SciELO - Scientific Electronic Library Online

 
vol.20 issue3CIPP Model-based Context Evaluation on an English Language Reading Comprehension Course at a Public University in ColombiaThe Paradox of the Practicum: Affinity to and Resistance towards Teaching author indexsubject indexarticles search
Home Pagealphabetic serial listing  

Services on Demand

Journal

Article

Indicators

Related links

  • On index processCited by Google
  • Have no similar articlesSimilars in SciELO
  • On index processSimilars in Google

Share


Íkala, Revista de Lenguaje y Cultura

Print version ISSN 0123-3432

Íkala vol.20 no.3 Medellín Sep./Dec. 2015

https://doi.org/10.17533/udea.ikala.v20n3a03 

EMPIRICAL STUDIES

DOI:10.17533/udea.ikala.v20n3a03

 

L'explication de l'erreur en didactique de la traduction: erreur dans le processus ou erreur dans le produit?*

 

Explaining errors in the teaching of translation: an error in the process or an error in the product?

 

La explicación del error en la didáctica de la traducción: ¿error en el proceso o error en el producto?

 

 

Eliana Acevedo Zabala**; Claudia Mejía Quijano***

** Traductrice anglais–français–espagnol, École de langues, Université d'Antioquia Traductora, Investigadora asociada SEMSA –Grupo de investigación en semiología saussureana– Mailing Address: Avenida 42 N°. 55–206 interior 121, Bello, Colombia E–mail: eliaz1024@gmail.com

*** Professeur, École de langues, Université d'Antioquia Lingüista–semióloga. Directora SEMSA –Grupo de investigación en semiología saussureana– Mailing Address: UdeA ; Calle 70 N°. 52–21, Ciudad universitaria. Bloque 11–108 Medellín, Colombia. E–mail: lucia.mejia@udea.edu.co

 

Received: 2014–09–05
Accepted: 2015–04–17

 

How to reference this article: Acevedo Zabala, E. & Mejía Quijano, C. (2015). L'explication de l'erreur en didactique de la traduction: Erreur dans le processus ou erreur dans le produit? Íkala, Revista de Lenguaje y Cultura, 20(3), 315–327. doi: 10.17533/udea.ikala.v20n3a03

 


RÉSUMÉ

Introduction: L'influence émotionnelle et psychologique sur les étudiants que manifeste l'explication de l'erreur en traduction rend ce sujet très important à étudier en didactique de la traduction. Méthode: cet article présente une recherche exploratoire sur ce sujet, subjective mais incluant le facteur quantitatif par l'analyse comparative des entretiens semi structurés appliqués à deux groupes d'enseignants de traduction qui appartiennent à deux universités distinctes, l'une au Canada, l'autre en Colombie. Résultats: cette recherche a mis en évidence l'importance de reconnaître le processus de traduction des étudiants afin d'expliquer leurs erreurs, et l'influence du contexte académique et global du pays sur la didactique développée par les enseignants étudiés. Discussion : ces résultats ont été mis en perspective concernant les conditions matérielles de l'enseignement, différentes pour chaque groupe. Des hypothèses et des recommandations didactiques sont proposées en fin d'article.

Mots–clés: erreur de traduction, didactique, processus traductif, interférence


ABSTRACT

Introduction: The explanation of translation errors is a very important area of study in teaching translation, especially due to the emotional and psychological impact it has on students. Method: This paper presents exploratory research on this topic. Although subjective it includes quantitative data from the comparative analysis of several semi–structured interviews that were applied to two groups of translation professors in two different universities, one Canadian and the other Colombian. Results: The research highlighted how important it is to recognize students' translation process in explaining their errors and how the academic and global context of each country influences the teaching method of the professors involved in the study. Discussion : The different conditions of teaching in each group are discussed as related to these results ; hypotheses and recommendations for teaching are proposed at the end of the article.

Keywords: translation errors, teaching methods, translation process, interference


RESUMEN

Introducción : La explicación de los errores de traducción es un tema de estudio muy importante en la enseñanza de la traducción especialmente por el impacto emocional y psicológico que ésta tiene en los estudiantes. Método : Este artículo presenta una investigación exploratoria sobre el tema que, aunque subjetiva, incluye el factor cuantitativo mediante el análisis comparativo de varias entrevistas semiestructuradas que se aplicaron a dos grupos de docentes de traducción en universidades distintas, una canadiense y otra colombiana. Resultados: Esta investigación mostró lo importante que resulta reconocer el proceso de traducción de los estudiantes para explicar sus errores, y la influencia del contexto académico y global de cada país en la didáctica desarrollada por los profesores encuestados. Discusión: Los resultados se discutieron a la luz de las condiciones materiales de enseñanza, diferentes para cada grupo. Al final del artículo se proponen algunas hipótesis y recomendaciones didácticas.

Palabras clave: error de traducción, didáctica, proceso traductivo, interferencia


 

 

Introduction

Dans cet article nous présentons les résultats d'une recherche menée à l'École des langues de l'Université d'Antioquia dans le cadre d'une réflexion globale sur l'erreur en traduction (Lee–Jahnke, 2001 ; Mejía Quijano, 2009 ; Mejía Quijano et Marmolejo, 2010), et dont le but était l'identification du savoir pratique des enseignants concernant l'explication de l'erreur de traduction, en particulier leur penchant vers l'explication de l'erreur envisagée dans le produit ou dans le processus de traduction. Le sujet de l'explication de l'erreur est d'une grande importance dans la formation des étudiants et se trouve constamment au sein de la relation pédagogique, laquelle parfois devient un espace propice aux confrontations et mécontentements.

Cette recherche entendait mettre en évidence les points de vue des enseignants concernant leur conception de l'erreur de traduction et voulait explorer l'influence que ces points de vue pouvaient avoir sur leur pratique pédagogique.

 

Méthodologie et matériel

Il s'agissait d'une recherche exploratoire à partir de l'étude des cas, sans hypothèses préalables, cherchant à mettre en évidence le vécu singulier de chaque enseignant. Cette recherche, nécessairement subjective ne reste cependant pas dans cette singularité non extrapolable car la méthodologie comprend la comparaison des analyses de plusieurs cas, ce qui permet de déduire des hypothèses susceptibles d'être généralisables (Mejía Quijano, Ansermet et Germond, 2006).

La population était organisée en deux groupes, définis par l'exercice pédagogique sur une aire géographique déterminée, soit une université en Colombie et une autre au Canada: l'un des groupes était constitué par 6 enseignants du programme de Traduction anglais–françaisespagnol de l'Université d'Antioquia et l'autre par 6 enseignants du programme de Traduction professionnelle de l'Université de Sherbrooke.

Comme il s'agissait d'une recherche exploratoire fondée sur la singularité des sujets étudiés, on n'a pas cherché au départ à homogénéiser les groupes, qui comportent ainsi diverses variables selon les personnes qui ont accepté de participer à la recherche, après avoir été contactés et invités par un courrier ouvert décrivant le type de recherche en profondeur (Voir tables 1 et 2).

Démarche méthodologique.

On a appliqué aux deux groupes des entretiens semi–structurés comportant les rubriques générales suivantes:

1. Définition de l'erreur en traduction: Comment définiriez–vous l'erreur de traduction? A partir de votre expérience, quelles sont les caractéristiques principales des erreurs?

2. Erreur dans le processus et erreur dans le produit: Quelle est la différence entre expliquer l'erreur dans le produit et l'erreur dans le processus? Quel est le lien entre l'erreur–produit et l'erreur commise lors du processus?

3. Formes d'explication de l'erreur: Comment expliquez–vous qu'une erreur de traduction est une erreur? Habituellement comment expliquez–vous les erreurs?

4. Différences entre les étudiants: Si vous avez passé du temps avec l'élève, pouvez–vous dire que vous savez comment il traduit? Pouvezvous lire les traductions et d'identifier à quel étudiant appartiennent–elles?

5. Paramètres utilisés pour estimer la qualité des traductions: Pourquoi une traduction est–elle bonne ou mauvaise? Comment peut–on améliorer la qualité des traductions?

Ces entretiens, d'une durée d'une heure, une heure et demie approximativement, ont été enregistrés en audio et postérieurement transcrits, selon des consignes déjà éprouvées exigeant l'inclusion des éléments propres de la situation orale dans le texte, ce qui permet d'avoir un meilleur accès au sens de l'entretien (Mejía Quijano, Ansermet et Germond, 2006).

Ces transcriptions ont été analysées de manière individuelle et subjective mais par deux analystes séparément, chacun mettant en évidence des caractéristiques de chaque entretien (Voir Figure 1).

 

Les résultats de ces deux analyses ont ensuite été comparés afin de dégager des éléments compatibles entre elles et propres à chaque entretien concernant le sujet de recherche (voir figure 2).

 

Ensuite, ces éléments de l'analyse commune de chaque entretien ont été comparés et on a dégagé les résultats compatibles à l'intérieur de chaque groupe séparément. Ensuite on a dégagé les résultats généraux, à savoir compatibles aux deux groupes. (Voir Figure 3).

 

Bien que de nombreux points intéressants aient surgi de ces entretiens, nous ne présentons ici que les points compatibles concernant uniquement l'explication de l'erreur en traduction, compatibles autant aux deux groupes (résultats généraux) qu'à quelques personnes indépendamment de leur appartenance aux groupes (résultats particuliers) (Voir Figure 4).

 

 

Résultats particuliers

Nous abordons d'abord les résultats particuliers qui ne concernent pas les groupes dans leur ensemble, mais correspondent seulement à quelques personnes indépendamment de leur appartenance aux groupes définis. Ces résultats sont illustrés par des citations textuelles des entretiens:

1. Les enseignants qui privilégient la traduction comme produit ne cherchent pas à expliquer l'erreur mais donnent la solution de celle–ci.

''Je trouve que la meilleure manière de faire et satisfait le mieux les étudiants c'est quand on leur propose une solution et qu'ils peuvent voir qu'il y a une idée qui est plus claire, plus efficace...'' (A5).

''Avec une grille on corrige en clase, je montre comment un mot, une idée peut être mieux formulée...'' (A2).

''Yo les doy la solución, entonces ya ellos me dicen si están de acuerdo con que la regla aplica o no, y si no, seguimos con la explicación... normalmente me dicen: ‘profe, usted tiene razón'...'' (B3).

Au contraire, les enseignants qui reconnaissent l'importance du processus de traduction essayent de trouver l'explication des erreurs dans le processus de chaque étudiant.

''Quand il y a une erreur de sens, c'est important d'essayer de visualiser les choses ; comme professeur on doit essayer de voir d'où vient l'erreur, pourquoi les étudiants n'ont pas compris, et souvent c'est difficile ce qui se passe, parce qu'il y a trop des facteurs... mais c'est sûr qu'il y a quelque chose dans le processus que l'étudiant doit améliorer'' (A1).

''Il est indispensable d'expliquer les erreurs, puisqu'elles reflètent souvent des problèmes méthodologiques'' (A6).

''Évidemment s'il y a une erreur dans le processus de traduction, il va y avoir une erreur dans le produit fini, alors on doit chercher là'' (A2).

''L'erreur de méthode. Comme j'enseigne révision de traduction, je trouve que se réviser, se relire est fondamental dans le processus et s'ils ne sont pas habitués à faire ça il va y avoir des erreurs'' (A3).

Il est important de souligner que les enseignants qui s'intéressent au processus de traduction font de la traduction littéraire, et parmi eux l'un est également musicien. Au contraire, les enseignants qui portent leur attention sur le produit font de la traduction technique, économique ou commerciale.

2. La formation en didactique ne semble avoir aucune influence sur la façon dont les enseignants envisagent l'erreur de traduction, en tant que produit ou en tant que processus.

Formation en didactique.

''Bueno, yo miro el texto, señalo los errores con colores de acuerdo a la gravedad o a la tipología...'' (B5).

''Generalmente lo que hacemos es una discusión, pero yo le he señalado antes los errores en el texto, luego le hago caer en cuenta... bueno aquí hay un error de voz pasiva, o una cosa sintáctica o invierte esta parte que tiene problemas, entonces de igual forma es algo muy concertado'' (B1).

''On a tendance à employer un code pour les erreurs, alors quand j'ai donné les cours de traduction spécialisée j'ai utilisé ça de manière très exacte... chaque erreur a un code différent, pour la grammaire, la syntaxe, l'orthographe, mais je pense que c'est le rôle de l'enseignant de pouvoir trouver un lien entre ces erreurs et ce que l'étudiant fait, comment le fait...'' (A4).

Sans formation en didactique.

''J'utilise sur les copies un système de codification des erreurs que je présente aux étudiants en début de session. Cette codification est utilisée par tous les enseignants du département et les étudiants la connaissent donc bien. Si je fais bien mon travail, l'étudiant devrait être capable de comprendre seul ses erreurs à partir de cette codification.'' (A6).

''Je travaille avec une grille de correction, un certain nombre de types d'erreurs, et il y a un certain nombre de points qui est associé à un certain type d'erreurs, certains sont plus graves qu'autres, alors je trouve que ça c'est plus facile pour l'étudiant de voir quel type d'erreur il a tendance à faire de manière récurrente et de se corriger'' (A1).

''Bueno, yo en mi casa leo el texto, lo miro comparado con mi traducción y les señalo con rojo los errores que tienen, ya en la asesoría vemos si les parece y cuando no están de acuerdo es porque aún no han entendido que es un error'' (B3).

3. Le nombre d'etudiants a une influence nette sur le type d'explication de la part de l'enseignant.

''Cependant, comme tout n'est pas facile à expliquer et les groupes sont assez nombreux j'utilise aussi descapsules vidéo pour expliquer certaines choses en profondeur'' (A6).

''On corrige en classe des textes que je leur ai donnés pour la maison mais comme le groupe est assez nombreux, j'explique les erreurs qui ont été commises par tous et après s'il y a des questions ils viennent me voir'' (A2).

''Como los grupos son tan grandes es bastante difícil centrarse en los problemas de cada estudiante, uno socializa lo más recurrente para el grupo'' (B2).

''Es muy difícil, porque como asesor se tienen grupos muy grandes, todos con textos y temáticas diferentes ; uno no sabe de todo, entonces a veces cae en explicar errores superficiales por cuestiones de tiempo y de la cantidad de estudiantes'' (B1).

''Son justamente las asesorías personalizadas las que permiten establecer un vínculo con los estudiantes, conocerlos, entender cómo traducen, su proceso, lo que piensan... con todos estos elementos puedo entender sus errores, encontrarles una explicación desde el proceso que emplean al traducir y compartirla con ellos'' (B6).

 

Discussion de ces résultats particuliers

Le premier point concernant l'explication de l'erreur et sa solution (voir point 1) met clairement en évidence une différence entre les enseignants prenant en compte le processus et ceux qui n'envisagent que la traduction comme produit fini. Le traitement que l'enseignant donne aux erreurs semble ainsi dépendre, dans une mesure encore à évaluer, du penchant de l'enseignant vers le processus ou le produit.

Il est possible d'expliquer les erreurs commises dans une traduction à partir du processus de traduction réalisé (que s'est–il passé? que faisait le traducteur? qu'a–t–il omis de faire?, etc.), mais à ce moment l'explication dépasse l'erreur en ellemême pour devenir une explication de la méthode même de traduction.

Au contraire, si le point de vue porte uniquement sur le produit traductif, l'explication d'un mauvais processus disparaît au profit de la solution de l'erreur commise dans la traduction.

L'explication de l'erreur dans le processus de traduction a une importance évidente dans l'enseignement parce qu'elle aide à développer les compétences propres à chaque étudiant, ce qui permet à ce dernier de se sentir d'abord plus assuré dans sa démarche. Changer un processus fautif est aussi très rentable pour l'étudiant car cela se traduit par l'absence d'un nombre considérable d'erreurs dans les produits futurs. Corriger et améliorer le processus implique une diminution exponentielle des erreurs dans les traductions à venir, et l'étudiant se sent chaque fois mieux à même de s'attaquer à une grande diversité de textes. Comme le dit l'un des enseignants: '' El aspecto más interesante de la explicación del error de proceso es que puede desbloquear al estudiante... hay una parte subjetiva del error que limita al estudiante '' (B6). Pour envisager le processus traductif, il est nécessaire de réaliser un travail personnalisé, où l'enseignant peut envisager ce que chaque étudiant a fait et pourquoi il l'a fait. L'affirmation de l'identité de chaque étudiant comme traducteur, avec ses propres critères, est ainsi une conséquence inhérente à l'explication de l'erreur de processus, et qui éloigne également cette dernière d'une vision normative de l'erreur, laquelle réduit l'étudiant à réaliser une copie ou reproduction de quelques normes préexistantes.

Privilégier la solution de l'erreur comme explication de celle–ci a ainsi comme effet de laisser dans l'ombre l'individualité de chaque étudiant au profit d'une homogénéisation des traductions. Or, cette conséquence semble également découler de l'existence d'un groupe nombreux d'étudiants. On a en effet trouvé une influence du nombre d'étudiants dans les cours sur le mode d'explication de l'erreur (3). Il est évident qu'un groupe nombreux d'étudiants ne permet pas à l'enseignant de travailler les processus traductifs particuliers à chacun. Un groupe de 15 étudiants ou davantage oblige à l'enseignant à choisir les erreurs communes à la plupart et à ignorer ce qui est arrivé à chaque étudiant lors de la réalisation de la traduction.

Ces résultats ont aussi montré que le penchant vers le processus ne semble avoir une relation directe avec les études en didactique de la traduction (voir point 2 à la section précédente).

La recherche en traductologie sur le processus traductif est déjà bien avancée et on peut trouver la description d'un processus réussi de traduction dans des nombreux manuels et livres traductologiques (Lederer, 1994 ; Hurtado Albir, 1996; Nord, 2012). Cependant, il est moins fréquent de trouver ces principes adaptés à la didactique de la traduction, dont le besoin a connu un élargissement fulgurant ces dernières années avec un fourmillement de nouveaux instituts et programmes d'enseignement de la traduction partout dans le monde. Comme tout savoir pratique, la traduction était apprise par imitation comme un cumul d'expériences traductives, et une réflexion spécifique sur l'enseignement explicite de ce savoir pratique n'est pas encore suffisamment développée. À ce propos, on peut relever les commentaires didactiques du traducteur musicien qui appliquait dans sa pratique pédagogique des principes de la didactique musicale, bien plus développée.

Ce point met en évidence l'importance de continuer les recherches sur le processus de traduction, en particulier dans son lien avec la formation en didactique de la traduction.

 

Résultats généraux

La comparaison des analyses des entretiens a jeté plusieurs résultats concernant la différence entre les deux groupes, dont voici les plus importants.

1. Un premier point compatible aux deux groupes concerne l'influence du contexte linguistique.

4 enseignants du groupe A et 4 du groupe B font allusion à la relation entre le bilinguisme/ monolinguisme et les problèmes de traduction, tels les interférences. Cependant l'appréciation de la cause des interférences diffère entre les groupes: dans le groupe B, les interférences sont envisagées comme des fautes de langue, en tant que méconnaissance de l'étudiant. Dans le groupe A, elles sont envisagées comme des fautes de traduction, mais jamais comme méconnaissance langagière.

''Le Canada est un pays bilingue, on a alors les interférences linguistiques: des tournures anglaises, une structure anglaise même si le mot est français... avec ça on trouve les fautes de transfert propres du contexte'' (A2).

''Moi, par exemple, les anglicismes je les considère fautes de traduction, une personne les a faits parce qu'ici au Canada, il y a une influence de l'anglais, alors le bilinguisme va être un élément qui doit être inclus dans les fautes de traduction'' (A3).

''Ici on a les deux langues, comme langues officielles, donc il y a une grande valorisation de la langue mais dans la traduction ça va poser un problème à cause des interférences et si bien elles sont tout à fait normales, le traducteur doit être très attentif'' (A4).

''Je trouve que les interférences linguistiques ici au Canada, ne sont pas de fautes de langue parce que les étudiants connaissent assez bien les deux, mais des fautes de traduction parce qu'ils ont oublié de se relire, se réviser et tout ça, c'est une partie du processus de traduction'' (A1).

''Nuestro contexto influye mucho para que los estudiantes cometan errores ; somos un país monolingüe donde normalmente no se tienen los espacios para practicar las lenguas, entonces el estudiante no tiene un conocimiento en contexto, aún no maneja la lengua y muchos calcos van a ser futuros errores'' (B4).

''Yo veo que por nuestro contexto de monolingüismo, los estudiantes tienen problemas ligados al conocimiento de la lengua ; sobre todo cuando son calcos, interferencias [...] no se utilizan adecuadamente, aparecen muchos errores'' (B2).

''En Colombia solo se maneja el español, a pesar de que los estudiantes tienen un aproximamiento con el inglés desde el bachillerato, es solo en la Universidad donde aprenden la lengua y el tiempo no es suficiente para aprender realmente la lengua, aspecto que se va a evidenciar al traducir'' (B5).

''Obviamente nuestro contexto no puede ser una justificación para los errores, pero muchos vacíos de lengua influyen en las traducciones de los estudiantes'' (B1).

2. Absence de différenciation nette entre le processus d'apprentissage de la traduction et l'acte de traduire lui–même. Ce point a été retrouvé dans tous les entretiens du groupe B, à une exception près.

''Evidentemente si el estudiante comete errores es porque tiene falencias, vacíos durante el proceso de aprendizaje...no se hizo énfasis en la importancia de leer bien, de mejorar la lengua, de hacer búsquedas bibliográficas profundas (...) etc.'' (B2).

''Durante el proceso de aprendizaje hay muchos vacíos que van a tener repercusiones mayores en la traducción'' (B3).

''La traducción siempre tendrá como producto un texto, entonces la revisión constante de este producto permitirá ir corrigiendo cosas del proceso de aprendizaje que son las que obstaculizan una adecuada traducción'' (B4).

''Yo creo que la explicación en el proceso es fundamental, teniendo en cuenta que los estudiantes están en formación y el proceso de aprendizaje es algo de todos los días.'' (B5).

''Hay un proceso y un producto. Cuando en el proceso de aprendizaje hay vacíos, el producto, es decir la traducción, va a reflejar dichos problemas''

Cette confusion n'apparaît pas dans le groupe A qui, au contraire, distingue très clairement le processus d'apprentissage de la traduction du processus de traduire proprement dit, tout comme l'exception du groupe B.

''Il est clair qu'une erreur dans le produit résulte généralement d'un problème de processus (méthode de traduction)'' (A6).

''Quand l'étudiant traduit, il fait son propre processus, il doit dégager le sens, lire et relire, se réviser et se faire réviser... quand il ne fait pas ça, ou le fait d'une mauvaise manière, il va y avoir des erreurs'' (A4).

''Je dirais que justement le processus de traduction implique qu'on fasse une lecture très attentive du texte et après la recherche documentaire, terminologique qui s'impose avant de traduire... alors si les gens ne prennent pas le temps de faire tout ça il va y avoir des erreurs...'' (A3).

''Le processus pour traduire c'est très important ; on doit avoir une bonne méthodologie pour savoir comment résoudre tous les défis (...)'' (A5).

''Los errores en el proceso de traducción son muy interesantes porque revelan la manera de pensar de los estudiantes, aprendo a conocer a la persona misma. Por medio de los errores del producto se llega a los errores del proceso y a partir de una reflexión conjunta ellos empiezan a ser conscientes de lo que pasó y que los condujo a cometer un error'' (B6).

 

Discussion de ces résultats généraux

1. Les interférences sont dues au contexte langagier mais selon deux perspectives: le groupe B définit l'erreur comme une faute de langue et la justifie par le contexte monolingue du pays. Pour le groupe A les interférences sont dues également au contexte langagier du pays, à savoir bilinguisme, mais elles sont comprises comme fautes de traduction.

On peut relever que les deux groupes identifient les interférences comme étant dues au contexte langagier, mais ces deux groupes vivent deux contextes différents :

Groupe A: Le Canada est un pays bilingue où le français et l'anglais sont reconnus comme langues officielles. Au Québec la langue officielle, c'est le français, mais l'anglais est enseigné à l'école et par la proximité avec le Canada anglophone et les États Unis tout le monde parle presque au même niveau les deux langues. Il y a au moins 10 universités dans la province du Québec qui offrent des études en traduction, soit baccalauréat soit master. Les étudiants ont 5 années de formation exclusivement en traduction.

Groupe B: La Colombie est, par contre, un pays monolingue. Bien que l'anglais soit enseigné pendant la formation primaire et secondaire, le niveau d'anglais des étudiants n'est pas très élevé. L'Université d'Antioquia est la seule institution offrant le baccalauréat de Traduction anglaisfrançais– espagnol ; les étudiants suivent d'abord un cycle d'apprentissage de l'anglais et du français au cours des deux premières années, durant lesquelles ils ont également une introduction à la traduction. Les deux dernières années sont consacrées à l'acquisition des connaissances liées à la traduction proprement dite.

Il est ainsi devenu évident que la structure du programme académique dans chaque pays modèle la conception des enseignants quant à la détermination de la faute de langue ou de traduction concernant l'interférence. Au Canada, le bilinguisme est une condition donnée, et il reste donc à améliorer seulement le processus de traduction. Par contre, en Colombie les étudiants ont seulement deux années pour améliorer leur processus de traduction en même temps qu'ils continuent d'acquérir la langue.

L'exception du groupe B confirme cette influence du contexte. Ce seul enseignant du groupe B qui n'a pas utilisé la condition monolingue du pays pour justifier les erreurs des étudiants, a eu une formation dans un pays trilingue, est habitué aussi au plurilinguisme et considère que la langue n'est pas une contrainte indépassable pour réussir comme traducteur.

La comparaison des deux groupes semble donc démontrer, paradoxalement, que ni le monolinguisme ni le bilinguisme ne sont la cause principale des interférences.

Mais alors où réside la cause des interférences? Un petit aperçu des propositions de quelques traductologues permet de mettre en perspective ce résultat: Uriel Weinreich (1953) définissait l'interférence comme une déviation de la norme dans une des deux langues par une personne bilingue, le changement dans une langue par l'influence de l'autre. Pour expliquer les causes des interférences, il analysait quelques éléments linguistiques et extralinguistiques comme les relations entre les différentes communautés linguistiques, les moments où la langue est mêlée et la réaction que le groupe manifeste en face de la situation. Gideon Toury (1979) a proposé l''' interlangue '' comme une loi en traduction, pratiquement aucune traduction n'est complètement dépourvue des manifestations de l'interlangue ; les langues s'influencent entre elles. Amparo Hurtado Albir (1996) a proposé une compétence traductive obligatoire pour chaque traducteur, compétence qu'on peut appeler translatoire et qu'elle définit comme la prédisposition à effectuer le changement d'une langue à l'autre sans interférences, elle comprend donc l'interférence comme naturelle à la situation de contact de langues proposée par la traduction. Miquel Siquan (2001), offrant un point de vue plus général sur le bilinguisme et le contact entre les langues, propose une définition d'interférence liée aux problèmes présentés par le bilingue pour changer de code, loin de la maîtrise langagière des langues en présence, et due à l'incorporation des éléments propres de l'autre langue par la relation naturelle entre elles.

Remarquons quant à nous qu'une des bases de la traduction est le contact de langues, auquel le traducteur se confronte et qu'il doit maîtriser. Est–ce à dire que c'est bien la traduction en ellemême, entendue comme une pratique où le contact des langues se fait naturellement, qui est à la base des interférences? C'est bien une hypothèse qui se dégage de ce premier résultat général.

2. On a constaté une différence assez marquée entre les deux groupes concernant la distinction entre le processus d'apprentissage de la traduction et l'acte de traduire lui–même (qui est aussi un processus). Apprendre à traduire est un processus, mais un processus indépendant de celui qu'on réalise lorsqu'on traduit.

La différence nette entre les deux groupes nous a mené à rechercher un facteur concernant ce point dans les variables distinctes des deux groupes. On a trouvé que cette distinction pouvait avoir une relation avec le déroulement de l'évaluation dans chaque pays et dans chaque programme.

En effet, au Canada dès la première année, les étudiants font des exercices de traduction selon un propos clair, un client établi. Il y a des traductions qui sont faites pendant les cours, aussi bien que chez eux et qui sont commentées après coup et révisées durant le cours, mais il y a toujours un exercice in situ obligatoire important pour l'évaluation. Autant pour les étudiants que pour les enseignants ces exercices sont des pratiques habituelles; les enseignants reconnaissent l'importance et l'existence d'un processus de traduction et les étudiants sont habitués à travailler dans des conditions de temps restreint.

En Colombie, les deux premières années les étudiants font des petits exercices de traduction et beaucoup de travaux à la maison, lesquels ne sont pas évalués. Ensuite les deux années ultérieures, les étudiants réalisent des exercices de traduction chez eux qui seront corrigés pendant les cours. Les traductions in situ ne sont proposées qu'à la fin du parcours lors du stage de traduction, seul moment où ils sont évalués selon un acte de traduction précis et limité dans le temps.

Alors quel est l'effet pédagogique des exercices in situ de traduction?

L'enseignant B6 a remarqué à ce propos qu'ils ont un avantage indéniable, à savoir la prise de conscience de l'étudiant quant à son propre processus de traduction, qu'il peut alors mieux expliciter au tuteur. '' Se puede ver si el estudiante tiene un buen proceso de traducción o no lo tiene '' (B6).

Serait–il ainsi convenable d'adopter, comme stratégie pédagogique et méthodologique dans l'enseignement de la traduction, l'implémentation des traductions systématiques in situ, qui préparent l'étudiant à réagir positivement face aux situations stressantes et représentent pour l'enseignant la possibilité de mieux voir le processus de traduction de l'étudiant?

 

Conclusions

Après avoir discuté les résultats obtenus, on peut proposer certaines hypothèses qui devront être confirmées par des études quantitatives.

Interferences et contact des langues.

Dès la première année de formation les étudiants, orientés par les enseignants, devraient bâtir une séparation nette entre les deux langues impliquées dans la traduction, afin d'éviter les interférences propres au contact de langues. Ils devraient travailler à la construction d'un mur solide qui empêche de mêler les caractéristiques (syntaxiques, grammaticales, sémantiques) particulières de chaque langue avec celles de l'autre.

Influence pedagogique des evaluations in situ:

Il serait convenable de mettre systématiquement en pratique des activités évaluatives dans la salle de cours (traductions in situ), comme stratégie pédagogique pour mettre en évidence l'acte de traduire lui–même, et de cette façon s'approcher mieux du processus des étudiants et améliorer l'accompagnement qu'ils reçoivent.

 

Importance du processus de traduction.

Il est important de continuer les recherches sur le processus du traducteur afin d'améliorer et construire des stratégies pédagogiques efficaces pour la formation des étudiants.

 


NOTES

* Cet article présente les résultats de la recherche intitulée ''L'explication de l'erreur en traduction: orientation du savoir pratique vers le produit or vers le processus'', menée dans le cadre du programme ''Projets de recherche des étudiants de baccalauréat'' de l'Université d'Antioquia, Groupe de recherche en sémiologie saussurienne. École de langues, Université d'Antioquia (UdeA); Calle 70 N°. 52–21, Medellín. Colombia. Cette recherche a été réalisée grâce aux enseignants du programme de Traduction anglais–français–espagnol de l'École de langues de l'Université d'Antioquia et ceux du programme de Traduction professionnelle de l'Université de Sherbrooke, qui ont bien voulu accepter de participer à nos entretiens. Qu'ils en soient ici sincèrement remerciés.


 

Références

Hatim, B., & Mason, I. (1997). Translator as communicator. Londres et New York: Routledge.         [ Links ]

Hurtado Albir, A. (1996). La enseñanza de la traducción. Castelló: Universitat Jaume I.         [ Links ]

Lederer, M. (1994). La traduction aujourd'hui: le modèle interprétatif. Paris: Hachette.         [ Links ]

Lee–Jahnke, H. (2001). Aspects pédagogiques de l'évaluation en traduction. Meta. 46(2), 258–271.         [ Links ]

Mejía Quijano, C. (2009). L'erreur: la place du traducteur. En Forstner, M., Lee–Jahnke, H., & A. Schmitt, P. (eds.). CIUTI–FORUM 2008. Enhancing translation quality: ways, means, and methods (313– 326). Bern: Peter Lang.         [ Links ]

Mejía Quijano, C., Ansermet, F., & Germond, M. (2006). Parentalité stérile et procréation médicalement assistée. Le dégel du devenir. Ramonville Saint–Agne: Érès.         [ Links ]

Mejía Quijano, C. & Marmolejo, S. (2010). Las prácticas de transferencia, laboratorio del habla. Entornos, 23, 93–103.         [ Links ]

Nord, C. (2012). Texto base–texto meta. Un modelo funcional de análisis pretraslativo. Universitat Jaume I. Servei de Comunicació i Publicacions.         [ Links ]

Nord, C. (1996). El error en la traducción: categorías y evaluación. En A. Hurtado Albir (ed.). La enseñanza de la traducción. Castellón: Publicaciones de la Universidad Jaume I.         [ Links ]

Siguan, M. (2001). Bilinguismo y lenguas en contacto. Madrid: Alianza.         [ Links ]

Toury, G. (1979). Interlanguage and its manifestations in translation. Meta. 24, 223–231.         [ Links ]

Weinreich, U. (1953). Languages in contact. French, German and Romansh in twentieth–century Switzerland. New York: Linguistic Circle of New York.         [ Links ]