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Revista Derecho del Estado

Print version ISSN 0122-9893

Rev. Derecho Estado  no.53 Bogotá Sep./Dec. 2022  Epub Jan 15, 2023

https://doi.org/10.18601/01229893.n53.10 

Artículos

Le multiculturalisme latino-américain. Esquisse des enjeux d'un "construit" juridique, politique et idéologique**

Latin American Multiculturalism. Sketch of the Stakes of a Legal, Political and Ideological "Construct"

*Enseignant à la l'Université Catholique de Lyon, Faculté de Droit. Doctorant en Droit, Mention Droit international, européen et comparé (Université Jean Moulin, Lyon 3). e-mail : pjeanbaptiste@univ-catholyon.fr ORCID ID: 0000-0002-9031-0947.


RÉSUMÉ

À travers une notion œcuménique tel le "multiculturalisme" où différentes politiques concernant des enjeux différents ont été rassemblées, l'expérience récente latino-américaine se veut avant-gardiste dans au moins deux aspects. À la nécessité, d'une part, de dépasser la classique fondation État-Nation, les États latino-américains tentent, au nom de plus d'équité et d'égalité, des "gnoses" multiculturelle, multiethnique et plurinationale de l'État. Ces perspectives ne donnent pas moins de vertiges car empêtré dans une "décolonialité inachevée". D'autre part, c'est dans une (re)conceptualisation de l'universalisme que l'intense créativité sud-américaine offre de nouvelles perspectives relativement au potentiel universel des droits et de la revitalisation des liens indissociables entre politique de reconnaissance et justice sociale ...

MOTS-CLES: Multiculturalisme; multiculturalisme latino-américain; multiculturalisme ordinaire; multiculturalisme radical; décolonialité; décolonialité inachevée; multiethnique; plurinational; universalisme; relativisme; droits; politique de reconnaissance; justice sociale

ABSTRACT

Through an ecumenical notion such as "multiculturalism", where different policies concerning different issues have been brought together, the recent Latin American experience is avant-garde in at least two aspects. On the one hand, in response to the need to go beyond the classic Nation-State foundation, Latin American States are attempting, in the name of greater equity and equality, multicultural, multi-ethnic and plurinational "gnosis" of the State. These perspectives are no less dizzying because they are entangled in an "unfinished decoloniality". On the other hand, it is in a (^conceptualisation of universalism that the intense South American creativity offers new perspectives on the universal potential of rights and the revitalisation of the inseparable links between the politics of recognition and social justice ...

KEYWORDS: Multiculturalism; Latin American multiculturalism; ordinary multiculturalism; radical multiculturalism; decoloniality; unfinished decoloniality; multiethnic; plurinational; universalism; relativism; rights; politics of recognition; social justice

RESUMEN

A través de una noción ecuménica como la de "multiculturalismo", en la que se han reunido diferentes políticas relativas a distintos temas, la reciente experiencia latinoamericana es vanguardista al menos en dos aspectos. Por un lado, en respuesta a la necesidad de superar el fundamento clásico del Estado-nación, los Estados latinoamericanos están intentando, en nombre de una mayor equidad e igualdad, "gnoses" multiculturales, multiétnicos y plurinacionales del Estado. Estas perspectivas no son menos vertiginosas porque están enredadas en una "descolonialidad inacabada". Por otro lado, es en una (re)conceptualización del universalismo donde la intensa creatividad sudamericana ofrece nuevas perspectivas sobre el potencial universal de los derechos y la revitalización de los vínculos inseparables entre la política de reconocimiento y la justicia social.

PALABRAS CLAVE: Multiculturalismo; multiculturalismo latinoamericano; multiculturalismo ordinario; multiculturalismo radical; descolonialidad; descolonialidad inacabada; multiétnico; plurinacional; universalismo; relativismo; derechos; política de reconocimiento; justicia social

SOMMAIRE

Introduction. 1. La constitutionnalisation de la montée en puissance du fait indigène. 1.1. Le paradigme de l'État multiculturel ou le multiculturalisme ordinaire. 1.2. Le paradigme de l'État plurinational ou la version radicale du multiculturalisme. 2. La renaissance indigène comme une "décolonialité inachevée". 2.1. La "décolonialité", une épistémologie ouverte. 2.2. Le multiculturalisme latino-américain en tant qu'expression d'une décolonialité inachevée. 3. Le multiculturalisme : entre (re)conceptualisation des droits et revitalisation de la justice sociale. 3.1. La problématique indigène : un horizon ouvert du potentiel universel multiple des droits de l'homme. 3.2. L'introuvable frontière entre reconnaissance culturelle et justice sociale. Conclusion. Bibliographie.

"No se trata de tener derecho a ser iguales, sino de tener igual derecho a ser diferentes"1

INTRODUCTION

La fameuse "découverte" de l'Amérique en 1492 fut pour les "amérindiens" le début d'une violence génocidaire. Considérés comme des sauvages par les conquérants, la disparition dont les peuples amérindiens furent l'objet emporta également leurs structures sociales et culturelles ; l'effondrement des grands empires précolombiens fut planifié2. Par-dessus tout, cette violence des circonstances allait léguer aux nouvelles communautés politiques et culturelles l'étroite alternative exclusion ou assimilation dans l'appréhension de la question de l'autochtonie. En effet, une relation déséquilibrée continue, assez protéiforme, entre autochtones et non-autochtones a marqué la structuration sociale et culturelle dans les Amériques. Toute une sémantique témoigne du traitement spécifique, historique et marginal de l'autochtone dans la région: el aborigen, el indio, el indígena, el originario, el nativo, el campesino3. Pendant longtemps, l'autochtone et tout ce qui le symbolise ont été culturellement opprimés4. Cela, par le truchement de l'idéologie de "l'infériorité naturelle des indiens" et du concept juridique de tutelle indigène qui ont servi à stabiliser le modèle de la subordination indigène au fil du temps5.

Cependant, aujourd'hui, si la marginalisation de l'autochtone n'est pas révolue, de l'eau a coulé sous les ponts, sous les demandes réitérées de justice et d'équité. À la suite d'âpres luttes et mouvements sociaux, les sociétés latino-américaines ont pris conscience de leur diversité. Une conscience multiculturaliste, entendue comme conscience des spécificités culturelles, semble s'aiguiser en Amérique latine. Avec une situation démographique non négligeable, d'environ 40 millions d'indigènes vers la fin du 20ème siècle6 à environ 55 millions en 20 207. De plus, de façon générale, les peuples indigènes de la région démontrent l'importance de leur présence territoriale et démographique, répartis non seulement dans les zones rurales, mais aussi, et de façon accélérée, dans les centres urbains des grandes et moyennes villes8. Par ailleurs, nombre de langues indigènes sont toujours pratiquées -certains États leur ayant reconnu le statut de langues officielles à côté de l'espagnol. Si ces langues ont été maintenues dans la domaine quotidien et familial, il est assez significatif de relever qu'elles ont, quoique de façon minoritaire, également acquis certains espaces publics9. Leur usage a été en effet impulsé par des réformes éducatives, mettant l'accent sur l'interculturel et le bilinguisme10. Par ailleurs, on observe une volonté de plus en plus forte visant à préserver et valoriser les cultures indigènes et une persistance de certaines de leurs pratiques religieuses dans un sous-continent profondément chrétien11. Ainsi, a-t-on pu parler de "retour des peuples indigènes en Amérique latine", de "réveil des Amérindiens"12, ou mieux de "renaissance des Indiens d'Amérique"13. Tout se passe comme si l'ancienne vision indigéniste, caractérisée par l'intégrationnisme et le paternalisme avait cédé, peu à peu, le pas à de nouvelles politiques basées sur la participation, la concentration d'intérêts et la promotion de formes de développement des peuples indigènes en accord avec les grands objectifs du développement national14. Considéré comme un "retour aux cultures"15, ce phénomène a pris une importance internationale aux répercussions considérables dans les sphères juridiques charriant également de nouveaux phénomènes politiques et des approches économiques alternatives16.

Nonobstant que l'évaluation profonde de la situation actuelle des minorités ethniques en Amérique latine peut pondérer l'enthousiasme, il n'est pas moins vrai que leur situation se soit un peu améliorée. Les améliorations obtenues, souvent certes plus significatives sur le plan normatif que sur celui des réalisations pratiques17, sont l'expression d'une véritable amorce d'un changement de paradigme. Une ère de multiculturalisme s'est ouverte dans les Amériques où l'ethnicité fait partie des nouvelles questions sociales. L'intérêt de cet article est de relever quelques spécificités latino-américaines en la matière. En effet, le terme multiculturalisme est souvent évoqué dans des caractéristiques estampillées expériences canadienne, états-unienne ou australienne, qui aujourd'hui ne suffisent pas, par-delà les expériences "d'au-delà" de la notion. Si l'usage de la notion, relativement récente en Amérique latine (vers la fin des années 1980), s'est greffé sur "une trajectoire longue, composée de manières successives d'aborder l'hétérogénéité culturelle", il existe de "forts décalages tant chronologiques que sémantiques entre pays"18. Si le pointillisme analytique s'impose, il n'est pas impossible de relever certaines tendances de fond bien évidement variant d'une période à une autre et d'un espace à un autre. Généralement, le terme multiculturalisme a été utilisé en référence à trois questions différentes: l'existence de cultures multiples, l'idéologie du respect et de la coexistence de cultures multiples, et une politique mise en œuvre par les gouvernements, surtout en ce qui concerne les migrants19.

Très globalement, nous entendons par multiculturalisme "un projet de reconnaissance "équitable" d'individus et de collectivités historiques dans l'espace public visant à prendre en compte le pluralisme culturel, ainsi que les rapports entre majoritaires et minoritaires, à l'intérieur d'une perspective d'égalité et de justice sociale"20. Cette définition est suffisamment abstraite pour ne pas nier l'élasticité des phénomènes que recouvre ce terme. Le multiculturalisme est en effet pluriel dans sa construction. C'est en effet un terme à connotation œcuménique en ce sens qu'il rassemble, dans ses usages, "différentes politiques qui concernent en fait des problèmes différents"21. Une telle versatilité est perceptible dans la myriade des adjectifs souvent affublés à la notion: multiculturalisme radical, différentialiste, conservateur, libéral, démocratique, essentialiste, etc. Une explication tient aux multiples fondements philosophiques ainsi qu'aux options idéologiques variées sur lesquels peuvent se fonder les revendications multiculturalistes22. Ainsi, c'est dans la contestation de l'assimilationnisme et du néolibéralisme que la question multiculturelle en Amérique latine s'est orientée sur la question ethnique et l'injustice économique et sociale dont ont longtemps fait objet les minorités ethniques. Dans cette perspective, la question multiculturelle offre un complexus, i.e, un pliage d'ensemble, un tricotage mêlant à la reconnaissance de la dignité culturelle les questions de droits de l'homme, et de lutte contre les inégalités économiques23. C'est particulièrement dans son rapport à la question des droits de l'homme et ses succédanés que le projet multiculturaliste latino-américain, en tant que gestion politique de particularismes, mérite d'être sondé, alors que le premier prône a priori un certain universalisme. Il s'agira de chercher à cerner la portée réelle de cet entrelacement mais surtout les ressorts (théoriques et/ou idéologiques) par lesquels la question indienne a pu être le fer de lance de ce multiculturalisme souscontinental, en mettant l'accent sur les principales dynamiques, notamment juridiques (les "usages politiques du droit"), qui sont à l'œuvre (internes externes) et en regardant les objectifs, les ressources et les contraintes des acteurs principaux. En effet, le sous-continent, depuis quelques années, connait une séquence historique d'une intense créativité juridique, politique, sociale et culturelle.

Fort de ces considérations, nous essayerons de démontrer que la forme juridique du multiculturalisme latino-américain (1) a comme sous-bassement idéologique une "décolonialité inachevée" (2), mais qui malgré tout, dans son dynamisme politique, porte un particularisme garant de l'universalisme où la question ethnique est indissociable de la question sociale (3).

1. LA CONSTITUTIONNALISATION DE LA MONTEE EN PUISSANCE DU FAIT INDIGENE

Au tournant des années 1980-1990, l'Amérique latine a amorcé une intense mutation juridico-politique, constitutionnelle notamment. La grande majorité de ces États se sont alors redéfinis comme formant des nations multiculturelles, pluriculturelles et/ou multiethniques ou de manière plus récente plurinationaux. Notons qu'à la même période, des 14 premiers États ayant ratifié la Convention 169 de I'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux (1989), 10 furent de l'Amérique latine24. Ce révisionnisme constitutionnel a comme cadre contextuel une accélération du processus de mondialisation et la sortie des dictatures (phénomène plus connu sous le nom de "transition démocratique")25. Plus précisément, si le premier moment de ce "neoconsti-tutionnalisme"26 a été marqué par le débat sur les formes de passage de régimes dictatoriaux aux régimes démocratiques, à partir de la seconde moitié des années 1990, les énergies constitutionnelles se sont focalisées sur les formes de reconnaissance des droits indigènes ou de la diversité ethnique en général dans le cadre des Chartes fondamentales27. Conséquence d'un long processus de prise de conscience de la situation de vulnérabilité (politique, économique, culturelle et sociale) des minorités ethniques, l'"émergence indigène" entrecroise des revendications de droits individuels classiques (en tant que personne humaine) et également un ensemble de droits collectifs qui définissent les minorités ethniques comme peuples28. Si on ne doit pas occulter que l'expérience dans ses variantes locales présente une intensité différente d'un État à un autre, il n'en demeure pas moins qu'elle s'est reflétée dans toute la région. On a ainsi observé une version ordinaire du multiculturalisme (1.1) faisant place à une version radicale émergeant (1.2).

1.1. Le paradigme de l'État multiculturel ou le multiculturalisme ordinaire

La mobilisation indigène a été déterminante dans les transformations juridiques et politiques qui ont pris forme au sortir des dictatures en Amérique latine. Le nouveau constitutionnalisme latino-américain et le paradigme multiculturel qui en résulte est, dans ce sens, fruit de mouvements sociaux, notamment indigènes29. Conséquence de l'indigénisme politique, plusieurs constitutions confèrent aux minorités ethniques, dans les États où elles sont présentes, un statut qui garantit à leurs membres une "citoyenneté spécifique", à travers la reconnaissance du multiculturalisme30.

Ainsi, avant l'adoption de la Convention 169 de l'on (1989) sus-indiquée, le Guatemala (1985)31, le Nicaragua (1987)32 et le Brésil (1988)33 dans leurs nouvelles constitutions ont amorcé la tendance dans la région en reconnaissant et en protégeant la diversité culturelle indigène.

Dans les années 1990, soit après la Convention 169 de I'OIT, plusieurs constitutions latino-américaines reconnaissent la réalité pluriculturelle et multiethnique de l'État et certaines formes d'autonomie locale qui incluent la possibilité d'exercer des fonctions juridictionnelles dans le cadre de cette autonomie en conformité aux normes coutumières34. En effet, ces États d'Amérique du Sud reconnaissent, au niveau constitutionnel, ces peuples comme des sujets collectifs de droits fondamentaux35 en leur consacrant un ensemble de droits de droits politiques de participation, de demande d'autonomie, en rapport avec leurs territoires et leurs ressources naturelles. Ce qui inclut également une reconnaissance de droits à caractère linguistique et culturel. Une telle perspective cherche à repenser l'ancien modèle assimilationniste postcolonial. La diversité culturelle, le pluralisme sont convertis en principes constitutionnels en vue de fonder les droits des minorités ethniques. Le droit n'est plus considéré comme exclusivement produit par les appareils étatiques.

De telles inscriptions sur la nature pluriculturelle, multiculturelle ou multiethnique de l'État sont répertoriées, au cours de la décennie 1990, dans les Constitution d'autres États: la Colombie (1991)36, le Mexique (1992, 2001 et 2011)37, le Pérou (1993)38, la Bolivie (1994)39, la Équateur (1998)40. Le dénominateur commun de ces expériences tient dans l'idée que les peuples indigènes sont une catégorie spécifique nécessitant un statut particulier et des politiques spécifiques face à une culture nationale hégémonique. Cette reconnaissance de nouveaux droits et garanties a permis l'émergence d'un nouveau sujet juridique collectif, un nouveau type de citoyen qui implique "un nouveau type de communauté politique, un nouveau sujet pour un nouveau contrat social multiculturel"41.

Cependant, si bien ces réformes constitutionnelles ont apporté la reconnaissance formelle des peuples indigènes et des minorités jusque-là marginalisés, paradoxalement, elles sont accompagnées de politiques néolibérales, axée sur la privatisation, dans le cadre du "Consensus de Washington"42, dont l'impact sera inscrit en porte à faux à la question indigène. Les mesures néolibérales dans leur échec de transformations des structures monoculturelles et hégémoniques des États sont devenues un frein à cet élan de concrétisation du nouveau paradigme multiculturel. Pour ne prendre qu'un exemple, les activités d'extractions des sociétés transnationales installées sur les territoires des autochtones, a donné lieu à de nouvelles formes de spoliation semblables à celles du xixe siècle. Le changement constitutionnel n'a pas rimé pas avec un changement d'états des choses. Le rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits indigènes, Rodolfo Stavenhagen (2006) parle d'un "manquement aux obligations" (un "écart d'exécution"), constatant, entre autres facteurs, la distance entre les dispositions constitutionnelles sur les peuples indigènes et les dispositions légales réglementaires en vigueur, l'absence de mécanismes pour rendre exigibles les droits reconnus constitu-tionnellement, et le manque de ressources ou de volonté pour impulser des politiques publiques allant dans le sens de ces idéaux. À ce sujet, la tendance a été catalogué de "constitutionnalisme multiculturel libéral". L'adoption simultanée d'approches néolibérales et de celle de droits indigènes dans les Constitutions, entre autres facteurs, a eu pour conséquence de "neutraliser les nouveaux droits conquis"43. C'est dans la perspective de dépasser ces limites que les expériences bolivienne et équatorienne vont franchir un pas vers une version plus radicale du multiculturalisme: l'État plurinational.

1.2. Le paradigme de l'État plurinational ou la version radicale du multiculturalisme

Les constitutions équatoriennes et boliviennes, respectivement 20 octobre 2008 et 25 janvier 2009 inscrivent le multiculturalisme dans une nouvelle narration. Un trait commun de ces deux expériences, fort différentes en de multiples aspects, a été la représentation indigène dans les assemblées constituantes et la ratification du nouveau texte par référendum. En plus, ces deux nouvelles Constitutions se sont vues grandement influencées par la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Indigènes, approuvée par son Assemblée générale en 200744. Elles sont présentées comme des constitutions du "socialisme du xxième siècle" qui diffèrent à la fois du libéralisme et du socialisme réel45. En ce qu'elles sont relativement récentes, ces constitutions échappent en quelque sorte à la question de la transition démocratique. Elles sont marquées par "la recherche affichée d'instaurer de nouvelles formes de démocratie laissant une place aux réalités culturelles, sociales et économiques des pays"46.

Le modèle d'État campé par ces constitutions se présente comme un dépassement de l'État-nation en reconnaissant la diversité des peuples et des nations et en définissant les États comme plurinationaux, sans remettre en cause l'unité de l'État47 (art. 1 des deux Constitutions)48. La plurinationalité se manifeste en Bolivie aussi par l'incorporation dans la structure et l'organisation fonctionnelle de l'État à travers une Assemblée législative plurinationale, avec des circonscriptions spéciales indigènes et avec la participation proportionnelle des nations et des peuples indigènes originaires paysans (art. 145-147). S'y trouvent également un organe judiciaire et un tribunal constitutionnel avec ce même caractère et composition, avec la représentation de ces peuples (art. 178). Les deux Constitutions reconnaissent les systèmes de justice indigène et leur administration par les autorités indigènes conformément à leur droit coutumier.

Dans cette perspective, le paradigme de l'État plurinational se définit dans sa redéfinition des relations entre l'État et ces populations autochtones historiquement marginalisées49. Le Président équatorien, Rafael Correa, a clairement déclaré que l'État plurinational n'est ni plus ni moins que "la reconnaissance de plusieurs nationalités dans une seule République" (Noticiero RTS. 1-III-10). La plurinationalité apparaît ainsi comme "un acte de reconstitution et/ou de construction d'une nouvelle forme d'organisation économique, politique, éthique et sociale"50. Il y a une quête de sens, en rupture à l'homogénéisation culturelle, économique, politique et sociale dominante. L'État est à considérer non pas seulement comme une mosaïque de peuples et de nationalités mais bien plus comme "une sorte de Kaléidoscope (géo)politique intégrant différents peuples et nations qui permet de combiner différents concepts de la nation dans un seul et même État"51. Les deux Constitutions définissent l'interculturalité comme forme relationnelle entre les peuples différenciés composant les États. On dit à cet égard qu'il y a une remise en question de la théorie constitutionnelle eurocentrique52.

Comme un "retour du refoulé" ou une sorte de "ruse de l'histoire", cette version radicale du multiculturalisme entend corriger les pathologies d'origine, en résistant au monisme juridico-étatique. Le principe du monisme juridique, cher aux États libéraux du xixe siècle, caractérisé par l'existence d'un système juridique unique et d'une loi générale pour tous, exclut le pluralisme juridique de l'idéologie de l'État-nation53. Car "les peuples autochtones sont reconnus non seulement comme des "cultures diverses" mais aussi comme des nations ou des nationalités originelles disposant de l'autodétermination ou de l'autonomie"54. Il s'agit de surmonter l'absence du pouvoir constituant autochtone dans le fondement républicain en contrecarrant la tutelle étatique dont ces minorités ont fait l'objet tout au long de l'histoire55. L'ambition est des plus démesurées. Il reste à voir la réalité des promesses accompagner ce bouillonnement constitutionnel plein de potentialités démocratiques. Néanmoins, comme le souligne Uprimny Rodrigo, malgré tous ses défauts, le constitutionnalisme latino-américain récent représente un effort non négligeable de créativité démocratique56. Ce tournant multiculturel est l'expression d'un mouvement idéologique qui interroge les narrations officielles de l'idée de nation pour célébrer constitutionnellement les différences ethno-culturelles.

2. LA RENAISSANCE INDIGENE COMME UNE "DECOLONIALITE INACHEVEE"

Tout le cheminement du multiculturalisme révèle des efforts en vue de trouver la bonne formule capable de permettre aux sociétés latino-américaines de générer leur développement par des dynamiques internes propres. Cet effort démontre, notamment avec la version radicale du multiculturalisme, trouver son soubassement idéologique dans ce qui est couramment appelé en Amérique latine: la décolonialité. En effet, les sociétés latino-américaines ont hérité de l'histoire coloniale un système d'ordre public porteur d'un type spécifique d'inégalité, basé notamment sur la filiation, le phénotype et les différences culturelles. Il y a dans ce leg une essentialisation et une hiérarchisation des différences. Si l'indépendance a valu abolition du système colonial officiel, toutes les sphères de la vie sociale ont été trempées dans une "normalité coloniale" (l'État colonial) qui a permis la persistance informelle, insidieuse ou même ouverte des dispositifs de la hiérarchie coloniale.

Ainsi, la décolonialité entend affranchir l'inconscient collectif de l'emprise coloniale (2.1). Si le multiculturalisme, notamment dans sa version radicale, s'apparente à une mise en œuvre du projet décolonial, en l'état, pris dans ses propres contradictions, la stratégie est limitée (2.2).

2.1. La "décolonialité", une épistémologie ouverte

La "décolonialité"57 renvoie conceptuellement à un ensemble de travaux critiques menés par un réseau d'auteurs du Groupe modernité/colonialité58. La théorie de la "colonialité du pouvoir", développée par le penseur et chercheur en sciences sociales péruvien Aníbal Quijano, étant au cœur du collectif en question.

Cette perspective, construite à partir d'épistémologies et d'horizons "autres", non-occidentaux59, distingue "colonialité"60 de "colonialisme". Dans le colonialisme, le colonisateur met en place une administration (coloniale) lui permettant d'exploiter les ressources locales61. Or, la fin du colonialisme n'amène pas directement celle de la "colonialité", en ce sens que cette dernière est "un type de pouvoir multiforme, hétérogène, et complexe: il consiste en une hétérarchie de relations de pouvoir qui se déploient au niveau mondial (selon des critères tout à la fois raciaux, sexuels, épistémiques, spirituels, linguistiques, pédagogiques, économiques, esthétiques, de genre, etc.) et s'imbriquent mutuellement dans le cadre d'un schéma global dans lequel l'Occident, reconnu supérieur, domine et exploite un monde non-occidental, jugé inférieur"62. La "colonialité" est alors le résultat de l'ethnocentrisme occidental prétendant gouverner l'être, la pensée et l'agir de l'humanité tout entière, dans une perspective de négation des autres cosmovisions. Il y a, pour reprendre un adage connu des études postcoloniales, un "passé qui ne passe pas"63. Il y a dans les études postcoloniales une remise en cause de "la centralité politique, scientifique, culturelle et plus largement épistémique de l'Occident" en cherchant à comprendre pourquoi la décolonisation de la pensée n'a pas accompagné les indépendances politiques64. Le philosophème envisagé campe ainsi une sorte de "critique de la raison coloniale"65.

Dans cette perspective, la "décolonialité" apparaît comme un effort de déconstruction en ce sens qu'elle va interroger les fondements occidentalo-centrés de la modernité. Cela, en essayant de se défaire de l'imaginaire colonial dans ses effets sur l'être, le pouvoir et le savoir. Il ne s'agit pas de remplacer le récit ethnocentrique occidental par un autre lui-même hégémonique, mais s'inscrit davantage dans un élargissement des perspectives par des combinaisons multiples avec d'autres expériences de vérité (au sens de H. G. Gadamer) du vécu humain. En cela, les tenants de la décolonialité parlent de "plurilogies", de savoirs "pluriversels" ou "multiversels". C'est un mouvement aux contours conceptuels amples. Ce n'est pas une épistémologie anti-occidentale, mais une épistémologie plus qu'occidentale. Elle intègre l'apport occidental pour le dépasser. C'est en cela nous la qualifions d'épistémologie ouverte. Il s'agit de camper l'être, sa pensée et le pouvoir dans la réalité d'une existence propre, d'un vécu singulier et non dans le cadre d'une "civilisation-reflet" venue d'ailleurs. Dans une telle perspective, le cadre de pensée est pluriel, le passé est lu, et réutilisé dans "un présent imprégné d'héritages multiples"66. L'enjeu principal réside dans des possibles ouverts par une telle perspective, car il s'agit de "penser en termes de totalité" sans arrêter de "perturber la pensée totalisatrice en faisant jouer des catégories non totalisantes"67.

On comprend dans cette perspective combien une telle orientation de la pensée fait écho au multiculturalisme en construction dans la région.

2.2. Le multiculturalisme latino-américain en tant qu'expression d'une décolonialité inachevée

Le lien évident du paradigme décoloniale à la question indigène, et par là à la problématique multiculturelle, renvoie à l'expérience des indigènes comme "des sujets subalternisés, à ces autres invisibles ou inventés"68. Leur réalité s'apparente à une perpétuation physique et symbolique de la conquête. Ainsi, l'adoption de la plurinationnalité apparaît comme un acte de justice post-colonial qui rompt à l'errance coloniale69. Il s'agit de casser la dichotomie civilisation-barbarie (synthétisant le vieux schéma monarchique et centralisateur) pour une nouvelle forme de coexistence librement déterminée, communautaire et interculturelle avec plus d'équité70. Ces constitutions sont définies comme décoloniales dans leur distance à la fois politiquement et épistémologiquement de la grammaire du constitutionnalisme classique71. Le projet d'Evo Morales, président de la Bolivie, était d'ailleurs "de décoloniser l'État"72. Comme le souligne W. Mignolo, "c'est en cela que résident les pensées décoloniales, nées comme des possibilités transformatrices et émancipatrices, des alternatives aux processus de la modernité coloniale et à leurs séquelles pour la construction de dialogues sociaux et interculturels, pour échanger des expériences et des significations, comme fondement pour des rationalités/autres"73. La constitutionnalisation du fait indigène ne porte pas en effet seulement un projet contre-hégémonique, elle charrie également un effort d'élaboration de vivre ensemble véritablement intégratif. La catégorie indigène, autochtone ou afro-descendante n'a jamais été évoquée pour remplacer le non-indigène, non autochtone ou non-afrodescendant. La dénonciation a beaucoup insisté sur le fait que "l'État colonial avait rendu invisibles d'autres formes d'organisation constitutionnelle que celles du Nord développé, notamment "les structures indigènes de pouvoir""74. On comprend bien pourquoi le nouveau constitutionnalisme est parfois présenté comme le paradigme juridique de la décolonisation75.

Seulement, une question reste non élucidée: la question de l'autonomie que l'on pourrait ou devrait reconnaître aux catégories indigènes76. En effet, l'autonomie peut être perçue du point de vue de l'État. Dans ce cas, elle est pensée avec les différents impératifs de légitimité et de gouvernance de celui-ci. Elle est renvoyée à une forme de réorganisation politique et administrative. Cette perspective est classique et connue: de la décentralisation ordinaire à des décentralisations poussées. Mais l'autonomie est pensable également du point de vue des indigènes, davantage liée à un projet politique contre-hégémonique qui peut nécessiter une réorganisation plus profonde de l'État ou sa désintégration même dans ses formes jusque-là connues. C'est en constatant l'incapacité du nouveau constitutionnalisme latino-américain à réaliser cette deuxième autonomie, ou de porter ce projet contre-hégémonique jusqu'au bout, que nous la qualifions de "décolonialité inachevée, imparfaite ou inaboutie". Cet inaboutissement est peut-être interne à tout multiculturalisme à dominance idéologique pensé à travers le dogme de l'État (substantiellement unitaire77). En vertu des conséquences juridico-internationales que consacre le droit à l'autonomie des peuples, les États restent prudents dans la reconnaissance pleine et entière de ce droit. Elle reste exigible tant qu'elle ne dépasse pas le projet national d'organisation sociale, politique et culturel. Autrement dit, elle reste un élément d'un ensemble national. Comme si les aspirations à l'autonomie restent formuler "dans le langage même qui a permis de les assujettir"78. L'État comme forme de l'exercice du pouvoir politique n'est pas dépassé. En même temps, la question demeure, jusqu'où peut conduire la concession de ces autonomies à un État qui se veut encore "un"? Soit l'État est l'horizon indépassable de la perspective multiculturaliste, soit la perspective décoloniale impose la nécessité de dépasser l'État comme lieu central du pouvoir politique, comme forme de référence de gouvernance. La perspective semble porteuse plus d'interrogations que de réponses.

Par ailleurs, tous les mouvements identitaires ne parlent pas le même langage revendicateur. Certains revendiquent une assimilation sans intégration et en même temps une autonomie sans indépendance (séparation). Logique indigéniste et logique d'État ne se rencontrent pas toujours, en raison de ce rapport problématique et pluriel que peuvent entretenir les mouvements identitaires à l'État. Le pluralisme (politique, juridique) ne trouve pas encore (pleinement) sa place parmi les concepts directeurs de l'État79. Dans la réalité, les États organisent et monopolisent toujours comme bon leur semble les concepts d'unité, de diversité et de nation80. D'ailleurs, trop souvent, la définition même des peuples indigènes ou peuples autochtones reste empreinte d'une connotation spéciale où "ces peuples, primo-habitants des terres conquises et colonisés par les puissances européennes, ont été et continuent d'être identifiés par rapport à ce moment précis, moment où l'histoire occidentale a heurté la leur"81.

En réalité, c'est que le paradigme de l'État plurinational traduit la situation d'États qui traversent un processus de réforme dans la recherche de nouvelles formes de construction de l'État82. Les innovations juridiques sont pensées dans des contextes complexes qui imposent leurs tensions et contradictions aux textes constitutionnels83. Non sans problèmes, c'est pour saisir le processus de la refondation de l'État engagé, en distance avec la tradition critique eurocentrée, que Boaventura de Sousa Santos parle de "constitutionnalisme transformateur"84 configurant un "État expérimental", forcément un peu aveugle et un peu imprévisible, en ce sens qu'il ne prend pas toujours le chemin que l'on imagine85. En effet, les nouvelles tendances constitutionnelles ne sont pas sans problème dans leurs prétentions ; les transformations espérées peinent à être réalisées. Il reste que les zones de fuite ouvertes par cette perspective décoloniale multiculturaliste a revitalisé l'analyse des droits fondamentaux dans la perspective de justice sociale. Il en ressort un dynamisme interprétatif qui fait vaciller certains dogmes.

3. LE MULTICULTURALISME: ENTRE (RE)CONCEPTUALISATION DES DROITS ET REVITALISATION DE LA JUSTICE SOCIALE

La mise en œuvre des droits des indigènes comme catégorie particulière des droits de l'homme a mis en évidence la forme du particularisme dans l'uni-versalisme effectif des droits (3.1), ce faisant, elle réactualise l'imbrication étroite entre politique de reconnaissance et justice sociale (3.2).

3.1. La problématique indigène: un horizon ouvert du potentiel universel multiple des droits de l'homme

L'internationalisation de la question autochtones, notamment par la voie du droit des droits de l'homme, reste un facteur pertinent dans la compréhension du "modèle" multiculturaliste latino-américain86. Le "contentieux indigène" est intimement lié aussi aux problématiques de revendication internationales des droits. En effet, après des siècles de confinement dans des territoires étatiques, c'est aujourd'hui, grâce à l'internationalisation des droits, qu'une "identité transnationale autochtone"87 s'affirme. Dans le cadre de l'Amérique latine, c'est particulièrement l'activité des organes interaméricains de protection des droits de l'homme, la Commission et la Cour interaméricaines des droits de l'homme qui illustrera notre propos.

Notre postulat est le suivant: les droits des indigènes, a priori droits catégoriels, loin de remettre en cause l'universalisme des droits de l'homme, exigent la prise en compte du particularisme comme condition d'une universalité véritable. Comme le souligne Laure Ortiz, "le multicultural-turn de la pensée juridique latino-américaine, c'est l'universalisme passé au crible de l'exigence d'effectivité du droit"88. En effet, l'universalisme multicultu-rel, prodige du génie juridique latino-américain, démystifie la pertinence de l'antagonisme apparent qui sévit la rhétorique des droits de l'homme à chaque fois qu'universalisme et particularisme s'emploient. Classiquement, Universalisme, en filigrane droits universels, et Particularisme, à travers les droits catégoriels, sont pensés de façon dichotomique. En entame d'une réflexion sur la question, Danièle Lochak se demande si l'ère des "droits [de l'Homme] catégoriels" s'est succédé à l'ère des "droits [de l'Homme] universels89. "Parler des "droits catégoriels", n'est-ce pas postuler l'existence de droits qui ne seraient plus revendiqués par tous ni applicables mais seulement à des catégories d'individus, sonnant le glas de l'universalité des droits de l'Homme?"90 Elle défend l'idée que la question ne peut pas se poser de façon si hypothétique car dans l'histoire des droits de l'homme, il y a une dynamique d'alternance entre formulations universalistes et formulations spécifiques où la dialectique sied mieux qu'une évolution linéaire91.

Lors de la grande vague d'internationalisation de la protection des droits de l'homme post 1945, dont la Déclaration universelles des Droits de l'Homme de 1948 en est l'icône, on entendait protéger tous les droits de tous les êtres humains sans distinction de race, d'origine, de condition sociale, de religion, de langue, de convictions politiques, etc.92. La question des minorités est éclipsée. Il était question d'édifier un système de protection sur une base universelle en mettant en exergue davantage ce qui rapproche les hommes que ce qui les différencie93. À cet égard, Eleanor Roosevelt avait déclaré en 1946: "If individual human right are respected, there will be no need to proclaim the rights of minorities". Le débat sur les conceptions des droits et libertés était exclusivement centré sur les divergences Est-Ouest (démocraties libérales vs. démocraties populaires). La querelle dominante, à forte densité idéologique et politique, occultait les dimensions anthropologiques, cosmogoniques que charrie la question des droits de l'homme. C'était l'ère de l'universalisme abstrait. Pourtant, la problématique contemporaine de la protection des minorités, notamment avec l'effondrement des régimes communistes et la multiplication des conflits ethniques qui l'accompagnent, va faire surgir l'importance de cette matrice culturelle fondamentale d'appréciation dans la rhétorique des droits.

Il faut d'entrée de jeu souligner qu'en raison de l'influence libérale du cadre juridique américain, les traités (de droits de l'homme) interaméricains ne contiennent aucune spécificité culturelle94. D'ailleurs, aux termes de l'article 1§2 de la Convention américaine sur les droits de l'homme, les droits et libertés sont reconnus aux personnes qui s'entendent comme tout être humain95. Suivant une interprétation textuelle stricte, cet article semble exclure les personnes morales du bénéfice des droits de la Convention. A priori, elle exclut tout autant d'ailleurs les groupements et les communautés96. Ce n'était donc pas étonnant que, dans ses premières positions, la Commission interaméricaine des droits de l'homme ne distinguait pas les particuliers des peuples indigènes dans ses analyses. Les affaires relatives à ces derniers étaient traitées comme des affaires de sommation d'individus, sans considération de leur caractère de peuples ou les conséquences des crimes sur l'ensemble de leur communauté97. Cependant, au contexte de changement social de la fin du xxème siècle, du rôle actif des mouvements indigènes et indigénistes, et l'adoption progressive par les États de la région de la Convention 169 de I'OIT, s'est affirmée une évolution significative d'appréciation de la question indigène98. De plus, il revient de mentionner que depuis 1990, il existe un Rapporteur spécial sur les droits des peuples indigènes au sein de la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Il a été également créé depuis 1999 un Groupe de travail du Conseil Permanent de I'OEA en matière de peuples indigènes et tribaux qui se réunit régulièrement. Tout un état d'esprit et un échafaudage ayant participé à l'édification actuelle de la jurisprudence interaméricaine relativement à la protection des peuples indigènes et tribaux.

Au regard de la jurisprudence de la Cour interaméricaine, les peuples indigènes et tribaux sont considérés comme des "groupes humains en situation de vulnérabilité" (ce qui inclut toutes les minorités ethniques dont les afro-descendants également). Fidèle à sa méthode d'interprétation "dynamique" / "généreuse"99, "sociologique"100, centrée sur le titulaire du droit, la Cour interaméricaine s'est obligée à une approche pluraliste ou multiculturelle, respectueuse des particularismes, comme garantie d'effectivité des droits conventionnels. En d'autres termes, dans le contentieux indigène, le juge interaméricain a assumé le défi de protéger la spécificité, sans pour autant perdre la vocation universelle des droits protégés par le système101. Ainsi, dans son travail d'interprétation de la Convention américaine des droits de l'homme relativement aux peuples indigènes et tribaux, la Cour interaméricaine va favoriser une méthode d'interprétation de très large portée, notamment par l'ouverture à des sources externes au système102.

L'identité culturelle sert alors de cadre théorique d'interprétation des droits et libertés. Il importe de mentionner quelques illustrations jurisprudentielles. Ainsi, dans l'affaire Mayagna-Awas Tingni, la Cour interaméricaine rend manifeste cette ouverture à l'univers des sources de droits de l'homme, sur la base du principe pro homine103, en soulignant que le devoir étatique d'ajuster la jouissance des droits des communautés indigènes et tribaux soit conformément à leur droit coutumier, valeurs, us et coutumes"104. De même dans l'affaire Sarayaku105, la Cour rappelle qu'en matière de sources, "les traités externes au système, ratifiés par l'État en cause et qui contiennent des aspects de droits de l'homme (para 161), la législation interne relative aux membres des peuples indigènes et tribaux, les principes généraux de droit international (para 164), les accords et instruments formellement liés avec le système interaméricain (para 161), sont tous des éléments qui intègrent l'analyse juridique de la Cour interaméricaine, qui va même plus loin en intégrant le soft law dans son analyse106.

Dans ce processus d'interprétation dynamique de la Convention, il y a une réhabilitation du pluralisme juridique, trait marquant de toute réalité multiculturelle. Dans l'affaire Bámaca Veláquez107, la Cour interaméricaine avait fait valoir la cosmovision indigène pour évaluer les conséquences culturelles d'une disparition forcée au-delà des répercussions sur les victimes directes ou indirectes individuellement considérées108. L'unité du genre humain entre les vivants et les morts et l'importance centrale de ce lien au sein de la culture maya ont été la porte d'entrée d'une analyse pluraliste des droits à la lumière de l'identité culturelle (para. 145). Un renvoi à l'identité culturelle se retrouve réitérer dans les affaires Yakye Axa et Sawhoyamaxa, respectivement 2005 et 2006. En effet, la Cour interaméricaine, interprétant les articles 24 (égalité devant la loi) et 1.1 (obligation de respecter et de garantir les droits) de la Convention américaine, postule que l'obligation d'interpréter et d'appliquer la législation interne en matière de procédure administrative effective et de délai raisonnable (recours judiciaire effectif) pour la revendication des terres des peuples indigènes et tribaux et de reconnaissance de la personnalité juridique comme peuple, implique de "prendre en considération les caractéristiques qui distinguent les membres des peuples indigènes de la population en général et conformément à leur identité culturelle"109.

Un autre contentieux de valorisation de l'identité culturelle des titulaires des droits et libertés est le contentieux des droits politiques (élection et participation). Dans l'affaire Yatama, la Cour souligne que lorsque la loi électorale de l'État impose des pratiques de participation politique non adaptées culturellement à une communauté traditionnelle dont les leaders se voient exclus des listes de candidats, elle prive à la communauté la possibilité d'élire celui qui "contribue à établir et préserver l'identité culturelle des membres des communautés indigènes et tribunaux"110. L'incorporation de l'identité culturelle comme principe juridique est la preuve d'un pluralisme juridique réhabilité qui sera la base d'un examen approfondi des questions relatives à la notion de "personne" comme individu et "personne" comme plusieurs sujets, trait caractéristique substantiel des communautés indigènes et tribaux111.

Pour une dernière illustration de la preuve de l'ouverture culturelle remarquable de la juridiction interaméricaine matérialisée par une interprétation dynamique et généreuse de la Convention, l'affaire Communauté Moiwana c. Suriname112 mérite l'attention. De façon très originale, voire audacieuse, la Cour prend en considération, à titre principal, l'atteinte à l'intégrité spirituelle des victimes fondée sur le préjudice dont elles ont souffert en raison de leurs croyances religieuses et du lien qui unit les vivants aux morts. À travers cette prise en compte des particularités culturelles, le dommage fondamental que retient la Cour relativement à la communauté du village Moiwana est de type spirituel. Et conformément aux principes énoncés dans l'affaire Comunidad Mayagna Awas Tingni sus-indiquée, la Cour applique le droit à la propriété collective de la communauté autochtone, tenant compte de la signification particulière du droit de propriété pour ces communautés qui ne le conçoivent qu'au profit de la communauté dans son ensemble.

Enfin, les groupements et les communautés, notamment indigènes et tribaux, sont devenus, au fil de l'interprétation de la Cour, titulaires des droits de la Convention113. La Cour interaméricaine, généralement non-littéraliste, s'était pourtant limitée à une interprétation textuelle stricte de cette disposition quant aux personnes morales. L'avis consultatif № 22 de la Cour interaméricaine synthétise la question114. Elle affirme en effet que les droits de l'homme appartiennent principalement aux personnes naturelles (i.e., les êtres humains individuels), et que ces droits ne s'appliquent aux personnes juridiques (les entités légalement formées) que lorsque ceci est nécessaire pour concrétiser les droits des personnes naturelles les composant115. Néanmoins, dans le but de protéger et de promouvoir de manière effective les droits de l'homme, la Cour interaméricaine considère que les communautés indigènes et tribunaux peuvent être titulaires de droits collectifs. Réaffirmant sa jurisprudence des affaires des peuples indigènes, la Cour précise que certains droits des communautés indigènes et tribaux ne peuvent être exercés que de façon collective et doivent avoir des conséquences collectives qui ne peuvent être réduites simplement au niveau des victimes individuelles dans des affaires spécifiques. Les communautés indigènes et tribales sont des "sujets-titulaires" des droits et libertés dans le droit interaméricain des droits de l'homme116.

La spécificité identitaire des communautés ethniques commande la reconnaissance d'une catégorie de droits fondamentaux, les "droits bio-culturels"117. À propos de ces derniers, "il s'agit d'un "faisceau" de droits conçu de manière à mieux protéger les intérêts collectifs des peuples autochtones et populations locales, mais aussi-et c'est ce qui en fait assurément toute la singularité-de mieux protéger l'humanité (ou la communauté biotique dans son ensemble) à travers la préservation des activités, pratiques, savoirs et valeurs des peuples autochtones et communautés locales liés à leur rôle supposé d'intendants ("steward") de la nature"118. En d'autres termes, c'est l'idée que les droits des communautés indigènes, par exemple, "ne doivent pas être confondus avec des droits collectifs des autres groupes humains"119.

Deux observations dans ce contentieux interaméricain relatif à la question des indigènes: d'une part, les droits et libertés de la CADH sont interprétées suivant une dynamique multiculturelle et, d'autre part, on observe parfois une émergence prétorienne de droits et libertés non expressément mentionnés dans le texte conventionnel (par exemple le droit à l'identité culturelle, le droit de consultation préalable, etc.).

Globalement, nous pouvons affirmer que dans le cadre de cette protection régionale des peuples indigènes et tribaux, loin de s'attacher au contenu substantiel des droits et libertés, le particularisme doit être davantage recherché dans leurs conditions de leur mise en œuvre120. Et comme le souligne Danièle Lochak, nombre de droits catégoriels, au demeurant très hétérogènes, ne sont que la simple déclinaison concrète des droits universels121. Ainsi la Cour interaméricaine a saisi le potentiel subversif de la question indigène en rapport avec les droits de l'homme, où faire prévaloir une interprétation abstraite des droits, uniformément libérale et individualiste relèverait purement et simplement du déni de la justice. Et la question indigène ne s'épuise pas seulement dans la reconnaissance, elle charrie d'importants enjeux de justice sociale également.

3.2. L'introuvable frontière entre reconnaissance culturelle et justice sociale

Dans la problématique des politiques du multiculturalisme gît en filigrane la controverse politique de la reconnaissance versus politique redistributive. Dit autrement, il y a d'un côté, les politiques de la reconnaissance (symbolique et juridique) des identités qui peuvent concerner des "droits différenciés" ou alors une nouvelle génération de droits de l'homme: les droits culturels. D'un autre côté, des politiques qui visent à lutter contre l'inégalité sociale (souvent assimilées aux affirmatives actions nord-américaines). Si en premier lieu, le modèle latino-américain rime bien avec le pôle politique de la reconnaissance (toute une pléthore de droits collectifs en rendent compte: reconnaissance du pluralisme juridique, de droits collectifs spécifiques et garantie de la propriété communautaire, etc.), mais la question de la justice sociale loin d'être éclipsée fait son retour en force. On pourrait même parler d'un "multiculturalisme intégré", pour reprendre la typologie de Michel Wieviorka122. En d'autres termes, nous partageons l'analyse de Laure Ortiz qui contrairement à Roberto Gargarella (avocat et sociologue argentin), soutient que la question indigène ne s'est pas substituée à la question sociale, au contraire, elle l'a remise en scène. Il s'agit par-là de remettre d'interroger la pertinence même de la distinction justice sociale et demande de reconnaissance culturelle.

Roberto Gargarella a observé la place centrale de la "question indigène" dans le constitutionalisme latino-américain de la fin du xxe siècle. En effet, toutes les Constitutions de la région avaient tendance à être sensibles à une question qui avait été mis en veilleuse pendant des décennies, et ont continué à y faire mention explicite et en général de manière enthousiaste: les droits des peuples indigènes123. Il constate que si la première vague de réformes constitutionnelles majeures du début du xxe siècle s'étaient distinguées par leur emphase sur la "question sociale", cette seconde moitié du siècle (avec ses multiples variantes) a été spécialement marquée par la "question indigène". Et comme avec l'inclusion des droits sociaux, le "constitutionalisme de fusion" ou libéral-conservateur du xxe a donné lieu à la "question sociale", reporté au siècle précédent, maintenant le "constitutionalisme de mélange" de la fin du xxe siècle a repris la "question indigène" abandonnée dans les expériences juridiques antérieures124. Il s'agissait pour lui d'une tentative de récupérer les exclus parmi les exclus125.

Pour lui, cet engouement constitutionnel à la "question indigène" soulève des questions et des doutes exceptionnellement complexes allant des tensions directes ou indirectes des demandes d'autonomie avec des systèmes politiques verticalistes et d'autorité concentrée jusqu'à la judiciarisation de questions qui méritent une attention et un type de solutions primordialement extra-judiciaires (tendant ainsi à individualiser des réclamations collectives et de menacer les communautés du pouvoir de décision relativement à leurs conflits). Alors que la "question sociale" avait exigé de nouvelles réflexions liées à "comment intégrer" les "marginalisés" socialement et économiquement, la "question indigène" elle requérait, immédiatement, au-delà de ce point pour se poser alors directement si des ordres juridiques et des systèmes culturels différents, souvent en tension entre eux, pouvaient coexister sur le même territoire126.

Pourtant s'il faut bien admettre l'audience de plus en plus croissante de la question indigène, néanmoins postuler de la dissociation question sociale et question indigène nous paraît non seulement gommer l'histoire de la demande indigène mais également c'est occulter la splendeur de l'actuel développement du contentieux réel de la question indigène.

Les mouvements et luttes indigènes sont intimement liés à la problématique des conditions sociales, eu égard aux siècles de domination, d'exploitation ou de discrimination dont ils furent longtemps l'objet. Au-delà de la demande de reconnaissance, le mouvement indigène a toujours été porteur de demande sociale. En effet, dès leurs débuts, les luttes indiennes modernes (1960 aux années 1980), s'inscrivant dans le cadre de luttes paysannes, et plus généralement du "mouvement populaire", portent des revendications principalement de nature économique et sociale127. De telles revendications s'articulent autour des questions du développement, de l'accès à la terre, au crédit, au marché, aux infrastructures et aux services (éducation, santé, transports, eau potable, électricité ...)128. Leurs enjeux résident dans la réforme agraire, les conditions de production et de commercialisation, la modernisation, l'intégration à la société nationale et les conditions de vie129. Ce n'est pas par hasard que les mobilisations s'effectuaient le plus souvent dans le cadre de coopératives ou d'organisations syndicales et politiques de classes. La domination à combattre est autant culturelle que sociale. Elle est diffuse et pénètre à tous les interstices de la vie sociale. Sous la révolte culturelle perce la contestation sociale.

Ce n'est pas moins ce que sous-entend le juge constitutionnel colombienne lorsqu' il juge que la terre indigène ne constitue pas seulement la base de leur subsistance, mais également elle est à la fois un élément fondamental de leur cosmovision, de leur culture et de leur spiritualité130. Des décisions de la Cour interaméricaine font montre également de cette imbrication question sociale/question indigène. Ainsi dans sa décision relative à l'affaire ndígena Sawhoyamaxa c. Paraguay, la Cour interaméricaine précise que la terre n'est pas "une simple propriété matérielle" (mais elle n'est, souligné par nous), et doit être respectée comme le "fondement de la culture, de la vie spirituelle, de l'intégrité et un élément fondamental de l'héritage à transmettre aux générations futures" ... "Méconnaître les versions spécifiques de ce droit d'utilisation et de jouissance liées à la culture, aux us et coutumes ou croyances de chaque peuple équivaudrait à soutenir qu'il n'existe qu'une forme d'user et de disposer des biens, ce qui reviendrait à rendre illusoire la protection de l'article 21 pour des millions de personnes"131. Pour ces peuples, occuper la terre, c'est pouvoir également disposer des ressources qui s'y trouvent, dans la perspective d'un "droit à la maitrise par les communautés de leurs conditions de développement intégral"132. La Cour interaméricaine n'hésite pas à condamner des politiques agraires effectuées au nom de "l'exploitation rationnelle des terres"133, ou sous prétexte de la création d'un "espace boisé protégé sous régime de propriété privée"134.

L'interprétation des droits sous le prisme multiculturel, associé à une recherche d'effectivité, ouvre des possibilités de correction à l'injustice historique dont a fait l'objet les catégories indigènes, et marginalisées. Parce que ces catégories marginalisées sont en même temps souvent des défavorisés économiques, justice sociale et reconnaissance apparaissent comme indissociables. Leur combinaison permet de mieux saisir les discriminations structurelles et systémiques des catégories concernées.

CONCLUSION

Au travers de son nouveau cadre institutionnel et normatif, sans cesse com-plexifiant et évoluant, l'Amérique latine tient compte du différend ethno-iden-titaire pour répondre, en partie, à l'exigence de la reconnaissance des groupes indigènes. Ce processus a impliqué une mobilisation complexe du droit (et des droits), de la politique et de l'idéologie. Parce que le droit en réalité héberge, dans son sous-sol, la question politique et idéologique, il s'est trouvé déterminant, notamment à travers son pouvoir symbolique, dans la conjugaison de l'État de droit à l'État multiculturel et plurinational, pluriethnique, créant des passerelles de plus en plus complexes entre ces figures de l'État.

L'instrumentalisation du cadre politique et juridique de l'État qui s'en est suivie a favorisé l'installation des groupes indigènes comme des acteurs incontestables de l'arène politique. La prise en compte de leur spécificité a démontré tout le potentiel d'une interprétation stratégique et bénéfique des droits.

La version radicale du multiculturalisme a impulsé, du moins théoriquement à travers la pensée décoloniale, un nouveau rapport de la société et de l'État qui ne soit pas médiatisé par l'idée de nation. L'État-nation étant remise en cause. Un défi s'impose: l'État ne saurait alors défendre une identité nationale englobant l'ensemble de ces citoyens, alors même que la logique de l'État territorialisé la requiert135.

La société multiculturelle, pluriethnique ou plurinationale devient aussi une société des droits (toutes les catégories revendiquent des droits). A priori cela pourrait être interprété comme renforçateur du processus démocratique et facilitant le passage d'une démocratie formelle à une démocratie de plus en plus substantielle. Mais c'est surtout que cette revendication plurielle et multiple de droits créé de plus en plus de problèmes de gouvernabilité pour des États non moins fragiles déjà. En ce sens que l'énergie étatique s'épuise à gérer les nombreuses contradictions que suscite le multiculturalisme. Mais faut-il bien prendre le chemin que l'on ne connait pas pour aller là où on ne connait pas.

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Pour la Cour interaméricaine des droits de l'homme: https://www.corteidh.or.crLinks ]

Pour la Commission interaméricaine des droits de l'homme: https://www.oas.org/es/cidh/default.aspLinks ]

Pour la Cour constitutionnelle colombienne: https://www.corteconstitucional.gov.coLinks ]

** Para citar el artículo: JEAN-BAPTISTE, P. Le multiculturalisme latino-américain. Esquisse des enjeux d'un "construit" juridique, politique et idéologique. En Revista Derecho del Estado, Universidad Externado de Colombia. N.° 53, septiembre-diciembre de 2022, 279-316. DOI: https://doi.org/10.18601/01229893.n53.10

1"Il ne s'agit pas d'avoir le droit à être égaux mais d'avoir l'égal droit à être différents" (traduit par nous). Anonyme.

2MARTIN, A. La reconnaissance des droits indigènes en Amérique latine. In MARTIN, A. (dir.), Les droits indigènes en Amérique Latine. Paris: L'Harmattan, 2015, 11.

3Pour une étude de ces déclinaisons nominatives dans la problématique de l'autochtonie, voir CLOUD, L., GONZÁLEZ, V. et LACROIX, L. Catégories, nominations et droits liés à l'autochtonie en Amérique latine. Variations historiques et enjeux actuels. In BELLIER, I. (dir.), Peuples autochtones dans le monde. Les enjeux de la reconnaissance. Paris: L'Harmattan, 2013, 41-74. Comme le souligne ces auteurs: "certains termes sont aujourd'hui abandonnés, voire prohibés, d'autres sont toujours en vigueur". Ajoutent-ils que "selon les pays, ils sont usités de manière formelle ou informelle, exclusive ou concurrente". 42.

4Au sens de "la culture opprimée" théorisée par le sociologue haïtien Jean Casimir, c'est-à-dire "un ensemble idéologique construit durant la sédimentation des groupes et des classes d'une société nationale par l'une ou l'autre de ses couches en mesure de conserver l'organisation de sa vie quotidienne et de certaines activités de production de la vie matérielle relativement isolées du développement des entités constitutives du mode de production capitaliste". CASIMIR, J. Théorie et définition de la culture opprimée. In Worlds and Knowledges Othwise. Fall, 2008, 22. Pour une analyse plus profonde voir, aussi, CASIMIR, J. La culture opprimée. Lakay, Delmas, 2001.

5YRIGOYEN FAJARDO, R. Z. El horizonte del constitucionalismo pluralista: del multiculturalismo a la descolonización. In RODRÍGUEZ GARAVITO, C. (coord.), El derecho en América Latina. Un mapa para el pensamiento jurídico del siglo XXI. Buenos Aires: Siglo Veintiuno, 2011, 139.

6"Plus de 40 millions de personnes revendiquant une appartenance aux peuples indigènes vivent aux Amériques, et on peut estimer qu'il n'existe pas moins de 400 groupes et peuples indigènes...". Propos de Carlos M. Ayala Corao, rapporteur spécial sur les Droits des Peuples indigènes (1996-1999), Commission interaméricaine sur les droits de l'homme, 20 octobre 2000. Le continent latino-américain se caractérise par l'importance numérique des populations autochtones, soit 10% de la population totale d'Amérique latine. Cf. DHOMMEAUX, J. Les communautés autochtones et tribales dans la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l'homme. In HENNEBEL, L. et TIGROUDJA, H. (dir.), Le particularisme interaméricain de protection des droits de l'homme. En l'honneur du 40 ème anniversaire de la Convention américaine des droits de l'homme. Paris: Pedone, 2009, 184.

7Statistiques de l'Organisation internationale du travail. https://www.ilo.org/americas/sala-de-prensa/wcMS_746960/lang—es/index.htm

8Les propos du Rapporteur spécial sur les Droits des Peuples indigènes (1996-1999) de la Commission interaméricaine, Carlos M. Ayala Corao, démontre une réalité encore préoccupante plus de 20 ans après: "En général, et notamment en Amérique latine, les indigènes sont les plus pauvres des pauvres, les plus exclus des exclus (...) de nos sociétés", 20 octobre 2000. De plus, si les communautés indigènes sont largement concentrées dans les zones rurales, on observe actuellement une présence de plus en plus croissante des indiens dans les villes, qui augmente les espaces de la pauvreté urbaine. Les périphéries des villes, avec des banlieues de misère et des quartiers sans services minimum de base, prouvent la situation difficile des migrants paysans et des indigènes. Il y a une claire corrélation entre la pauvreté et la condition ethnique, dont les indicateurs de revenu, l'analphabétisme, la mortalité et la morbidité, les services de base et autres attestent.

9CÁRDENAS, V. H. Los derechos de los pueblos indígenas en América Latina. In Gaceta. N.° 13, 1998, México, 1.

10Ibid.

11MARTIN, A. La reconnaissance des droits des indigènes en Amérique latine, cit., 11.

12Cette dernière expression, fréquemment usitée depuis les célébrations du cinquième centenaire de la "découverte" des Amériques, en 1992, a l'inconvénient de suggérer, à tort, un long sommeil, ou du moins un assoupissement, alors qu'en réalité l'histoire nous apprend que la résistance des peuples indigènes a pris des formes variées, permettant de préserver l'essentiel, la vie des communautés et leurs traditions. Si, en effet, ce terme de "réveil" a eu le mérite de mettre l'accent sur un fait nouveau: l'essor de la mobilisation de l'organisation et de la culture des Indiens des Amériques, il y a aujourd'hui une nouvelle donne, perceptible dans plusieurs pays de la région, qu'il ne rend pas compte: l'augmentation démographique des Indiens. Cette démographie croissante s'accompagne d'une présence sociale et culturelle plus forte, d'une attention accrue des sociétés dans lesquelles ils évoluent, et souvent d'un respect inédit pour leur mode de vie et de leur pensée.

13La renaissance des Indiens d'Amérique. In Le Monde, 23 octobre 2012.

14CÁRDENAS, V. H. Los derechos de los pueblos indígenas en América Latina, cit., 1.

15"Une sorte de réponse de l'homme à la déception de la promesse de libération spirituelle et matérielle de la Réforme qui ne s'est pas concrétisée tout au long de la civilisation capitaliste". CABALLERO HARRIET, F. J. Globalización, Estado y derecho. In Anuario de Filosofía del Derecho. T. XVII, 2000, 38.

16VALER BELLOTA, H. El neoconstitucionalismo multicultural en América Latina. Una visión sociojurídica. In Revista de la Facultad de Derecho y Ciencias Políticas. 4, 9, 2017, 239.

17Par exemple, le rapport de juillet 2020 des Nations Unies sur l'impact de la covid-19 en Amérique latine et les caraïbes dénote que les populations autochtones et les personnes d'ascendance africaine sont touchées de manière disproportionnée, en raison de la détérioration de leurs conditions socioéconomiques par rapport au reste de la population, de l'accès limité à la protection sociale et des niveaux élevés de discrimination sur le marché du travail. Voir la Note de synthèse: L'impact de la Covid-19 sur l'Amérique latine et les Caraïbes. Nations Unies, juillet 2020, 18. https://unsdg.un.org/sites/default/files/2020-09/the_impact_of_covid-19_on_lac_french.pdf

18DUMOULIN KERVRAN, D. et GROS, C. Un modèle latino-américain? Introduction. In DUMOULIN KERVRAN, D. et GROS, C. (dir.) Un modèle latino américain? Le multiculturalisme "au concret" en Amerique latine. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2011, 16.

19BARABAS, A. M. Multiculturalismo, pluralismo cultural y interculturalidad en el contexto de america latina: la presencia de los pueblos originarios. In configurações [en ligne]. 14, 2014, para. 2.

20DOYTCHEVA, M. Le multiculturalisme. 3ème éd. Paris: La Découverte, 2018, 5.

21DUMOULIN, D. et GROS, C. Un modèle latino-américain? Introduction, cit., 14.

22Ibid.

23Ibid., 21.

24Argentine (3 juillet 2000), Bolivie (11 décembre 1991), Colombie (7 août 1991), Costa Rica (2 avril 1993), Equateur (15 mai 1998), Guatemala (5 juin 1996), Honduras (28 mars 1995), Mexique (5 septembre 1990), Paraguay (10 août 1993), Pérou (2 février 1994).

25GROS, C. Demandes ethniques et politiques publiques en Amérique latine. In Papeles del CEIC. N.° 11, 2004, 2.

26Sur ce thème voir, entre autres, HERRERA, C. M. (dir.). Le constitutionnalisme latino-américain aujourd'hui: entre renouveau juridique et essor démocratique? Paris: Kimé, 2015, 134; BERNAL PULIDO, C. Du néoconstitutionnalisme en Amérique latine. Paris: L'Harmattan, 2015, 175; VALADÉS, D. El nuevo constitucionalismo iberoamericano. In FERNÁNDEZ SEGADO, F. (coord.), La Constitución de 1978 y el constitucionalismo iberoamericano. Madrid: Centro de Estudios Políticos y Constitucionales y Ministerio de la Presidencia, 2003, 329-358; VALADÉS, D. y CARBONELL, M. (coord.), Constitucionalismo iberoamericano del siglo XXI. México: Universidad Nacional Autónoma de México, 2000. D'autres, en revanche, se montrent très critiques à l'égard de ces nouvelles tendances. Entre autres: F. M. MORA SIFUENTES, F. M. Contra el neconstitucionalismo y otros demonios. Entrevista a Juan Antonio García Amado. In Ciencia Jurídica. Vol. 5, n.° 10, 2016, 259-276; GARGARELLA, R. El "nuevo constitucionalismo latinoamericano". Estudios Sociales. Año XXV, n.° 48, 2015, 169-172.

27CARBONELL, M. La constitucionalización de los derechos indígenas en América Latina: una aproximación teórica. In Boletín Mexicano de Derecho Comparado. Nueva serie, año XXXVI, n.° 108, 2003, 839.

28AYLWIN, J. Los derechos de los pueblos indígenas en América Latina: avances jurídicos y brechas de implementación. In FELIPE BELTRÃO, J. et al. (coords.), Derechos humanos de los grupos vulnerables. Manual, UPF, 2014, 276.

29KALLAS, F. M. L'importance du multiculturalisme dans les constitutions des États latins et l'aboutissement d'un nouveau constitutionalisme. In Panor. Braz. Law. Year 3, n.° 3-4, 2015, 66.

30COUFFIGNAL, G. La nouvelle Amérique latine. Paris: Sciences Po, 2013, 70.

31Toute la troisième partie de la Constitution est intitulée "Communautés indigènes". Article 66: "Protection des groupes ethniques. Le Guatemala est composé de divers groupes ethniques parmi lesquels figurent les groupes indigènes d'ascendance maya. L'État reconnait, respecte et promeut leurs formes de vie, de coutumes, leurs traditions, leurs formes d'organisation sociale, l'usage du vêtement indigène par les hommes et les femmes, les langues et les dialectes". Article 67: "Protection de la terre et des coopératives agricoles indigènes. Les terres des coopératives, communautés indigènes ou d'autres formes d'occupation commune ou collective de la propriété foncière, ainsi que le patrimoine familial et la demeure populaire, jouiront d'une protection spéciale de l'État, de crédits préférentiels et de l'assistance technique, que garantissent leur possession et développement, afin d'assurer à tous les habitants une meilleure qualité de vie". "Les Communautés indigènes et autres qui ont des terres qui historiquement les appartiennent et traditionnellement ont été administrés de façon spéciale, maintiendront ce système".

32Le Chapitre IV de la Constitution de 1987 du Nicaragua s'intitule "Droits des communautés de la Côte Atlantique". Article 89: "Les Communautés de la Côte Atlantique font partie insoluble du peuple nicaraguayen et comme tels jouissent des mêmes droits et ont les mêmes obligations. Les Communautés de la Côte Atlantique ont le droit de préserver et de développer leur identité culturelle dans l'unité nationale ; être dotées de leurs propres formes d'organisation sociale et d'administrer leurs affaires locales conformément à leurs traditions. L'État reconnait les formes communes de propriétés des terres des Communautés de la Côte Atlantique. De même, il reconnait la jouissance, l'usage et la jouissance des eaux et forêts de leurs terres communes". Article 90: "Les Communautés de la Côte Atlantique ont droit à la libre expression et préservation de leurs langues, art et culture. Le développement de leur culture et leurs valeurs enrichit la culture nationale. L'État créera des programmes spéciaux pour l'exercice de ces droits". Article 91: "L'État a l'obligation de rendre des lois destinées à promouvoir des actions qui assurent qu 'aucun Nicaragua ne soit l'objet de discrimination en raison de sa langue et origine".

33C'est le Chapitre VIII, intitulé "Des Indiens" qui traite de la question. Art. 231: "Leur organisation sociale, coutumes, langues, croyances et traditions, ainsi que leurs droits originaires sur les terres qu'ils occupent traditionnellement sont reconnus aux Indiens ; il appartient à l'Union de démarquer ces dernières, de les protéger et de faire respecter tous leurs biens". Paragraphe premier. "Les terres traditionnellement occupées par les Indiens sont celles qu'ils habitent de manière permanente, celles qu'ils utilisent pour leurs activités productives, celles qui sont indispensables à la préservation des ressources naturelles nécessaires à leur bien-être et celles qui sont nécessaires à leur reproduction physique et culturelle selon leurs usages, coutumes et traditions". Paragraphe 3: "L'exploitation des ressources hydriques, y compris les potentiels énergétiques, la recherche et la collecte de richesses minérales en terres indiennes ne peuvent être entreprises qu'avec l'autorisation du Congrès national, les collectivités concernées entendues ; une participation aux résultats de l'exploitation leur est assurée selon les formes de la loi".

34Voir ROBIN AZEVEDO, V. La Constitution à l'épreuve du multiculturalisme en Amérique latine. Réflexions d'une anthropologue à partir des cas péruvien et bolivien. Communication à la journée d'études Perceptions extra-juridiques de la Constitution, organisée par Lauréline Fontaine à la Sorbonne, le 15 octobre 2015, 6.

35La Cour Constitutionnelle colombienne par exemple définit les "communautés indigènes" comme des sujets de droits (fondamentaux) collectifs. Cette reconnaissance dérive du principe fondamental de l'article 7 de la Constitution (principe de la diversité ethnique et culturel) et constitue une prémisse nécessaire pour leur protection. "La communauté est un sujet de droit de droit collectif et non une accumulation de sujets de droits individuels qui partagent les mêmes droits ou des intérêts communs, et les ouvre ainsi la protection juridique par les revendications populaires qu'ils ont à leur disposition". Corte Constitucional de Colombia. Sentencia T-380 de 1993, fundamento jurídico 8: "La comunidad indígena ha dejado de ser solamente una realidad fáctica y legal para pasar a ser 'sujeto' de derechos fundamentales. En su caso, los intereses dignos de tutela constitucional y amparables bajo la forma de derechos fundamentales, no se reducen a los predicables de sus miembros individualmente considerados, sino que también logran radicarse en la comunidad misma que como tal aparece dotada de singularidad propia, la que justamente es el presupuesto del reconocimiento expreso que la Constitución hace a 'la diversidad étnica y cultural de la nación colombiana'" (CP art. 1 y 7).

36L'Assemblée nationale Constituante de 1991 s'est rompue avec beaucoup de paradigmes de la société colombienne en matière de participation politique. Un de ceci a été d'offrir la possibilité aux indigènes d'une représentation dans les espaces de décisions futures. Il y a eu deux Constituants indigènes lors de l'adoption de la Constitution de 1991: Lorenzo Muelas et Francisco Rojas Birry. Cf. LONDONO TORO, B. La Constitución de 1991 y los indígenas. In Revista Credencial Historia. Ed. 146, 2002, 14-15. On peut signaler trois aspects du nouveau paradigme: 1) L'ordonnancement territorial (art. 246, 286, etc.) 2) l'ouverture d'espaces politiques et sociaux de participation pour les indigènes et les autres groupes ethniques, spécialement la circonscription spéciale indigène pour le Sénat et la circonscription spéciale pour les groupes ethniques 3) la reconnaissance du caractère multiethnique et pluriculturel du pays (art. 1 et 7) et la garantie aux droits territoriales et culturels des indigènes (art. 8, 10, 63).

37C'est la Constitution politique des Etats-Unis Mexicains du 5 février 1917 qui est toujours en vigueur, mais complétée d'un nombre d'amendements très important dont ceux 1991 et de 2001, et même plus récemment celui de 2011. Au regard de l'article 2, l'État mexicain se définit comme une nation multiculturelle fondée sur ses "peuples autochtones": "La Nation relève d'une composition multiculturelle fondée sur la base des peuples autochtones. Ces derniers sont les descendants des populations ayant vécu sur le territoire national avant la colonisation et qui conservent totalement ou partiellement leurs institutions sociales, économiques, culturelles et politiques". Selon un recensement national de 2010 (INEGI. Censo de Población y Vivienda 2010), on dénombre près de 15,7 millions d'indigènes au Mexique dont environ 11 millions vivaient dans un foyer indigène situé dans une zone géographique majoritairement indigène.

38Au Pérou, à la suite de nombreux soulèvements indiens dans les Andes rurales, l'indigénisme d'État s'est concrétisé par la protection de la "race indigène" et la reconnaissance de "l'existence légale des communautés indigènes", inscrite dans les Constitutions indigènes de 1920 (art. 41 et 58). La Constitution de 1993 renforce ces droits. Elle précise que "l'État reconnait et protège la pluralité ethnique et culturelle de la Nation" (art. 2), aussi suscite-elle la promotion de l'éducation bilingue et interculturelle dans plusieurs domaines (art. 17). Elle déclare que les communautés indigènes possèdent une personnalité juridique (art. 207). Leurs terres deviennent alors imprescriptibles, inaliénables et insaisissables (art. 209). De plus, des titres de propriété doivent leur être accordés si elles en effectuent la demande à travers leur représentant (personero). Elle reconnaît enfin le droit coutumier (art. 149) en vigueur dans les communautés paysannes (andines ou de la cote) et natives (Amazonie).

39La Constitution bolivarienne de 1994 (qui n'est plus la Constitution en vigueur) reconnait la Bolivie comme une nation multiethnique et pluriculturelle (art.1). Elle accorde le statut de "peuples" aux populations autochtones, reconnait les droits collectifs établis au niveau international et leurs "aires communautés d'origine" (art. 171). Elle leur offre la possibilité d'une assistance juridique (art. 116) et élimine la nécessité de savoir lire et écrire pour être éligible (art. 221), ce qui facilitera la participation électorale de nombreuses organisations ethniques.

40La Constitution de 1998 (qui n'est plus la Constitution en vigueur) définissait l'État équatorien comme étant pluriculturel et multiethnique (art. 1), pour la première fois dans l'histoire. Elle contient un large chapitre (Chapitre 5) sur les peuples indigènes et afro-équatoriens, à qui elle reconnaît leur droit sur les terres ancestrales (art. 84.2 et 84.3), leurs formes traditionnelles d'organisation et de relations communautaires (art. 84.1 et 84.7), le patrimoine historique (art. 84.10), leurs connaissances (art. 84.12), l'éducation (art. 84.11), le droit à un environnement sain (art. 86), l'administration de la justice indigène, dans le respect de la loi (art. 84.7).

41VALER BELLOTA, H. El neoconstitucionalismo multicultural en América Latina. Una visión sociojurídica, cit., 241.

42Le "Consensus de Washington" renvoie à une série de mesures d'inspiration libérale appliquée aux économies en difficulté face à leur dette par les Institutions de Breton Woods (La FMI et la Banque mondiale), et soutenues par le département du Trésor américain. On y trouve globalement dix propositions de libéralisation économique: 1) Une stricte discipline budgétaire, 2) Une réorientation des dépenses publiques vers des secteurs offrant à la fois un fort retour économique sur les investissements, et la possibilité de diminuer les inégalités de revenu (soins médicaux de base, éducation primaire, dépenses d'infrastructure), 3) la réforme fiscale (élargissement de l'assiette fiscale, diminutions des taux marginaux), 4) Un La libéralisation des taux d'intérêt 5) Un taux de change unique 6) la libéralisation du commerce extérieur, 7) L'élimination des barrières aux investissements directs de l'étranger, 8) La privatisation des monopoles ou participations ou entreprises de l'État, 9) La déréglementation des marchés (par l'abolition des barrières à l'entrée ou à la sortie), 10) La protection de la propriété privée, dont la propriété intellectuelle. Dans le contexte latino-américain, il fallait remédier aux conséquences de la "décennie perdue" des années de 1980, marquées par une profonde crise économique, une hyperinflation dévastatrice, la déstructuration sociale et des instabilités politiques. La crise de la dette extérieure, écartant le sous-continent des marchés financiers, le priva d'investissements extérieurs, avec un transfert net (négatif) de ressources financières, de près de 25 milliards de dollars en moyenne, en direction du Nord. Voir Le "Consensus de Washington". In Le Monde diplomatique. Cahier archivé le 1er janvier 2006.

43YRIGOYEN FAJARDO, R. Z. El horizonte del constitucionalismo pluralista: del multiculturalismo a la descolonización, cit., 143.

44Par exemple, la Constitution bolivienne reprend 46 articles de cette Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007).

45BONILLA MALDONADO, D. El constitucionalismo radical ambiental y la diversidad cultural en América Latina. Los derechos de la natureza y el buen vivir en Ecuador y Bolivia. In Revista Derecho del Estado. N.° 42, 2019, 6.

46MILLARD, E. Sur le caractère pré-moderne du néo-constituionnalisme latino-américain. In CAYLA, O. et HALPÉRIN, J.-L. (dir.), Néo ou rétro constituionnalisme? Mises en perspective de la démocratie constitutionnelle contemporaine. Paris: Mare & Martin, 2018, 216.

47C'est là une spécificité de l'État plurinational le distinguant des États multinationaux par exemple.

48A titre d'exemples, L'État Plurinational bolivien est composé de 36 "nations et peules indigènes originaires paysans" dont les noms sont mentionnés (art. 5). Est considérée comme Nation indigène "toute collectivité humaine qui partage une identité culturelle, une langue, une tradition historique, des institutions, un territoire et une vision du monde, dont l'existence est antérieure à l'invasion coloniale espagnole" (art. 30).

49LACROIX, L. Un multiculturalisme sans minorites? Quelques reflexions sur l'état plurinational en bolivie et en équateur. In belgeo [en ligne]. 3, 2013, mise en ligne le 24 mai 2014. http://belgeo.org/11512, PARA. 1.

50SARANGO, L. F. El Estado plurinacional y la sociedad intercultural. Una visión desde el Ecuador. In Direito & Práxis. Vol. 7, n.° 13, 2016, 649.

51SOUSA SANTOS DE, B. La reinvención del Estado y el Estado plurinacional. In Santa Cruz de la Sierra, CEJIS-CENDA-CDIB, 2007, 17.

52ATTARD BELLIDO, M. E. Un constitucionalismo plurnacional, comunitario e intercultural con enfoque de género descolonizado. In Rev. Jur. Der. Vol. 10, n.° 15, 2021. http://www.scielo.org.bo/scielo.php?pid=S2413-28102021000200008&script=sci_arttext&tlng=es

53YRIGOYEN FAJARDO, R. Z. El horizonte del constitucionalismo pluralista: del multiculturalismo a la descolonización, cit., 139.

54Ibid., 149.

55Ibid.

56UPRIMNY, R. Les récentes transformations constitutionnelles en Amérique latine: un effort de créativité démocratique? In Institut de recherche et débat sur la gouvernance (IRG), La gouvernance en révolution(s), Chroniques de la gouvernance, Editions Charles Léopold Mayer, 2012, 253.

57Pour une synthèse de la pensée décoloniale latino-américaine, le lecteur francophone peut se référer à BOURGUIGNON ROUGIER, C. et al. (dir.). Penser l'envers obscur de la modernité. Une anthologie de la pensée décoloniale latino-américaine. Pulim, Collections Espaces Humains, Presses Universitaires de Limoges, 2014.

58On cite généralement les noms de: Santiago Castro-Gómez, Fernando Coronil, Arturo Escobar, Ramón Grosfoguel, Edgardo Lander, Augustin Lao-Montes, María Lugones, Nelson Maldonado-Torres, Walter Mignolo, Zulma Palermo, Aníbal Quijano, Javier Sanjinés, Catherine Walsh, etc. Ils sont pour la plupart originaires d'Amérique Latine et des Caraïbes.

59GROSFOGUEL, R. Prologue. In BOURGUIGNON ROUGIER, C. et al. (dir.), Penser l'envers obscur de la modernité. Une anthologie de la pensée décoloniale latino-américaine, cit., 7.

60Le concept de "colonialité" est formé à partir des termes colonialisme et modernité (sachant que l'eurocentrisme est considéré ici comme la principale prémisse de la modernité). Il s'observe en trois formes: colonialité du pouvoir (les fondements politiques et économiques qui façonnent le pouvoir sont déterminés par les structures symboliques et épistémiques du colonisateur occidental), colonialité du savoir (imposition du paradigme local européen et subalternisation de tout autre modèle épistémique: épistémicides) et colonialité de l'être (l'européen conçu comme pointe de l'hominisation et à travers la catégorisation raciale, et la hiérarchie y relative, l'Autre est marginalisé). La race comme principe d'organisation sociale et le capitalisme comme mode de contrôle opérationnel constituent, selon Aníbal Quijano, les deux piliers de la "colonialité" du pouvoir. Cf. QUIJANO, A. Colonialidad del poder, eurocentrismo y América Latina. In Cuestiones y horizontes: de la dependencia histórico-estructural a la colonialidad/descolonialidad del poder. Buenos Aires: CLACSO, 2014, 777-832.

61GROSFOGUEL, R. Prologue. In BOURGUIGNON ROUGIER, C. et al. (dir.), Penser l'envers obscur de la modernité. Une anthologie de la pensée décoloniale latino-américaine, cit., 7.

62Ibid.

63BOUYAHIA, M. Poscolonialités. In RENNES, J. (dir.), Encyclopédie critique du genre. Paris: La Découverte, 2016, 491.

64GESLIN, A., HERRERA, C. M. ET PONTHOREAU, M.-C. épistemologies et methodologies [juridiques] en perspectives Postcoloniales. in geslin, a., Herrera, C. M. et Ponthoreau, M.-C. (dir.), Postcolonialisme et droit: perspectives epistemologiques. Paris: Kime, 2020, 11.

65MBONDA, E.-M. La décolonisation des savoirs est-elle possible en philosophie? In Philosophiques. Vol. 46, n.° 2, 2019, 301.

66COQUERY-VIDROVITCH, C. Le tropisme de l'Université française face aux postcolonial studies. In MBEMBE, A. et al. (dir.), Ruptures postcoloniales. Les nouveaux visages de la société française. Paris: La Découverte, 2010, 317.

67CHAKRABARTY, D. Provincialiser l'Europe. La pensée postcoloniale et la différence historique. Paris: Éditions Amsterdam, 2009, 61.

68CASTRO GÓMEZ, S. Ciencias sociales, violencia epistémica y el problema de la "invención del otro". In LANDER, E. (dir.), La colonialidad del saber: eurocentrismo y ciencias sociales. Perspectivas latinoamericanas. CLACSO, 2000, 88-98.

69SARANGO, L. F. El Estado plurinacional y la sociedad intercultural. Una visión desde el Ecuador, cit., 648.

70Ibid., 649.

71BONILLA MALDONADO, D. El constitucionalismo radical ambiental y la diversidad cultural en América Latina. Los derechos de la natureza y el buen vivir en Ecuador y Bolivia, cit., 7.

72Du haut de son plus de 62% de population indigène, la récente Constitution définit la Bolivie comme un "État social unitaire de droit communautaire plurinational".

73MIGNOLO, W. Desobediencia epistémica: retórica de la Modernidad, lógica de la colonialidad y gramática de la descolonialidad. Buenos Aires: Ediciones del Signo, 2010, 125.

74HERRERA, C. M. Ce que le postcolonialisme ferait au constitutionnalisme. Pour une critique de la raison constitutionnelle. In GESLIN, A., HERRERA, C. M. et PONTHOREAU, M.-C. (dir.), Postcolonialisme et droit: perspectives épistémologiques, cit., 143.

75HERRERA, C. M. Le constitutionnalisme latino-américain aujourd'hui. In HERRERA, C. M. (dir.), Le constitutionnalisme latino-américain aujourd'hui: entre renouveau juridique et essor démocratique? Paris: Kimé, 2015, 9-18.

76GROS, C. Demandes ethniques et politiques publiques en Amérique latine, cit., 3-4.

77Ici "unitaire" dans le sens que le seul disposant de l'attribut de la souveraineté reste l'État su singulier (l'État central).

78ASSIER-ANDRIEU, L. Coutume et usages. In ALLAND, D. et RIALS, S. (dir.), Dictionnaire de la culture juridique. Paris: PUF, 2003, 318.

79MARTINAT, F. La reconnaissance des peuples indigènes entre droit et politique. Presses Universitaires du Septentrion, collection Espace politiques, Villeneuve d'Ascq, 2005, 49.

80Ibid.

81GESLIN, A. L'apport desposcolonial studies à la recherche en droit international. In GESLIN, A., HERRERA, C. M. et PONTHOREAU, M.-C. (dir.), Postcolonialisme et droit: perspectives épistémologiques, cit., 164.

82HIDALGO NEUNSCHWANDER, G. G. Estadoplurinacional de Bolivia, ¿un aporte al neoconstitucionalismo latinoamericano o simple retórica? In Rev. Jur. Der. Vol. 8, n.° 10, 2019, 33.

83YRIGOYEN FAJARDO, R. Z. El horizonte del constitucionalismo pluralista: del multiculturalismo a la descolonización, cit., 141.

84DE SOUSA SANTOS DE, B. La refondation de l'État. In LAVILLE, J.-L. et CORAGGIO, J.-L. (dir.), Les gauches du xxie siècle. Un dialogue Nord-Sud. Gironde: Le Bord de l'eau, 2016, 178 et 187.

85Ibid., 187.

86Que l'on pense, par exemple, Convention 169 de l'on (1989) dont le palme de la ratification actuelle revient à l'Amérique latine, et qui a déclenché également en partie les réformes constitutionnelles dans nombre d'États de la région. Entrée en vigueur le 5 septembre 1991, elle compte aujourd'hui 24 ratifications dont 15 États latino-américains. Elle consacre entre autres un ensemble de droits collectifs à caractère politique: droit de participation dans l'État (art. 6.1 a), de participation dans l'adoption de décisions dans les institutions électives (art. 6.1 b), d'autonomie (art. 8.1 et 8.2), et du droit à définir des priorités de développement (art. 71.1). Elle les reconnait aussi des droits sur les terres, les territoires et les ressources naturelles (art. 13 à 14). On trouve également un ensemble de droits économiques, sociaux et culturels dont les droits du travail liés à l'emploi, la sécurité sociale et la santé, l'éducation et l'accès aux moyens de communication (art. 20 à 31). Sachant qu'un État ayant ratifié un traité international est tenu de prendre des dispositions internes (de toute nature) dans le but de respecter les obligations imposées par ledit traité. Un peu plus tard, l'influence de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des populations indigènes de 2007 n'a pas été moins déterminante (notamment dans les dernières Constitutions équatorienne et bolivienne). Elle consacre pour ces peuples, notamment en matière de droits politiques, le droit à la libre détermination (art. 3), ainsi que le droit à l'autonomie ou à l'autogouvernement (art. 4). On trouve aussi le droit qu'ont ces peuples de "posséder, utiliser, développer et contrôler les terres, territoires et ressources qu'elles possèdent" en raison de la propriété traditionnelle ou qu'elles aient d'autres formes (art. 26.2), ainsi que la réparation, incluant la restitution, et lorsque cela ne soit pas possible, la compensation, pour les terres, territoires et ressources qu'ils aient été "confisqués, pris, occupés, utilisés ou détruits sans leur consentement libre, préalable et informé" (art. 28).

87GESLIN, A. La protection internationale des peuples autochtones: de la reconnaissance d'une identité transnationale autochtone à l'interculturalité normative. In A.F.D.I. 2010, 657-687.

88ORTIZ, L. L'amérique latine, l'éveil juridique d'un continent? In l'ordinaire des amériques [en ligne]. 221, 2016, mis en ligne le 17 novembre 2016, para. 1. http://orda.revues.org/2957

89LOCHAK, D. penser les droits categoriels dans leur rapport a l'universalite. in la revue des droits de l'homme [en ligne]. 3, 2013, mis en ligne le 26 novembre 2013, para 1. revdh.revues.org/187

90Ibid.

91Ibid., para. 3.

92Pourtant les premières initiatives internationales en la matière portaient plus sur des catégories de personnes particulièrement vulnérables. Que l'on pense à la première Convention de Genève de 1864 relative à la protection des blessés en temps de guerre, ou à la mission de la Société des Nations de veiller au sort des populations des pays sous mandat et de contrôler l'application des traités concernant les minorités nationales, ou enfin I'OIT (créée en 1919) dont les premières conventions visaient la protection des travailleurs.

93LOCHAK, D. Penser les droits catégoriels dans leur rapport à l'universalité, cit., para. 14.

94ESTUPIÑÁN SILVA, R. et IBÁÑEZ RIVAS, J. M. La jurisprudencia de la Corte Interamericana de Derechos Humanos en materia de pueblos indígenas y tribales. In FELIPE BELTRÃO, J. et al. (coords.), Derechos humanos de los grupos vulnerables. Manual. Red de Derechos Humanos y Educación Superior, 2014, 302.

95Article 1 § 2: "Aux effets de la présente Convention, tout être humain est une personne".

96HENNEBEL, L. La Cour interaméricaine des droits de l'homme: entre particularisme et universalisme. In HENNEBEL, L. et H. TIGROUDJA, H. (dir.), Le particularisme interaméricain des droits de l'homme, cit., 78.

97CIDH. Informe anual de 1973, Caso del Pueblo Guaibo c. Colombia, OEA/Ser. L/V/ II. 32, doc. 3, rev. (14-2-1974) ; CIDH, Informe anual de 1975, Caso de los Pueblos indígenas Aché c. Paraguay, OEA/Ser. L/V/II. 37, doc. 20, Corr. 1 (28-6-1976); CIDH. Informe special sobre la situación de derechos humanos de un sector de la población de Nicaragua de origen miskito, OEA/Ser. L/V/II. 62, doc. 10, rev. 3 (29-11-1983).

98CIDH. Informe anual de 1988-1989, Capítulo vi, II, OEA/Ser. L/V/II.76, doc. 10 (189-1989) ; OEA, AG/Res. 1022 (xix-0/89) (18-11-1989): Resolución de la Asamblea General relativa al Informe anual de la Comisión Interamericana de Derechos Humanos, párr. 13.

99HENNEBEL, L. La protection de l'intégrité spirituelle des indigènes. Réflexions sur l'arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l'homme dans l'affaire Comunidad Moiwana c. Suriname du 15 juin 2005. In R.T.D.H. .° 66, 2006, 253.

100Voir HENNEBEL, L. La Cour interaméricaine des droits de l'homme: entre particularisme et universalisme, cit., 79.

101ESTUPIÑÁN SILVA, R. et IBÁÑEZ RIVAS, J. M. La jurisprudencia de la Corte Interamericana de Derechos Humanos en materia de pueblos indígenas y tribales, cit., 305.

102On rappelle que dans le cadre de son office consultatif, le juge interaméricain, au regard de l'article 64-1 de la Convention américaine sur les droits de l'homme, a la faculté de se prononcer sur tout traité en rapport avec les droits de l'homme dans le cadre des États américains (para. 27), indépendamment du fait qu'il s'agisse d'instruments en dehors du système interaméricain (para. 37). Cf. Corte IDH. Opinión consultiva. Otros tratados. Objeto de la función consultiva de la Corte (art. 64 Convención Americana sobre Derechos Humanos). 24 de septiembre de 1982. OC-1/82.

103Le principe pro homine (ou pro persona ou encore pro victima) est un critère herméneutique qui informe tout le droit des droits de l'homme, en vertu duquel doit être prévalue la disposition la plus large, ou l'interprétation la plus extensive, lorsqu'il s'agit de reconnaitre des droits protégés et, inversement, la disposition ou l'interprétation la plus restreinte lorsqu'il s'agit d'établir des restrictions aux droits ou leur suspension extraordinaire. Cf. PINTO, M. El principio pro homine. Criterios de hermenéutica y pautas para la regulación de los derechos humanos. In ABRAMOVICH, V., BOVINO, A. y C. COURTIS, C. (coords.), La aplicación de los tratados sobre derechos humanos por los tribunales locales. Buenos Aires: Editores del Puerto, 1997, 163-172.

104Corte IDH. Caso de la Comunidad Mayagna (Sumo) Awas Tingni c. Nicaragua. Fondo, Repaciones y Costas. Sentencia de 31 de agosto de 2001. Serie C n.° 79, párr. 138.

105Corte IDH. Caso del Pueblo indígena Kichwa de Sarayaku c. Ecuador. Fondo y Reparaciones. Sentencia de 27 de junio de 2012. Serie C n.° 245.

106ESTUPIÑÁN SILVA, R. et IBÁÑEZ RIVAS, J. M. La jurisprudencia de la Corte Interamericana de Derechos Humanos en materia de pueblos indígenas y tribales, cit., 307.

107Corte IDH. Caso Bámaca Veláquez c. Guatemala. Fondo. Sentencia de 25 de noviembre de 2000. Serie C n.° 70.

108Ibid. Opinion du juge Sergio García Ramírez, párr. 3.

109Souligné par nous. Corte IDH. Caso Yakye Axa c. Paraguay. Fondo, Reparaciones y Costas. Sentencia de 17 de junio de 2005. Serie C n.° 125, párr. 51; Corte IDH. Caso Comunidad indígena Sawhoyamaxa c. Paraguay. Fondo, Reparaciones y Costas. Sentencia de 29 de marzo de 2006. Serie C n.° 146, párrs. 59-60, 89, 95.

110Corte IDH. Yatama c. Nicaragua. Excepciones Preliminares, Fondo, Reparaciones y Costas. Sentencia de 23 de junio de 2005. Serie C n.° 127, para. 227-229.

111ESTUPIÑÁN SILVA, R. et IBÁÑEZ RIVAS, J. M. La jurisprudencia de la Corte Interamericana de Derechos Humanos en materia de pueblos indígenas y tribales, cit., 310.

112Corte IDH. Caso Comunidad Moiwana c. Suriname. Excepciones Preliminares, Fondo, Repraciones y Costas. Sentencia de 15 de junio de 2005. Serie C n.° C 124. Pour un excellent commentaire de cette décision dont nous nous inspirons, voir HENNEBEL, L. La protection de l'intégrité spirituelle des indigènes, cit.

113En effet, la jurisprudence de la Cour interaméricaine a évolué sur cette question. Alors que depuis l'affaire Comunidad Mayagna (Sumo) Awas Tingni c. Nicaragua (2001) jusqu'à l'affaire Comunidad indígena Xákmok kásek c. Paraguay (2010), la Cour interaméricaine, en déclarant les violations des droits de l'homme relatives aux communautés indigènes ou tribales, considérait ces violations uniquement comme celles des membres composant ces communautés et non comme celles de ces communautés elles-mêmes. Cependant en 2012, dans l'affaire Pueblo Indígena Kichwa de Sarayaku c. Equateur (Fondo y Reparaciones. Sentencia de 27 de junio de 2012. Serie C n.° 245) la Cour a reconnu pour la première fois comme titulaires des droits protégés dans la Convention, non seulement les membres d'une communauté indigène mais également celle-ci. Pour arriver à une telle position, la Cour interaméricaine a tenu compte du fait qu'au niveau international, divers traités et la jurisprudence d'autres organes internationaux ont soutenu la titularité de droits par les communautés indigènes.

114Corte IDH. Titularidad de derechos de las personas jurídicas en el sistema interamericano de derechos humanos (Interpretación y alcance del artículo 1.2, en relación con los artículos 1.1, 8,11.2,13,16,21, 24,25, 29, 30, 44,46y 62.3 de la Convención Americana sobre Derechos Humanos, así del artículo 8.1 a y b del Protocolo de San Salvador). Opinión consultiva OC-22/16 de 26 de febrero de 2016, solicitada por la República de Panamá.

115Ibid., párr. 106.

116JEAN-BAPTISTE, P. La condition juridique de l'individu comme sujet de droit dans le droit interaméricain des droits de l'homme. In Revista IIDH. N.° 69, 1, 2019, 320.

117LAFAILLE, F. Constitution éco-centrique et Etat social de droit. A propos du constitutionnalisme andin. In RFDC. 2019/2, n.° 118, 348.

118GIRARD, F. Communs et droits fondamentaux: la catégorie naissante des droits bioculturels. In RDLF 2019 chron. n.° 28, Dossier "Le droit des libertés en questions(s) -colloque n.° 2 de la RDL". http://www.revuedlf.com/droit-fondamentaux/communs-et-droits-fondamentaux-la-categorie-naissante-des-droits-bioculturels/ De manière plus globale, voir BAVIKATTE, S. K. Stewarding the Earth: Rethinking Property and the Emergence of Biocultural Rights. New Delhi: Oxford University Press, 2014, 266.

119Cf. Corte Constitucional de Colombia. Sentencia T-622 de 2016, Principio deprecaución ambiental y su aplicación para proteger el derecho a la salud de las personas. Caso de comunidades étnicas que habitan la cuenca del río Atrato y manifiestan afectaciones a la salud como consecuencia de las actividades mineras ilegales, Sentencia de 10 de noviembre de 2016.

120ORTIZ, L. L'Amérique latine, l'éveil juridique d'un continent?, cit., para. 4.

121LOCHAK, D. Penser les droits catégoriels dans leur rapport à l'universalité, cit., para. 3.

122Ce "multiculturalisme intégré" combine les deux dimensions (reconnaissance et justice sociale) et se distingue du "multiculturalisme éclaté, centré sur la politique de la reconnaissance. WIEVIORKA, M. La différence. Identités culturelles: enjeux, débats et politiques. Paris: L'Aube, 2005, 82-102.

123GARGARELLA, R. Nuevo constitucionalismo latinoamericano y derechos indígenas. Una breve introducción. In Boletín Onteaiken. N.° 15, 2013. www.accioncolectiva.com.ar

124Ibid.

125Ibid.

126Ibid.

127LE BLOT, Y. La grande révolte indienne. Paris: Robert Laffont, 2009, 53.

128Ibid.

129Ibid., 54.

130Corte Constitucional de Colombia. Sentencia T-188 de 1993, fundamento jurídico 1.

131Corte IDH. Caso Comunidad indígena Sawhoyamaxa c. Paraguay, Fondo, Reparaciones y Costas. Sentencia de 29 de marzo de 2006. Serie C n.° 146, párr. 120. On retrouve le même raisonnement dans l'affaire: Caso Comunidad indígena Xákmok Kásek c. Paraguay. Fondo, Reparaciones y Costas. Sentencia de 24 de agosto de 2010. Serie C n.° 214, párr. 87.

132ORTIZ, L. L'Amérique latine, l'éveil juridique d'un continent?, cit., para. 7.

133Elle considère par exemple comme un "assimilationnisme forcé", les transferts aux colons des terres des Kuna de Madunggandí et Embera. Corte IDH. Caso de los Pueblos indígenas Kuma de Madungandíy Emberá c. Panamá. Excepciones Preliminares, Fondo, Reparaciones y Costas. Sentencia de 14 de octubre de 2014. Serie C n.° 284, párr. 112.

134Corte IDH. Caso Comunidad indígena Xákmok Kásek c. Paraguay. Fondo, Reparaciones y Costas. Sentencia de 24 de agosto de 2010. Serie C n.° 214, párr. 109.

135MARTINAT, F. La reconnaissance des peuples indigènes entre droit et politique, cit., 49-50.

Received: November 15, 2020; Accepted: May 01, 2022

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