qui touche aux questions d'aide publique au développement. Mais l'un des éléments qui explique la création d'une nouvelle entité, dans l'argumentaire présidentiel, est de créer une société avec une administration réduite. Cet argument vise directement l'USAID qui est souvent critiquée pour sa supposée lourdeur administrative. A cela s'ajoute le fait qu'avec la création du Millenium Challenge Corporation on voit que ses crédits propres ne représentent plus ce qu'ils ont pu représenter par le passé. En effet, ils ne représentent plus que la moitié de ceux du nouveau programme. Il s'agit là d'un élément supplémentaire caractérisant le déclin de cette institution naguère au cœur de la diffusion de l'aide publique au développement américaine à travers le Monde. Elle a tenté de résister à la création d'un nouveau programme géré par une institution nouvelle, mais sans succès puisque son poids institutionnel n'a cessé de diminuer. Un des éléments qui montre le plus ce déclin et sa capacité de contrainte limitée est qu'une nouvelle ligne budgétaire a été créée alors que dette et déficit sont élevés. Si comme nous venons de le voir des contraintes internes existent bel et bien, elles sont de différentes natures et à différents degrés. Elles ne sont pas les seules existantes. Des contraintes externes existent également.

2.2. Les contraintes externes

Cette précision est très importante pour comprendre la manière dont est mis en œuvre ce programme. Ceux qui gèrent le Millenium Challenge Corporation travaillent entre eux, sans contact avec les autres agences ou institutions gouvernementales. Il y a réellement une forme d'autarcie dans leur manière de travailler.

S'ils cherchent à éviter, ou du moins contourner les contraintes internes, ils ne peuvent éviter celles, très sensibles, qui proviennent de l'extérieur. Comme nous l'avons écrit, le président George W. Bush ne cesse de répéter l'intérêt sécuritaire de ce nouveau programme d'aide publique au développement. Mais ce qui est frappant entre le projet initial, très ambitieux, du National Security Council et celui mis en œuvre suite aux différentes retouches, issues des contraintes internes que nous avons décrites et des contraintes externes, est le contact avec la réalité. Ce contact a mis en exergue les contradictions du projet rédigé par le National Security Council. Ce dernier voulait créer un programme historique par la philosophie qu'il souhaitait mettre en avant. Mais déconnecter l'aide publique au développement de toute considération diplomatique ou militaire relève de l'impossible. Elles sont profondément imbriquées les unes dans les autres.

Les choix de la Bolivie, du Honduras, du Nicaragua ou du Salvador ne sont pas anodins. Ils répondent à des considérations géopolitiques très fortes. Ces pays sont soit producteurs (comme la Bolivie), soit des zones de transit (comme le Honduras, le Nicaragua ou le Salvador) dans le narcotrafic vers la première puissance mondiale. De plus, aux conditions financières très difficiles s'ajoute l'instabilité politique récente dans le cas du Nicaragua et du Salvador. Ces deux pays ont connu des guerres civiles dans les années 1980 où le nombre de morts fut très important : 40 000 personnes pour le Nicaragua et 75 000 pour le Salvador. Les Etats-Unis se sont impliqués, même indirectement, dans leur déroulement et ont pesé sur les évènements. Washington a longtemps pensé que Moscou téléguidait directement les insurgés dans ces pays d'Amérique Centrale mais les historiens ont démontré que les Cubains, et non les Soviétiques, fournissaient l'aide matérielle et logistique. Moscou se contentant d'un consentement lointain et idéologique. Tout au plus, l'URSS pouvait espérer se servir de ces conflits et de ces pays comme monnaie d'échange avec Washington.

Enfin, à ces considérations politiques, diplomatiques et historiques s'ajoutent des considérations économiques. Le Salvador et le Nicaragua, tout comme leurs voisins d'Amérique centrale, dépendent fortement des Etats-Unis d'un point de vue économique. Mais la décision d'aider en priorité ces pays dans le cadre du Millenium Challenge Account s'explique en partie par l'empreinte laissée par l'initiative du « Groupe de Contadora » puis du « Groupe des Huit » afin d'attirer l'attention de la communauté internationale sur les problématiques de cette sous région. Ces pays d'Amérique latine sont parvenus à obtenir le soutien de la Communauté Economique Européenne à l'époque et du Vatican.

Leur objectif était atteint car cela remettait à la fois en cause la doctrine Monroe et la vision reaganienne de l'affrontement entre blocs. Le Millenium Challenge Corporation en plaçant ces pays dans ses premières listes de ceux qui sont éligibles fait un choix qui découle d'intérêts géostratégiques importants. Même s'ils font partie des pays éligibles au programme, les considérations diplomatiques, économiques et militaires contribuent fortement à ce choix. Ils sont les seuls pays d'Amérique latine à en être bénéficiaires alors que des pays des Caraïbes ont des revenus par habitant aussi faibles que ceux qui ont été choisis par Le Millenium Challenge Corporation. L'administration de George W. Bush est consciente que si elle n'intervient pas auprès de ces pays, d'autres comme la Chine ou des puissances régionales comme le Brésil ou le Venezuela le feront. A moyen terme cela jouera contre les intérêts de Washington et les conseillers au sens large de George W. Bush le savent.

Ceci est un exemple type et flagrant des contraintes externes qui pèsent dans la balance au moment du choix des pays bénéficiaires de ce nouveau programme et de tout programme d'aide publique au développement.

Instrument d'influence, l'aide publique au développement ne peut, contrairement aux ambitions initiales du président républicain, être déconnectée des intérêts géostratégiques fondamentaux des Etats-Unis. Dans un contexte de Guerre Froide et donc de bipolarité cela était déjà impossible car cela amenait automatiquement à renforcer l'autre bloc. Aune époque où la multipolarité règne et où les équilibres sont incertains refuser de lier l'aide publique au développement et les intérêts diplomatiques est risqué et contraire aux principes de la realpolitik. Mais très vite les contraintes et les pressions diplomatiques surgissent. Les pays « à revenu moyen inférieur » doivent ils être bénéficiaires du Millenium Challenge Corporation ? L'Egypte, la Jordanie et la Colombie en font partie. Les prendre en compte signifierait renier la philosophie initiale du programme, mais les exclure remettrait en cause des intérêts stratégiques majeurs de la diplomatie américaine. Le Congrès finit par décider qu'à partir de 2006 ces pays pourront percevoir cette aide mais dans une limite de 25% de l'enveloppe annuelle. Les pays les plus pauvres sont les grands perdants de cette décision. Ils ont été « sacrifiés » sur l'autel d'intérêts considérés comme supérieurs.

L'objectif principal du Millenium Challenge Corporation est de réduire la pauvreté dans les pays les plus fragiles. C'est sa mission. Pour la mener à bien il faut que le Millenium Challenge Corporation soit libre de ses mouvements, à distance raisonnable de l'exécutif et du pouvoir législatif. Parmi les seize pays retenus, certains retiennent l'attention du fait de leurs mauvais résultats. Parmi eux la Bolivie. Benoit Daviron et Thierry Giordano affirme (2006) :

Elle a sans doute été choisie pour des considérations stratégiques de sécurité, probablement sous la pression du NSC. (p.20)

Le bureau des directeurs possède d'une véritable marge de manœuvre pour choisir des pays qui ne remplissent pas les critères de sélection. Ce qui va à l'encontre de ce qui a été promis. Tout comme le pouvoir discrétionnaire du président. En 2006, le nombre de pays passe de seize à vingt trois. Parmi eux trois pays « à revenu moyen inférieur » : le Cap Vert, la Namibie et celui qui nous intéresse le Salvador. Le choix de ce dernier n'est pas anodin.

Le Millenium Challenge Account apporte aussi une nouveauté importante en ce qui concerne la conditionnalité. Si les plans d'ajustement structurel initiés par la Banque Mondiale nécessitaient une conditionnalité ex ante, avec ce programme nous passons à une conditionnalité ex post. En effet, alors que l'institution internationale demandait des engagements précis à accepter et à respecter, le Millenium Challenge Corporation demande elle aux pays candidats d'avoir déjà obtenu des résultats avant de pouvoir bénéficier de l'aide. Tout au long des années, la rhétorique du président Bush n'a pas évolué. Il insiste toujours autant en 2005 sur le caractère sécuritaire du Millenium Challenge Corporation. Il s'agit là d'insister sur le caractère intérieur de ce programme qui est très important. Il n'a été créé que pour assurer la sécurité des Etats-Unis. Le Millenium Challenge Corporation ne travaille ni avec l'USAID ni avec le Département du Commerce par exemple.

2.3. Un bilan mitigé

Lors de sa présentation, le Millenium Challenge Account a été présenté comme une réforme d'envergure qui allait totalement remettre à plat l'aide publique au développement de Washington, tant dans sa philosophie qu'au niveau des structures ayant en charge sa mise en oeuvre.

La question essentielle qui nous intéresse dans l'étude du Millenium Challenge Account en tant que politique publique est de savoir s'il a atteint ses objectifs. Objectifs assignés au final autant par l'exécutif que par le Congrès. Mais au préalable il est nécessaire de se demander si les objectifs définis étaient pertinents et réalistes. Nous nous demanderons également si les moyens mis en oeuvre sont en adéquation avec les fins. Sont-ils suffisants en vue d'atteindre les objectifs fixés au départ par le président Bush Jr ? Cette question est essentielle et doit se poser pour chaque politique publique analysée. Et d'autant plus quand on connaît l'ambition affichée par l'exécutif américain au départ.

Néanmoins, les contraintes de différents types, tant au plan intérieur que celles provenant de l'extérieur, font que quasiment dès les débuts de sa mise en œuvre les objectifs ont été revus à la baisse. Les critères d'évaluation choisis par le Millenium Challenge Corporation en vue de déterminer les pays éligibles au Millenium Challenge Account sont au nombre de trois : « gouverner loyalement »,« investir dans le capital humain » et garantir la liberté économique ». A l'intérieur nous retrouvons des sous catégories comme le contrôle de la corruption et le respect des libertés civiques au sein de la première, le niveau des dépenses d'éducation et de santé dans la deuxième, et le taux d'inflation, le niveau de déficit et la politique commerciale définie pour la troisième. Les sources chiffrées sont en grande partie fournies par les institutions de Bretton Woods (Fonds Monétaire International et Banque Mondiale) et les institutions dépendantes de l'ONU comme l'OMS et l'UNESCO).

De plus, est-il réellement nécessaire de s'attarder autant sur les moyens sans tenir compte des résultats obtenus ? Mesurer les résultats est bien plus complexe que mesurer de manière bureaucratique la dépense. La mesure des résultats est plus difficile mais bien plus utile car elle montre la pertinence des choix du pays donateur et les bienfaits pour le pays receveur, alors que la mesure de la dépense ne démontre que le coût budgétaire consenti par le pays donateur. L'efficacité et l'efficience du programme se mesurent bien évidemment bien plus par ses résultats obtenus que par les éléments financiers consentis. Ces derniers ne sont que des moyens. Malheureusement, depuis un demi-siècle, la quasi totalité des programmes d'aide publique au développement ne se sont attachés qu'aux moyens budgétaires mis en oeuvre par les pays donateurs. On sait que le Millenium Challenge Account a engendré la création d'une nouvelle ligne budgétaire et la création d'une société, la Millenium Challenge Corporation, visant à la gérer. George Walker Bush avais promit 5 milliards de dollars entre 2002 et 2006 ce qui est un montant considérable. Il s'agit là du projet de déblocage de fonds pour l'aide publique au développement le plus important depuis le Plan Marshall et l'Alliance pour le Progrès. Lorsque les seize indicateurs ont été déterminés et classés à l'intérieur des trois familles, la majorité des économistes a été surprise par ces choix et les réformes prioritaires demandées aux pays bénéficiaires de l'aide. Si le principe d'appropriation, « ownership », a été placé au cœur du fonctionnement du Millenium Challenge Corporation, il sert dans les faits à éviter l'intrusion du Congrès dans l'affectation des crédits, qu'une appropriation réelle des fonds par les Etats bénéficiaires. Benoit Daviron et Thierry Giordano ont recensé « les avantages et les inconvénients du MCC ». Parmi ce qu'ils considèrent être des avantages il y a le délai rapide pour la signature des contrats qui se situe en moyenne à six mois, l'approche par projets qui permet d'avoir des résultats précis, le financement sous forme de dons et non de prêts et sa coordination avec l'USAID et la Banque Mondiale, ainsi que le choix des indicateurs. En ce qui concerne les inconvénients ils retiennent les grandes prises de risque, des financements trop faibles et le choix de la fongibilité, ainsi que le fait qu'aucun financement n'ait été fait pour la santé, l'éducation et la technologie. A cela s'ajoute une distorsion frappante, et présente dès le départ, entre les moyens alloués et votés par le Congrès et les besoins réels afin d'atteindre les fins espérées. 3 milliards de dollars sont nécessaires alors que le Millenium Challenge Corporation ne dispose en réalité que de 2,8 milliards de dollars.

Une des contraintes internes qui est le pouvoir du Congrès explique cette différence importante entre les moyens espérés et les moyens réellement alloués. Dans le système institutionnel américain qui est un régime présidentiel avec séparation stricte des pouvoirs, telle que théorisée par Montesquieu, le pouvoir législatif a un rôle très important. Aucune somme ne peut être débloquée sans un vote de chacune des deux chambres.

Cela nous amène à élargir notre réflexion et à réfléchir à la spécificité de la politique étrangère comme politique publique. Si pour chaque politique publique il y a la contrainte du vote de l'allocation budgétaire par le pouvoir législatif, il y a dans le cas de la politique étrangère des contraintes externes comme nous l'avons déjà décrit. Ces dernières sont difficilement prévisibles au moment de la conception du programme car elles ne sont pas inscrites dans des principes institutionnels ou connus comme dans le cas des groupes de pressions des communautés latinos. Elles dépendent à la fois des diplomaties des Etats latino-américains, qui souhaitent de plus en plus montrer leur autonomie vis-à-vis de Washington, et des puissances mondiales (comme la Chine) qui veulent s'implanter au sein du continent et qui vont alors proposer d'autres types d'aides ou des investissements à moyen ou long terme dans ces Etats ciblés par le Millenium Challenge Account.

Une fois que l'on a mis en avant cette spécificité de la politique étrangère comme politique publique, on peut légitimement se demander si les fins espérées ne sont pas trop ambitieuses lorsqu'elles sont mises face aux moyens alloués. L'addition de deux imprévus ou impensés que sont l'allocation de moyens plus faibles qu'espérés et des contraintes externes élevés, font qu'il est dès le départ très difficile pour ce nouveau programme qu'est le Millenium Challenge Account d'atteindre les objectifs qui lui ont été fixés en tant que politique publique. De plus, il a engendré un changement d'approche important pour la mise en oeuvre des moyens. Jusque là les ONG étaient privilégiées alors qu'avec le MCA, le Millenium Challenge Corporation préfère négocier directement avec les Etats. Cela a amené Condoleeza Rice en 2006 a annoncé la création d'un réseau d'experts qui devront regrouper leurs expériences.

Le but réel étant la rationalisation des moyens en identifiant les savoir faire disponibles au sein de l'appareil administratif américain. Ce réseau est appelé « Response Corps » et est géré par le Département d'Etat. Il est important de noter qu'à partir de janvier 2005 Condoleeza Rice n'est plus à la tête du National Security Council mais à la tête du Département d'Etat.

Une autre difficulté apparaît pour une mise en oeuvre réussie du Millenium Challenge Account, il s'agit de la création de la « Threshold Program » ou programme de seuil. Ces derniers permettent d'aider les pays proches des critères de sélection du Millenium Challenge Account et les ayant ratés de peu. On peut considérer cette création comme une entorse supplémentaire aux objectifs fixés au départ par le président Bush Jr.

Lorsque l'on ajoute les « innovations » qui apparaissent petit à petit dans la mise en oeuvre du Millenium Challenge Account, on peut douter que les objectifs puissent être atteints. Et ce sans prendre en compte la spécificité de la politique étrangère comme politique publique comme évoqué plus haut. Les différents facteurs de la politique publique ne cessent de bouger sans qu'à aucun moment les moyens ou les fins ne soient réévalués. Il est donc, à partir de ce moment là, difficile d'évaluer une politique publique en termes d'efficacité et d'impact lorsque l'on sait que les éléments clés qui la composent sont « mouvants » et quelque part imprécis.

Si l'on doit évaluer ce programme, on peut se demander si le nombre de critères nécessaires pour pouvoir y prétendre n'est pas trop élevé. Il y a, outre le critère de revenus, seize indicateurs de performance auxquels il faut répondre positivement, promouvoir la liberté économique sur son territoire et investir dans sa population. Enfin, les dirigeants du Millenium Challenge Corporation ont la possibilité d'émettre un choix purement stratégique. Cela explique considérablement le choix des pays bénéficiaires et nuit à la clarté des décisions. On finit même par se demander si le fait que l'équipe de direction du Millenium Challenge Corporation puisse choisir de manière discrétionnaire des pays, pour des raisons purement géostratégiques, ne finit pas par l'emporter dans un très grand nombre de cas. D'ailleurs, il faut préciser, pour ajouter au caractère unique du Millenium Challenge Account, qu'il y a un privilège pour les gestionnaires de ce programme qui est qu'en fin d'exercice budgétaire ils n'ont pas à rétrocéder leurs reliquats budgétaires. Cela remet en cause le principe d'annualité budgétaire. Une évaluation annuelle de ce programme perd alors tout son sens au profit d'une évaluation pluriannuelle.

3. Les considérations géopolitiques du MCA

3.1. La marginalisation de l'Amérique Latine

Nous devons également nous poser la question du nombre de pays retenus et de la place de l'Amérique latine dans ce dispositif. Le Millenium Challenge Corporation n'a cessé au cours des années d'élargir le nombre de pays retenus et éligibles. Mais le poids de l'Amérique latine semble faible lorsque l'on voit le peu de pays retenus : Honduras, Salvador, Nicaragua et Bolivie. Il s'agit là d'un indice démontrant quelles sont les priorités de Washington en terme diplomatique. Les Etats d'Amérique latine ayant raté de peu l'éligibilité sont eux aussi peu nombreux. Seuls deux sont retenus pour le programme de seuil ou « Threshold Program » : le Paraguay et Guyana. D'ailleurs, si l'on se fie aux données de l'OCDE, les montants attribués par Washington pour l'Amérique du Sud en 2003-2004 ne représentent que 9,5% de l'aide publique au développement bilatéral américain par grandes zones géographiques. Ils atteignent 14,3% si l'on y ajoute l'Amérique centrale.

Ce total est faible quand on sait que le Moyen Orient reçoit 24% de l'aide et l'Afrique 36%. Ces données permettent de comprendre clairement où sont les priorités diplomatiques, économiques et militaires des Etats-Unis. Même l'Asie du Sud et l'Asie centrale obtiennent plus avec 16% de l'aide publique au développement. Il est utile d'observer que le pourcentage d'aide attribué à l'Amérique latine dans son ensemble a considérablement diminué puisqu'il représentait 23,9% de l'aide publique au développement dix ans auparavant en 1993-1994 alors que l'Asie du Sud et l'Asie centrale n'obtenaient que 9,8% à cette même date. Les chiffres pour l'Afrique sont passés de 31,3% à 36%, alors que ceux pour le Moyen Orient n'ont quasiment pas bougé en une décennie, passant de 24,3% à 24%95.

En affinant notre recherche on remarque également que les pays aidés ont eux aussi changé en partie en dix ans. Si la Bolivie et le Pérou sont toujours aidés à des niveaux semblables entre 1993-1994 et 2003-2004, le Salvador, Haïti et la Jamaïque disparaissent de l'aide publique américaine est à un niveau très proche du Pakistan (et de ses 3%), de l'Afghanistan et de la Jordanie (avec respectivement 3,3% et 3,4%).

Le Millenium Challenge Account est utilisé par les Etats-Unis comme un instrument d'influence au sein de leur politique étrangère. Il s'agit en fait d'une preuve du soft power américain tel que la définit Joseph Nye lorsqu'il écrit (2004) :

L'aptitude à obtenir ce que l'on veut par l'attraction plutôt que par la coercition ou la récompense. (p.144)

L'objectif de Washington est clair. Il faut soutenir un certain nombre d'Etats en difficulté à engager des réformes structurelles afin qu'ils se développent et adhèrent définitivement aux valeurs de démocratie et de libéralisme économique.

3.2. Les pays latino-américains bénéficiaires : conséquences des décisions stratégiques de Washington

Mais revenons à l'évaluation du Millenium Challenge Account en tant que politique publique. Ce programme ne peut se borner à n'être qu'une succession de données chiffrées lorsque l'on connaît les intérêts diplomatiques qui dictent la sélection de certains pays, qui a priori ne devaient pas en bénéficier. De plus, la concurrence de fait avec l'USAID remet en cause l'efficacité et l'efficience du Millenium Challenge Account comme politique publique. L'architecture globale de l'aide publique au développement américaine doit être remise à plat. Surtout si l'on ajoute à cela les pressions du Pentagone sur toutes les questions d'aide publique au développement liées à celles de sécurité nationale. Et dans ce cas, le Millenium Challenge Account est directement visé puisque Georges W. Bush a plusieurs fois répété le caractère sécuritaire de ce programme.

Il s'agissait d'ailleurs de son argument numéro un devant le Congrès pour que celui ci accepte la création d'une nouvelle ligne budgétaire dans un contexte de déficits publics et de dette élevée. Cette volonté du Pentagone de planifier l'ensemble de l'aide publique au développement et de privilégier les aspects sécuritaires comme la consolidation des frontières et les projets de reconstruction engendre mécaniquement une priorité donnée au continent africain. L'Amérique latine dans sa globalité est mise de côté. Seuls quelques Etats d'Amérique Centrale, ceux que nous avons cités, et la Bolivie sont intégrés à ce nouveau programme qu'est le Millenium Challenge Account. Là encore le choix de ces pays répond à des choix géostratégiques, eux-mêmes dictés en grande partie par des raisons sécuritaires. Précisons en ce qui concerne la Bolivie que l'exécutif américain a suspendu en 2008 les préférences commerciales dont elle jouissait grâce à l'Andean Trade Promotion and Drug Eradication Act. Le motif de cette sanction est que malgré les exigences de l'Administration Bush, les récoltes de coca ont augmenté de 5% cette année là, selon un rapport onusien.

Conclusion

Le Millenium Challenge Account s'était donné pour ambition d'aider les pays retenus à se développer économiquement. Son évaluation à la fin des deux mandats de George W. Bush démontre que la complexité des critères de sélection, à laquelle s'ajoute les contradictions de départ des objectifs fixés par le National Security Council font que ce programme d'aide ambitieux n'a pas atteint les objectifs fixés. Le président américain avait un projet ambitieux et historique qui était de déconnecter l'aide publique au développement des intérêts diplomatiques et stratégiques américains. Objectif intenable lorsque l'on sait que ce type d'aide est un instrument d'influence au niveau de la politique étrangère de la part des pays du Nord. De plus, en précisant lui même dans ses premiers discours concernant le Millenium Challenge Account que l'intérêt principal de ce nouveau programme était d'assurer la sécurité des Etats-Unis (ce qui était primordial en vue de s'assurer un vote positif du Congrès), il a de ce fait même implicitement lié ce programme d'aide à des questions stratégiques. En effet, comment expliquer qu'un nouveau programme avec des implications sécuritaires fortes et nécessaires sans prendre en compte l'avis ou en ayant l'appui de ces mêmes pays « partenaires». Des considérations stratégiques rentrent alors de facto dans la balance. Pourquoi aider tel pays et non tel autre?

Aider au développement économique de tel pays d'Amérique latine, par exemple, plutôt que tel autre ne peut se faire qu'en réfléchissant aux implication géostratégiques que cela engendre un autre souci de départ concernant le Millenium Challenge Account et les objectifs qui lui ont été assignés vient des objectifs de développement économique ambitieux qui lui ont été donnés. Ils ont certainement été trop ambitieux par les délais très courts qui lui ont été demandés. Réorganiser l'économie et réformer en profondeur les structures d'un pays en développement ou en voie de développement ne peut se faire de l'extérieur. Le programme fixait dès le départ un grand nombre de critères de sélection et des indicateurs déterminés à l'avance par le National Security Council et le Congrès. A aucun moment les Etats partenaires et bénéficiaires n'ont eu leur mot à dire et n'ont été consultés.


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