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Estudios Socio-Jurídicos

Print version ISSN 0124-0579

Estud. Socio-Juríd vol.6 no.2 Bogotá July/Dec. 2004

 

La responsabilité civile dans la jurisprudence du conseil constitutionnel français

Tatiana Oñate*

*Coordinadora de la Maestría en Derecho administrativo de la Facultad de Jurisprudencia, Universidad del Rosario.

Recibido: marzo de 2004 Aprobado: julio de 2004


La lecture hâtive du sujet pourrait laisser croire à une erreur de frappe. En effet, il peut paraître surprenant de s'interroger en droit de la responsabilité civile sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel et non sur celle de la Cour de cassation. Ce sujet est le reflet de l'évolution du droit constitutionnel, qui a été cantonné pendant longtemps à l'organisation de l'Etat et des pouvoirs publics et qui a progressivement abordé des principes qui relèvent d'autres secteurs du droit, comme le droit privé, le droit civil. C'est le phénomène de "constitutionnalisation des branches de droit", propre aux droits modernes. Bien qu'il soit apparu tardivement en France, il n'est pas sans conséquence sur le droit de la responsabilité civile.

La responsabilité civile se définit comme l'ensemble des règles par lesquelles l'auteur d'un dommage est obligé à réparer le préjudice causé à autrui en offrant à celui qui a subi le dommage une compensation.1Elle sera entendue ici comme englobant la responsabilité extracontractuelle et contractuelle. En 1804, les rédacteurs du Code civil, s'inspirant des travaux de Domat (XVIIème siècle) ont introduit dans le code civil le principe général de la responsabilité civile. Ils ont construit un système de responsabilité dont le fondement essentiel était la notion de faute ; l'article 1382 du Code civil énonçait en effet que "Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". Ce texte est devenu le droit commun du régime général de responsabilité civile français.

Si les textes du code civil relatifs au droit de la responsabilité demeurent inchangés, leur contenu a été réinterprété. Le droit de la responsabilité est en constante évolution,2 l'une des mutations les plus importantes qu'il ait subie, réside dans le fait que la responsabilité a perdu une grande partie de son caractère individuel sous l'influence du développement de l'assurance à tel point que d'aucuns ont mis en lumière ce "déclin de la responsabilité individuelle3".

Par ailleurs, la responsabilité civile est de moins en moins souvent subordonnée à la preuve d'une faute, ce qui entraîne l'accroissement du nombre des hypothèses de responsabilité "objective ou de plein droit". Ces régimes dérogent au régime général de responsabilité civile pour faute contenu dans l'article 1382 du Code civil. En outre, la collectivité prend en charge directement certains risques excluant alors le jeu de la responsabilité civile.

Les évolutions du droit de la responsabilité ont mis en valeur sa fonction réparatrice, afin d'assurer une meilleure indemnisation aux victimes. Il existe cependant de nombreuses controverses sur l'opportunité des changements opérés ou sur le rôle que la faute joue encore actuellement. Ainsi, les fondements ayant servi de support à la construction du système de responsabilité civile français, ont été contestés et même abandonnés à plusieurs reprises, sans qu'à présent il soit possible de déterminer quels doivent être les "fondements de rechange". Le travail du juge et du législateur sur le droit à réparation a été fondamental. Le législateur a instauré des régimes spéciaux de responsabilité sans faute protégeant particulièrement les victimes d'activités dangereuses. Or, la liberté reconnue au législateur de modifier le droit de la responsabilité, n'est plus désormais totale, il doit prendre en compte un nouveau système de références incarné par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

La Constitution de la Vème République, du 4 octobre 1958, a créé le Conseil constitutionnel. Cette institution a pour but d'assurer, parmi d'autres attributions, la vérification de la conformité des lois à la Constitution. Ainsi, dans l'exercice du contrôle dont il est investi, le Conseil confronte les lois qui lui sont soumises aux dispositions de la Constitution de 1958, mais aussi aux textes auxquels son préambule se réfère: à la Déclaration de droits de l'homme et du citoyen de 1789, au préambule de la Constitution de 1946 et aux "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République" que vise le préambule de 1946. Ces normes, dont le Conseil constitutionnel se sert pour déclarer la validité juridique des lois, constituent le "bloc de constitutionnalité". Le contrôle de constitutionnalité des lois exercé par le Conseil constitutionnel est juridictionnel car lors de l'examen du contenu des textes, le Conseil se prononce exclusivement en droit.

Pour qu'une loi puisse être contrôlée par le Conseil constitutionnel, il faut qu'elle lui soit déférée préalablement à sa promulgation. En France, le contrôle de constitutionalité a, en effet, un caractère préventif ou a priori. Il en ressort que lorsqu'une loi a été promulguée —soit parce que le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi soit parce qu'il a rendu une décision de conformité— elle ne doit plus pouvoir faire l'objet d'une contestation á quelque titre que ce soit4. En droit français, l'exception d'inconstitutionnalité, qui permet à tout justiciable de saisir le Conseil constitutionnel afin que soit déclarée la non-conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée, n'est admis que dans certains cas et en imposant des conditions très strictes.5

Le contrôle de constitutionnalité des lois est facultatif puisqu'il n'est exercé que sur saisine du Conseil constitutionnel, par le Président de la République, ou par le Premier ministre ou par l'un des Présidents des assemblés parlementaires ou par soixante députés ou soixante sénateurs.6

Quant à l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel, l'article 62 de la constitution, dispose qu'elles "s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles". D'autre part, le Conseil lui-même estime que l'autorité de ses décisions "s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même".

Lors du contrôle de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a élaboré une jurisprudence relative à la responsabilité civile. Dans le cadre de l'interprétation des textes du "bloc de constitutionnalité", le Conseil a conféré une protection constitutionnelle au principe général de responsabilité civile pour faute consacré par l'article 1382 du Code civil. Ce qui pourrait remetre en cause les règles générales de la responsabilité civile. La protection constitutionnelle du principe général de responsabilité civile pour faute a été reconnue pour la première fois dans une décision du 22 octobre 1982. Par la suite, la plupart des décisions du Conseil qui concernaient la responsabilité civile ont repris ces principes. Ainsi, le Conseil constitutionnel en se servant du principe constitutionnel d'égalité, a élaboré un ensemble d'exigences afin de limiter l'action du législateur dans le domaine de la responsabilité civile. Puis, dans une décision du 9 novembre 1999 le Conseil constitutionnel a laissé de côté la référence au principe d'égalité et s'est fondé directement sur l'article 1382 du Code Civil en considérant qu'il traduisait une "exigence constitutionnelle" . Notre réflexion portera sur les conséquences de cette affirmation.

Il sera tout d'abord utile d'analyser les premières décisions du Conseil constitutionnel examinant la responsabilité civile, puis de confronter leur solution avec celle donnée en 1999 par le Conseil constitutionnel

(Ière partie). L'étude de cette décision nous conduira à envisager la portée de la constitutionnalisation du principe général de la responsabilité civile pour faute (IIème partie).

I. L'ELABORATION DE LA JURISPRUDENCE CONSTITUTIONNELLE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ CIVILE

Si l'on essaie de schématiser l'élaboration de la jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant le droit de la responsabilité civile, on pourrait identifier deux étapes.

Dans un premier temps, le Conseil constitutionnel en se servant du principe constitutionnel d'égalité, a élaboré un ensemble d'exigences à valeur constitutionnelle afin de limiter l'action du législateur dans le domaine de la responsabilité civile (1). Par la suite, le Conseil constitutionnel a laissé de côté la référence au principe d'égalité et s'est fondé directement sur l'article 1382 du Code Civil en considérant qu'il traduisait une "exigence constitutionnelle"(2).

1. LA PROTECTION DU DROIT À RÉPARATION DES VICTIMES PAR LE PRINCIPE D'EGALITE

Dans une première étape, le Conseil constitutionnel a assuré, d'une façon indirecte, la protection du principe général de la responsabilité civile pour faute en recourrant au principe constitutionnel d'égalité. Il s'agit d'analyser ici, d'une part, quelle a été la démarche suivie par le Conseil constitutionnel afin d'assurer cette protection et, d'autre part, quels contours les décisions du Conseil constitutionnel ont pu donner au droit de la responsabilité civil. Dans cette optique, on envisagera d'abord la première décision du Conseil constitutionnel (1.1) et ensuite, les développements postérieurs de sa jurisprudence (1.2).

1.1. La decision fondatrice du 22 Octobre 1982:7 La protection du droit des victimes d'actes fautifs d'obtenir reparation8

1.1.1 Le lien entre la réparation et la faute

Cette décision est la première que le Conseil constitutionnel ait rendu concernant le droit de la responsabilité civile. En l'espèce, il s'agissait de déterminer si la limitation opérée dans ce domaine par l'article 8 de la loi relative au développement des institutions représentatives du personnel, loi "Auroux", était conforme à la Constitution. Cet article énonçait "[qu'] aucune action ne peut être intentée à l'encontre de salariés, en réparation des dommages causés par un conflit collectif de travail où à l'occasion de celui-ci, hormis les actions en réparation du dommage causé par des faits manifestement insusceptibles de se rattacher à l'exercice du droit de grève ou du droit syndical".

Les auteurs de la saisine considéraient que cet article introduisait une discrimination entre les victimes d'actes fautifs ayant leur origine dans un conflit de travail se rattachant à l'exercice du droit de grève ou du droit syndical et portait, de ce fait, atteinte au principe à valeur constitutionnelle d'égalité devant les charges publiques.

En effet, en l'absence d'infraction pénale, les victimes ne pouvaient obtenir aucune espèce de réparation de la part des auteurs ou coauteurs de fautes, même graves, leur ayant causé un dommage à l'occasion d'un tel conflit. La discrimination était d'autant plus évidente qu'aucune disposition particulière ne permettait aux victimes de s'adresser à une autre personne physique ou morale pour obtenir réparation du dommage.9

C'est pourquoi, le Conseil constitutionnel a donné raison aux auteurs de la saisine et a condamné le législateur qui établissait "une discrimination manifeste au détriment des personnes à qui il interdit, hors les cas d'infraction pénale, toute action en réparation". Ainsi, le Conseil soulignait que le législateur "ne peut (...) dénier dans son principe même le droit des victimes d'actes fautifs (...) à l'égalité devant la loi et les charges publiques". De cette façon, en s'appuyant sur le principe d'égalité, le Conseil constitutionnel a considéré que le législateur ne pouvait édicter de dispositions refusant aux victimes d'actes fautifs toute espèce de réparation. Et cela d'autant plus que "le droit français ne comporte, en aucune matière, un régime soustrayant à toute réparation les dommages résultant de fautes civiles imputables à des personnes physiques ou morales de droit privé, quelle que soit la gravité de ces fautes". C'est en se fondant sur le principe d'égalité que le Conseil a dégagé un principe de réparation des dommages fautifs dont la valeur constitutionnelle est empruntée au principe d'égalité lui-même.10

1.1.2. Les contours du droit de la responsabilité civile tracés par la décision de 1982

Cette décision peut être analysée comme comportant, tout d'abord, un principe général de responsabilité civile pour faute (1.1.2.1), puis, plus particulièrement, et d'une façon résiduelle, un principe de réparation intégrale (1.1.3.2).

1.1.2.1 Les contours du principe général de responsabilité civile pour faute

En premier lieu, comme nous venons de le souligner, le législateur ne peut édicter de dispositions refusant aux victimes d'actes fautifs toute espèce de réparation.Toutefois rien ne l'empêche, si besoin est, de définir de façon restrictive, les obligations qui s'imposent aux citoyens dans l'exercice de leurs droits et leurs libertés.11 Ainsi, le Conseil constitutionnel a considéré qu'il appartenait au législateur de "tracer avec précision la limite séparant les actes et comportements licites des actes et comportements fautifs, de telle sorte que l'exercice de ces droits ne puisse être entravé par des actions en justice abusives". Cette possibilité laissée au législateur s'avère fondamentale car elle lui permet de limiter la notion de faute et en conséquence, non seulement de restreindre l'engagement de la responsabilité, mais aussi, les possibilités d'obtenir réparation.

En deuxième lieu, s'il est vrai que le législateur ne pouvait méconnaître le droit à réparation des victimes d'actes fautifs, en édictant des textes qui refuseraient toute espèce de réparation, il n'est pas moins certain qu'il avait la faculté d'envisager des hypothèses d'irresponsabilité même en cas de faute, à condition de prévoir, au profit des victimes, un autre système d'indemnisation. C'est ainsi que le Conseil constitutionnel, après avoir rappelé le principe selon lequel "tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer", énonçeait que "dans certaines matières, le législateur a institué des régimes de réparation dérogeant partiellement à ce principe, notamment en adjoignant ou en substituant à la responsabilité de l'auteur du dommage la responsabilité ou la garantie d'une autre personne physique ou morale". Cependant, cette solution qui semblait être bien acquise, paraît remise en cause par une décision récente du Conseil constitutionnel, dont nous reparlerons en étudiant la constitutionnalisation de l'obligation de réparation (Section 2).

En dernier lieu, les juges constitutionnels ont voulu sanctionner l'indifférence du législateur à l'égard du critère de la gravité de la faute génératrice du dommage et se sont pour cela contentés de déclarer inconstitutionnel le refus de toute réparation même en cas de dommage causé par une faute d'une gravité particulière (faute lourde, faute inexcusable...). Cette analyse affaiblissait considérablement la portée du principe de réparation puisqu'elle semblait autoriser que fussent laissés à la charge des victimes les dommages causés par une faute légère.

Le Conseil constitutionnel a confirmé dans des décisions ultérieures que la gravité de la faute devait être prise en compte, ce qui interdisait au législateur de refuser tout droit à réparation aux victimes. Mais, avant d'analyser ces décisions, il y a lieu d'aborder rapidement les apports de la décision de 1982 en ce qui concerne le principe de réparation intégrale.

1.1.2.2. Le principe de réparation intégrale

Précisons tout d'abord, que le principe de réparation intégrale consacré par le droit français n'a pas de valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a affirmé, dans sa décision du 22 octobre 1982, qu'il appartient au législateur "le cas échéant, d'aménager un régime spécial de réparation approprié conciliant les intérêts en présence". Il semblait ressortir de cette affirmation qu'il serait possible d'exclure la réparation en cas de faute simple. Le Conseil semblait en outre autoriser des limitations légales du droit à réparation même en cas de faute grave. Cette interprétation conférait au législateur une marge de manœuvre très large pour édicter des plafonds ou forfaits d'indemnisation restreignant les droits des victimes. Cependant, nous reviendrons sur ce point , car le Conseil constitutionnel semble avoir remis en cause cette analyse par sa décision de 1999.

Si l'analyse de l'apport de la décision de 1982 doit rester prudente et mesurée, l'existence d'un lien entre la faute et la réparation demeure le fil conducteur. En effet, le lien entre la faute et la réparation est le fondement sur lequel s'appuie la construction de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relativement au droit de la responsabilité civile. Bien plus, le Conseil continuera, dans ses décisions postérieures, à s'y référer.

1.2 Les evolutions posterieures de la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1983 a 1994

La construction de la jurisprudence constitutionnelle relativement au droit de la responsabilité civile s'est faite à partir des termes de la décision du Conseil constitutionnel de 1982 (1.2.1). Néanmoins, d'autres décisions se sont éloignées des critères dégagés par le Conseil en 1982; elles semblent constituer un droit spécial fondé sur l'opportunité des solutions qu'elles retiénnent (1.2.2)

1.2.1 Le droit commun de la responsabilité et de la réparation

L'importance donnée par le Conseil constitutionnel à la gravité de la faute l'a conduit à interdire le refus de réparation des victimes dès 1982, et sous-tend ses décisions postérieures.

Ainsi, dans les décisions des 19 et 20 juillet 198312 le Conseil constitutionnel était appelé à se prononcer sur la conformité à la Constitution de la loi sur la démocratisation du service public. Saisi d'un moyen relatif au principe de réparation, il a considéré que "sans qu'il soit besoin de rechercher si un tel principe a valeur constitutionnelle, il suffit d'observer que s'il s'oppose au refus absolu de toute réparation sans égard à la gravité de la faute, il ne s'oppose pas (...) à certaines exonérations de responsabilité pour des fautes présumées excusables". Le Conseil se garde d'examiner la valeur constitutionnelle du principe de réparation. Il est possible de déduire de ce considérant que serait inconstitutionnel "le refus absolu de toute réparation sans égard á la gravité de la faute" et que ne serait pas inconstitutionnel le refus de réparation dans le cas où la faute commise serait présumée excusable.

Par ailleurs, la jurisprudence adoptée postérieurement par le Conseil constitutionnel semble admettre que les auteurs fautifs d'un dommage ne pourraient bénéficier d'une exonération de responsabilité, dès lors que leur faute excéderait une certaine gravité.

Ainsi, le principe d'égalité imposerait, non seulement que les victimes d'actes fautifs bénéficient d'un traitement identique, mais encore que certains auteurs d'actes dommageables ne bénéficient pas d'un traitement plus favorable injustifié. En effet, dans la décision du 7 novembre 198913, le Conseil constitutionnel censure une disposition de la loi sur l'immunité parlementaire selon laquelle "ne donnera lieu à aucune action le rapport d'un parlementaire établi pour rendre compte d'une mission confiée par le gouvernement (...)". Le Conseil constitutionnel considère que cette disposition est contraire á la constitution en ce que "la loi déférée en exonérant de façon absolue de toute responsabilité pénale et civile un parlementaire pour des actes distincts de ceux accomplis par lui dans l'exercice des ses fonctions, méconnaît le principe constitutionnel d'égalité devant la loi et est par suite contraire à la Constitution".

En outre, le principe selon lequel les auteurs d'un dommage,dont la faute excéderait une certaine gravité, ne peuvent bénéficier d'une exonération de responsabilité, est réaffirmé dans la décision du 17 janvier 1989.14 En l'espèce, le Conseil constitutionnel était saisi de la conformité à la Constitution de la loi relative à la liberté de communication. En effet, l'une des dispositions de la loi déférée exonérait de toute responsabilité le président du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel pour les mesures prises en exécution de ses décisions. Le Conseil constitutionnel déclara que la disposition n'était pas conforme à la Constitution car elle violait le principe constitutionnel d'égalité ; En effet : "nul ne saurait, par une disposition générale de la loi, être exonéré de toute responsabilité personnelle quelle que soit la nature ou la gravité de l'acte qui lui est imputé".

Quant au principe de réparation intégrale, c'est dans la décision du 13 décembre 1985 que le Conseil constitutionnel va s'y référer. La loi déférée à la censure du Conseil visait à permettre l'installation et l'exploitation sur les propriétés bâties de moyens de diffusion par voie hertzienne et la pose d'équipements nécessaires à leur fonctionnement en vue d'améliorer la communication audiovisuelle. Le texte en cause n'avait pas prévu l'indemnisation du préjudice pouvant provenir de la servitude liée à l'existence de l'installation et limitait l'indemnisation au seul "préjudice résultant des travaux d'installation, de pose ou d'entretien des moyens de diffusion". C'est pourquoi le Conseil constitutionnel après avoir relevé que la loi avait ainsi écarté la réparation de tout préjudice autre que ceux strictement visés par elle, censure la disposition au motif que "le principe d'égalité devant les charges publiques ne saurait permettre d'exclure du droit à réparation un élément quelconque du préjudice indemnisable résultant des travaux ou de l'ouvrage public."15

Si une lecture rapide de la décision pouvait laisser croire que le Conseil avait élevé au rang constitutionnel le principe de réparation intégrale, une telle interprétation ne saurait être retenue. En effet, le principe de réparation intégrale n'a pas changé de niveau de protection. D'après de Mlle Viney, la solution se justifie par le fait que "l'indemnisation ici en cause était seulement celle qui est due à la victime d'un dommage de travaux publics ou causé par un ouvrage public, ce qui explique d'ailleurs la référence au principe "d'égalité devant les charges publiques", fondement classique de la réparation de ces dommages" Par conséquent, la décision "ne concerne qu'un domaine très particulier de la responsabilité de la puissance publique."16

Enfin, le Conseil constitutionnel s'est placé sur le terrain du droit à réparation, dans une décision du 20 juillet 1998.17 Il s'agissait d'une loi d'amnistie, dont le Conseil a censuré les dispositions imposant la réintégration de salariés pouvant avoir commis des actes délictueux ou illicites ayant motivé leur licenciement. Ainsi, le Conseil jugeait-il que de telles dispositions pouvaient "affecter la liberté personnelle de l'employeur et des salariés de l'entreprise en leur imposant la fréquentation, sur les lieux de travail, des auteurs d'actes dont ils ont été victimes". Selon M. Molfessis, il faudrait déduire de cette décision qu'il existe un droit constitutionnellement protégé au bénéfice d'une victime d'un acte délictueux à ne pas se trouver en contact avec l'auteur du dommage. D'après lui, il existerait une sorte de réparation en nature qui consisterait à laisser la victime bénéficier d'un droit à la tranquillité.18

La plupart des décisions qui viennent d'être citées ont en commun de censurer le législateur qui a instauré un régime qui ne permettait pas la réparation des dommages résultant de fautes civiles. Ces décisions ont certes confirmé la décision fondatrice de 1982, mais elles en ont prolongé et complété les apports. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a ainsi conduit à créer un seuil minimum de protection du principe général de responsabilité civile pour faute, auquel le législateur ne peut déroger lors de l'élaboration d'un nouveau texte.

Or, le Conseil constitutionnel s'est éloigné de sa propre démarche par une décision du 27 juillet 1994 concernant les lois dites de "bioéthique".

1.2.2 Le droit de la responsabilité en matière de procréation médicalement assistée

Dans la décision du 27 juillet 199419 le Conseil constitutionnel était saisi tant de la loi relative au respect du corps humain que de celle relative à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal. L'article 10 de la première loi visait à insérer dans le Code civil un nouvel article 311-19, selon lequel, en cas de procréation médicalement assistée avec "tiers donneur", aucun lien de filiation ne pourrait être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation et aucune action en responsabilité ne pourrait être exercée à l'encontre du donneur. Cette exclusion de toute action en responsabilité dirigée contre le donneur était critiquée par les députés auteurs de la saisine, qui arguaient de la méconnaissance par le texte d'un principe de responsabilité personnelle. Le Conseil constitutionnel a rejeté la demande au motif "[qu']aucune disposition, ni aucun principe à valeur constitutionnelle ne prohibe les interdictions prescrites par le législateur d'établir un lien de filiation entre l'enfant issu de la procréation et l'auteur du don et d'exercer une action en responsabilité à l'encontre de celui-ci."20

La comparaison de la décision du 27 juillet 1994 avec les décisions antérieures du Conseil constitutionnel pourrait surprendre. En effet, dans sa décision de 1982, le Conseil avait déclaré non conforme à la Constitution l'interdiction, faite à une victime d'un acte fautif, d'exercer toute action en réparation. Or, dans sa décision du 27 juillet 1994, le Conseil constitutionnel s'écarte de ce principe.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 27 juillet 1994, a admis l'instauration, en matière de procréation médicalement assistée, d'un régime soustrayant à toute réparation les dommages résultant du don lui-même

En cas de faute de l'auteur du don, comme par exemple la dissimulation d'une maladie, l'enfant issu de la procréation artificielle pourrait subir les conséquences physiologiques ou morales de cette affection, mais serait privé de toute possibilité d'agir en réparation. Il s'agit de ne pas rendre le don impraticable, le nombre de donneurs étant déjà limité du fait des conditions à remplir,21 il serait regrettable de dissuader les donneurs, en ne les préservant pas d'une éventuelle action en responsabilité pour faute. D'après M. Molfessis, le revirement opéré par la décision serait un revirement de "pure opportunité", dont la portée serait limitée à l'hypothèse de l'espèce envisagée, c'est à dire l'action en responsabilité intentée par l'enfant issu de la procréation assistée contre le donneur.22

Finalement, les solutions adoptées par le Conseil constitutionnel semblaient bien acquises, mais pourraient être remises en cause dans la mesure où le Conseil constitutionnel, lui-même, a affirmé en 1999 que l'article 1382 du Code civil traduit "une exigence constitutionnelle". Cette décision constitue de toute évidence un bouleversement dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel dont nous venons d'identifier les contours.

2. L'EMERGENCE D'UN PRINCIPE À VALEUR CONSTITUTIONNELLE:23 L'OBLIGATION DE RÉPARATION

Nous avons déjà montré comment le Conseil constitutionnel en se servant du principe d'égalité, qui à valeur constitutionnelle, a construit un ensemble d'exigences auxquelles le législateur devrait se soumettre lorsqu'il entreprend d'introduire des aménagements dans le domaine de la responsabilité civile. En effet, le Conseil constitutionnel a choisi de protéger le droit des victimes d'actes fautifs à la réparation des préjudices dont elles avaient souffert, tout en évitant d'ériger en principe constitutionnel le principe général de responsabilité civile pour faute. Le Conseil considérait que l'existence de régimes dérogatoires au principe général de responsabilité civile pour faute s'opposait à une constitutionnalisation directe de ce principe.

Cependant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel apparaît remise en cause par une décision récente du Conseil qui semble ériger en principe constitutionnel les dispositions de l'article 1382 du Code Civil (2.1). Il pourrait résulter de cette décision l'abandon des solutions adoptées dans le passé, particulièrement celles dégagées dans la décision de 1982 (2.2).

2.1 La decision du 9 Novembre 199924

Cette décision sera analysée dans une double perspective, il faudra étudier la protection accordée au principe de la responsabilité civile pour faute (2.1.1) avant que de s'intéresser au fondement sur lequel elle s'appuie (2.1.2)

2.1.1 L'article 1382 du code civil traduit "une exigence constitutionnelle"

Dans sa décision du 9 novembre 1999, le Conseil constitutionnel statuait sur la constitutionalité de la loi relative au pacte civil de solidarité, il a alors énoncé que l'article 1382 du Code civil traduisait une "exigence constitutionnelle".

Dans cette espèce, le Conseil devait se prononcer sur la faculté de rupture unilatérale du pacte. Les auteurs de la saisine reprochaient à cette disposition de s'apparenter à une "répudiation" contraire au principe de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Le Conseil constitutionnel rappela que l'article 517-7 du Code civil dispose que "le partenaire auquel la rupture est imposée pourra demander réparation du préjudice éventuellement subi, notamment en cas de faute tenant aux conditions de la rupture" puis énonça que "dans ce dernier cas, l'affirmation de la faculté d'agir en responsabilité met en oeuvre l'exigence constitutionnelle posée par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dont il résulte que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer".

Ainsi, le Conseil constitutionnel a reproduit les termes de l'article 1382 du Code civil en énonçant que"tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé á le réparer". La solution donnée par cette décision est nouvelle en ce qu'elle invoque directement les dispositions de l'article 1382 du Code civil pour protéger constitutionnellement le droit du partenaire à obtenir réparation en cas de rupture fautive du pacte de solidarité.

Or, le Conseil s'était déjà référé à l'article 1382 du Code civil dans sa décision du 22 octobre 1982, en invoquant le principe selon lequel "nul n'ayant le droit de nuire à autrui, en principe tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". On pourrait, donc, s'étonner du fait que cette fois-ci la référence aux dispositions de l'article 1382 du code civil soit considérée comme novatrice. Or, s'il est vrai que la décision de 1982 a invoqué les dispositions de l'article 1382 du Code civil, il n'en est pas moins certain qu'elle l'a fait afin de sanctionner les atteintes au principe d'égalité provenant des différences de traitement entre les victimes. C'était, donc, sur la base du principe d'égalité et non pas sur celle des dispositions de l'article 1382 du Code civil que la protection constitutionnelle était fondée. Au contraire, dans la décision de 1999, le principe d'égalité ne joue plus et c'est bel et bien le principe général de responsabilité civile pour faute qui va assurer, à lui-seul, cette protection. Toutefois, la décision de 1999 relie étrangement l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 aux dispositions de l'article 1382 du Code civil, de sorte que c'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui s'avère être le fondement de cette nouvelle exigence constitutionnelle de réparation du préjudice causé à la victime.

2.1.2 Le rattachement à l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen

La valeur constitutionnelle attribuée à la responsabilité pour faute par la décision de 1999, est fondée sur l'article 4 de la Déclaration de 1789 selon lequel "la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi". D'après le Conseil constitutionnel, cet article pose une exigence constitutionnelle "dont il résulte que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer".

Il en ressort que selon la Déclaration de 1789, il est loisible de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, que la liberté des sujets de droit est limitée par la reconnaissance de la même liberté aux autres sujets de droit, même si le contenu de la liberté peut être restreint par des dispositions légales. Quant aux dispositions de l'article 1382 du code civil , elles imposent aux sujets de droit qui ont par leur faute causé un dommage, d' en assurer la réparation.

Si bien que dans les deux textes, le fait d'accomplir un acte qui nuit à un autre sujet de droit est réprimé, même si le texte de l'article 1382 du code civil y ajoute une obligation de réparer le dommage causé. La décision du Conseil constitutionnel permet donc " [d']établir un lien d'équivalence entre cette définition de la liberté [donnée par l'article 4 de la Déclaration de 1789] et la prescription de l'article 1382 du code civil qui impose à l'auteur d'un dommage causé par sa faute de la réparer en versant à la victime une compensation, généralement pécuniaire."25

La reconnaissance générale d'un lien entre l'exercice de la liberté et l'obligation de réparation pourrait conduire à une interprétation étendue de la décision de 1999, appliquant le principe retenu à l'ensemble du droit de la responsabilité. Selon Mlle Viney, cette interprétation conduirait à constitutionnaliser tout le droit de la responsabilité qui, par hypothèse, sanctionne les comportements nuisibles à autrui.26Cependant, elle ajoute qu'il est très improbable que les rédacteurs de cette décision aient réellement voulu aller aussi loin alors surtout qu'ils n'ont reproduit que les termes de l'article 1382 du code civil.

2.2 L'abandon d'une partie des solutions dégagées par la décision du Conseil Constitutionnel du 22 Octobre 1982

La décision du 9 novembre 1999, à différence de celle du 22 octobre 1982, s'appuie directement sur l'article 1382 du Code civil, et non pas sur le principe d'égalité, pour protéger constitutionnellement le droit à réparation "des victimes d'actes fautifs". La nouvelle décision impose donc l'obligation, à la charge de l'auteur du fait dommageable, de réparer les conséquences de sa faute. En cela, elle s'éloigne de la solution fondatrice du Conseil constitutionnel qui s'en tenait à garantir un droit à réparation au bénéfice de la victime d'un fait fautif, quelle que soit la source d'indemnisation.

En 1982, le Conseil constitutionnel s'était abstenu d'élever au rang constitutionnel l'article 1382 du Code Civil, car dans certaines matières, le législateur avait institué des régimes de réparation dérogeant partiellement au principe général de responsabilité civile pour faute ; la constitutionnalisation de l'article 1382 du code civil aurait empêché le législateur de limiter les conséquences du principe de responsabilité civile pour faute. Cependant, il semble que le Conseil constitutionnel ait reconnu, dans sa décision de 1999, la valeur constitutionnelle du principe général de responsabilité civile pour faute, sans expliquer les raisons de cette nouvelle solution. En conséquence, le législateur ne devrait plus pouvoir créer de nouveaux régimes spéciaux de responsabilité.

En revanche, le législateur conserve la faculté de tracer les frontières de la faute en définissant les obligations s'imposant aux citoyens,27 si bien qu'il peut encore modifier les conditions d'engagement de la responsabilité.

II. LES ENJEUX DE LA CONSTITUTIONNALISATION DU PRINCIPE GÉNÉRAL DE RESPONSABILITÉ CIVILE POUR FAUTE

Il est important de souligner et de mettre en perspective la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 novembre 1999. De nombreuses interrogations sont soulevées par la reconnaissance de l'article 1382 du code civil comme une "exigence constitutionnelle".28

Bien que la valeur de cette affirmation soit difficile à déterminer, il est certain qu'elle traduit une volonté du Conseil constitutionnel de restreindre de plus en plus la liberté dont disposait le législateur pour adapter les règles générales de la responsabilité civile en fonction de l'évolution de la société. Or, d'un point de vue théorique, c'est la flexibilité du principe général de responsabilité civile pour faute qui semble être mis en danger par cette décision du Conseil constitutionnel et de ce fait, c'est toute la construction du régime de responsabilité civile que paraît être remis en cause (1). Toutefois, les juges semblent ne pas tirer toutes les conséquences de cette décision en admettant l'existence de situations dans lesquelles les responsables d'actes fautifs devraient pouvoir échapper à toute condamnation (2).

1. LES ENJEUX THÉORIQUES: LA DIFFICILE CONCILIATION AVEC LES PRINCIPES DU DROIT DE LA RESPONSABILITE

Nous devons tout d'abord nous demander si la décision prise par le Conseil constitutionnel en 1999 peut constituer une atteinte à la mutabilité du droit de la responsabilité civile (1.1.) Ensuite une seconde question devra être résolue, il faudra se demander ce qu'il adviendra des régimes spéciaux qui dérogent aux règles du droit de la responsabilité civile (1.2.).

1.1 La mutabilite du droit de la responsabilite civile sera-telle remise en cause?

Le droit de la responsabilité civile est caractérisé par les nombreuses modifications qu'il a pu connaître; il constitue en effet une matière en mutation permanente. La plupart des transformations intervenues avaient pour finalité d'améliorer la situation des victimes, elles renforçaient notamment le droit à réparation des dommages qu'elles avaient subi par la création de nouveaux régimes de responsabilité. C'est pourquoi le système de responsabilité mis en place par le Code Civil n'a cessé d'être perpétuellement remis en cause (1.1.1.) désormais, le législateur, qui est au centre des aménagements du régime de la responsabilité générale, voit sa marge de manœuvre de plus en plus réduite (1.1.2.)

1.1.1 La souplesse du droit de la responsabilité civile29

Le système contemporain de la responsabilité civile française s'est, notamment, construit sur le principe général de responsabilité civile fondé sur la notion de faute. Ce principe dégagé par les auteurs de l'ancien droit et exprimé par la première fois dans l'œuvre de Domat. Ensuite, il a été repris par les rédacteurs du Code Civil qui ont souhaité édifier le droit de la responsabilité civile sur un principe de portée générale, dont le caractère serait universel et qui serait fondé sur les agissements de chaque individu. Ainsi est né l'article 1382 du code civil, qui pose un principe général de responsabilité des personnes physiques du fait des fautes qu'elles ont pu commettre. Les rédacteurs du code civil voulaient faire de ce principe un outil efficace capable de répondre de façon permanente aux exigences de justice de toute société. Ils ont ensuite développé aux articles suivants, articles 1384 à 1386 du code civil, des applications particulières de ce principe de responsabilité.

Or, les insuffisances du système de responsabilité individuelle et subjective conçu par les rédacteurs du Code civil ont été mises en lumière à l'occasion de la multiplication des accidents liées à la "révolution industrielle", dont furent victimes non seulement les travailleurs de l'industrie mais aussi les usagers de moyens de transport alors en pleine expansion. Les insuffisances du système apparaissaient car, dans la majorité des hypothèses, les victimes de ces accidents étaient dans l'impossibilité de prouver la cause exacte du dommage qu'elles avaient subi; par conséquent elles ne pouvaient établir l'existence d'une faute personnelle à l'origine de leur préjudice. Ainsi, les victimes se trouvaient, le plus souvent, sans aucun recours judiciaire ce qui, par suite, les privaient de tout droit à réparation de ce dommage qu'elles avaient souffert. A l'évidence, cette situation était d'une injustice criante, et n'a pas manqué de déclencher une remise en cause du régime de responsabilité prévu par le code civil. Primitivement, ce mouvement de réforme fût entamé par la jurisprudence et la doctrine. La jurisprudence procéda, en effet, à d'importants aménagements, notamment en donnant une nouvelle interprétation des dispositions du code civil relatives au droit de la responsabilité.30 Afin de parfaire le système de responsabilité pour l'adapter encore mieux aux situations des victimes de dommages causés par les innovations de l'industrie française, et pour améliorer les conditions de réparation des victimes, le législateur est intervenu. Il a créé des régimes spéciaux de responsabilité, dans lesquels la responsabilité de l'auteur du dommage sera engagée sans faute, notamment dans le domaine des accidents corporels. La première intervention législative fût la loi du 9 avril 1898, qui garantissait automatiquement aux salariés victimes l'indemnisation des dommages consécutifs aux accidents du travail.31

Toutefois, ce mouvement d'adaptation de la responsabilité civile s'avéra, avec l'écoulement du temps, d'autant plus difficile que l'évolution continuelle des données technologiques, économiques et sociales a contribué à diversifier la nature des accidents et en a accrû le nombre.

Par la suite, d'autres lois ont institué, dans des domaines plus limités, des responsabilités de plein droit liées à l'utilisation de certaines choses dangereuses (aéronefs,32 téléphériques,33 énergie nucléaire). En droit des transports, plusieurs conventions internationales, relayées par des lois internes, ont imposé des régimes spéciaux d'indemnisation forfaitaire fondée sur les principes de la responsabilité sans faute.

Plus tard, la loi du 5 juillet 1985 "tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation" est venue améliorer la situation des victimes dans le domaine desaccidents de la circulation. En effet, cette loi confère un droit à indemnisation aux victimes d'accidents de la circulation contre le conducteur, le gardien et par ricochet, contre l'assureur du véhicule. La loi du 5 juillet 1985 fonde la responsabilité sur l'implication du véhicule dans l'accident; en principe cette implication est définie de manière purement objective. Enfin, cette responsabilité ne peut que très difficilement être mise en échec, la seule cause d'exonération retenue étant la faute de la victime, dont l'effet exonératoire est strictement réglementé.

Dans un tout autre domaine, une loi du 5 mai 1998 est venu transposer dans le droit français les dispositions d'une directive communautaire du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Elle retient, à son tour, un principe de responsabilité sans faute des producteurs et distributeurs de ces produits.34

Enfin, le législateur s'est intéressé aux victimes de certains actes médicaux. C'est ainsi qu'une loi facilite la réparation des dommages subis par des personnes se prêtant à des recherches biomédicales.35 D'autres textes plus récents assurent l'indemnisation automatique des victimes de dommages imputables à des vaccinations obligatoires, ou à des dons de sang.36 Une importante loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, apporte en dernier lieu, une réforme attendue dans le domaine des accidents médicaux.37

Le législateur a aménagé le principe général de responsabilité civile pour faute, grâce à ces nombreux textes qui lui ont permis d'édifier un système dans lequel la protection des victimes et leur droit à indemnisation sont assurés d'une façon efficace. C'est ainsi que le principe général formulé par l'article 1382 du code civil s'est révélé être un moyen utile pour compléter, perfectionner et assurer le renouvellement du système juridique existant.

Or, la décision du Conseil constitutionnel du 9 novembre 1999 semble interdire au législateur d'ecarter l'application du principe général de responsabilité civile pour faute.

1.1.2 L'impossibilité pour le législateur d'écarter l'application de l'article 1382 du Code civil en tant que norme constitutionnelle

Il semble que la décision du Conseil constitutionnel de 1999 élève au rang constitutionnel le principe de responsabilité civile pour faute. Si l'on retient cette interprétation, l'article 1382 du code civil serait au sommet de la hiérarchie des normes dans l'ordre juridique interne. Il en résulterait que tous les organes de l'État, et notamment le législateur, devraient le respecter, et qu'il devrait être impossible de l'écarter par une modification législative aménageant un régime spécial de responsabilité ou d'indemnisation garantissant à la victime une réparation. Le juge constitutionnel devrait donc s ‘opposer à l'instauration de régimes spéciaux de responsabilité, ainsi qu'à l'aménagement du régime général de responsabilité comme à la modification des régimes particuliers existants.

En conclusion, si le juge constitutionnel retenait une telle interprétation, il méconnaîtrait la mutabilité du droit de la responsabilité qui a permis l'évolution des solutions acquises antérieurement en ce domaine.

1.2 Le devenir des régimes qui dérogent aux règles du droit de la responsabilite civile

En principe, on pourrait croire que la constitutionnalisation du principe de la responsabilité pour faute devrait avoir pour effet direct de frapper d'inconstitutionnalité les régimes spéciaux de responsabilité. Elle devrait, en outre, entraîner l'inconstitutionnalité de toutes les dispositions légales qui édictent des plafonds d'indemnisation ou limitent la réparation, sans prévoir l'inopposabilité à la victime de ces plafonds ou limitations en cas de faute ordinaire. Nombre de dispositions deviendraient, ainsi, inconstitutionnelles dès lors qu'elles n'autorisent la victime à écarter l'application des restrictions qu'elles imposent que dans les cas de faute dolosive, lourde ou inexcusable.

Cependant, les particularités du contentieux constitutionnel français nous obligent à donner quelques précisions. Tout d'abord, le contrôle de constitutionnalité opère seulement avant la promulgation des lois. C'est pourquoi une loi contraire à l'article 1382 du Code civil ne pourra être déclarée non conforme à la Constitution que si le Conseil est saisi avant sa promulgation. Il n'existe aucune règle qui permette d'écarter un texte législatif inconstitutionnel. De sorte qu'une fois promulguée, la loi, même inconstitutionnelle, devra être appliquée par le juge car le droit français ne connaît pas de contrôle de constitutionnalité par voie d'exception.

S'il existait un tel principe, le texte déclaré non conforme à la Constitution devrait pouvoir cesser d'être appliqué, à l'exemple du droit administratif qui permet d'écarter l'application des textes déclarés illégaux par voie d'exception.38

Par ailleurs, à supposer que le Conseil ait réellement entendu attribuer une valeur constitutionnelle au principe de la réparation intégrale dans la responsabilité pour faute, il reste à se demander si la constitutionnalité de ce principe est cantonnée à la responsabilité civile prévue par l'article 1382 du code civil ou si elle s'étend à tous les cas de responsabilité civile. On serait a priori tenté de penser que la valeur constitutionnelle attribuée par le Conseil doit être limitée au seul cas qu'elle vise, soit l'hypothèse du principe général de responsabilité civile. Cependant, on ne pourrait l'affirmer car l'article 1382 du code civil a vocation à régir toutes les responsabilités tant en ce qui concerne le dommage que sa réparation.

Quoi qu'il en soit, il est certain que, pour que la décision de Conseil constitutionnel du 9 novembre de 1999 puisse modifier dans la pratique l'état du droit positif, en dehors de la loi qui était soumise à un contrôle de constitutionnalité, il faut encore qu'elle soit respectée par le reste de l'ordre juridique. Or, cela ne semble être pas le cas.

2. LES ENJEUX PRATIQUES: LES CONTRADICTIONS AVEC LE RESTE DE L'ORDRE JURIDIQUE

En pratique, l'objectif dégagé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 novembre 1999 est loin d'être atteint. Tout d'abord, le Conseil constitutionnel lui-même s'est éloigné de la solution qu'il avait précédemment adoptée (2.1). Ensuite, la Cour de cassation a refusé d'appliquer l'article 1382 du code civil en matière de délits de presse (2.2).

2.1 L'exonération de responsabilité du fournisseur d'hébergement sur Internet meme s'il a commis une faute

Dans sa décision du 27 juillet 2000, le Conseil constitutionnel devait se prononcer sur la conformité à la Constitution de la loi du 1er juillet 2000, qui modifie la loi relative aux communications, en introduisant un chapitre consacré aux services de communication en ligne.

Le Conseil constitutionnel a sensiblement modifié l'article 43-8 de cette loi, qui visait la responsabilité civile et pénale des fournisseurs d'hébergement sur Internet. Ceux-ci peuvent être définis comme les personnes physiques ou morales qui "assurent, à titre gratuit ou onéreux, le stockage direct et permanent pour mise à disposition du public de signaux, d'images, de sons ou de messages de toute nature accessibles par ces services''.

Le texte initial déféré au Conseil disposait que les personnes physiques ou morales fournisseurs d'hébergement "ne sont pénalement ou civilement responsables que si, ayant été saisis par une autorité judiciaire, elles n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu ou si, ayant été saisis par un tiers estimant que le contenu qu'elles hébergent est illicite ou lui cause un préjudice, elles n'ont pas procédé aux diligences appropriées".

Ce texte fût censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu'il ne faisait aucune distinction entre les responsabilités civile et pénale. Le Conseil a estimé qu'il y avait atteinte au principe de la légalité des délits et des peines, qui a un caractère constitutionnel en vertu de l'article 34 de la Constitution. Il s'est toutefois borné à supprimer la disposition instituant un deuxième cas de responsabilité des personnes fournisseurs d'hébergement sur Internet lorsqu'elles se sont abstenues de procéder aux diligences appropriées, après avoir été averties par un tiers que le contenu qu'elles hébergent semblait illicite ou lui causait un préjudice.

Après la saisine du Conseil constitutionnel, la nouvelle rédaction de l'article 43-8 posait donc que les personnes fournisseurs d'hébergement sur Internet "ne sont pénalement ou civilement responsables que si, ayant été saisies par une autorité judiciaire, elles n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu". La rédaction définitive du texte est donc d'interprétation délicate. En effet, il semble désormais que si les fournisseurs d'hébergement n'ont pas été saisis par l'autorité judiciaire, ils échappent à toute responsabilité, non seulement pénale mais aussi civile, quand bien même ils auraient nui gravement à un tiers en manquant à leurs obligations.

Cette solution est à l'évidence en contradiction avec la constitutionnalisation de l'article 1382 du code civil par la décision du Conseil constitutionnel du 9 novembre 1999. Il semble, en effet, difficile de concilier une exonération absolue de responsabilité des fournisseurs d'hébergement sur Internet avec la décision du Conseil constitutionnel de 1999, selon laquelle le principe de responsabilité pour faute édicté par l'article 1382 du code civil traduisait une "exigence constitutionnelle".

Si le Conseil constitutionnel lui-même n'a pas tiré les conséquences de la solution adoptée dans sa décision de 1999, il n'est pas surprenant que le juge judiciaire en ait fait de même.

2.2 L'exclusion de l'article 1382 du Code Civil en cas de délit de presse39

En matière de délit de presse, la victime peut obtenir réparation soit sur le fondement de l'article 1382 du code civil, soit sur celui de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse. Ces deux fondements sont exclusifs l'un de l'autre.

Cependant, la Cour de cassation a réservé un sort particulier à la personne victime d'un délit de presse portant atteinte à sa présomption d'innocence.40 Deux ans après la décision du Conseil constitutionnel du 9 novembre 1999, et en parfaite contradiction avec la solution qu'elle affirme, la Cour de cassation a, en effet, décidé d'écarter l'application de l'article 1382 du Code civil.

Dans l'arrêt du 8 mars 2001, l'éditeur d'un journal, le directeur de la publication et un journaliste étaient poursuivis pour une série d'articles consacrés à un procès d'assises. La cour d'assises avait finalement acquitté les personnes qui lui avaient été déférées. Par la suite, celles-ci avaient saisi le tribunal civil afin d'obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 9-1 du Code civil relatif au respect de la présomption d'innocence. Déboutées en appel, elles formèrent un pourvoi en cassation en invoquant l'existence d'une "légèreté blâmable" dont la cour d'appel n'aurait pas tenu compte, violant ainsi l'article 1382 du Code civil.

Or , la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi au motif, notamment, que "les abus de la liberté d'expression prévus par la loi du 29 juillet 1881 ou par l'article 9-1 du Code civil ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l'article 1382 du Code civil".

Dans la présente espèce, la deuxième chambre civile a refusé d'appliquer l'article 1382 du code civil aux personnes ayant subi une atteinte à leur présomption d'innocence. La Cour de cassation avait déjà écarté l'application de l'article 1382 du code civil, en matière de délit de presse ; elle fermait alors la voie civile dans la mesure où les victimes pouvaient emprunter la voie pénale ouverte par la loi du 29 juillet 1881. Elle statuait ainsi sur les abus de la liberté d'expression incriminées par la loi de 1881 sur la presse.

Or, la présomption d'innocence est protégée par des dispositions de droit civil et non droit pénal, si bien que si la victime ne peut agir sur le fondement général du droit de la responsabilité civile, soit l'article 1382 du code civil, elle est privée de toute possibilité d'indemnisation, car l'atteinte qui lui a été portée n'est pas prévue par la loi du 1881 et n'ouvre aucune possibilité d'action pénale.

La solution à laquelle aboutit la Cour de Cassation nous permet de vérifier à quel point la décision du Conseil constitutionnel de 1999, selon laquelle l'article 1382 du code civil traduirait une exigence constitutionnelle, n'a pas eu d'écho auprès des tribunaux. En effet, si la Cour de cassation avait tenu compte de cette décision, l'application de l'article 1382 du code civil n'aurait pu être écartée.

CONCLUSION

Il n'est pas simple de déterminer la portée exacte de la décision du Conseil constitutionnel du 9 novembre 1999. Deux interprétations demeurent possibles. Une premiere interpretation pemet de soutenir que cette nouvelle jurisprudence renforce la protection du principe de responsabilité civile pour faute déjà consacrée par la décision du Conseil du 22 octobre 1982, le législateur devrait alors prendre en compte ce principe s'il envisage d'aménager le régime général de responsabilité civile. Ainsi l'article 1382 du code civil deviendrait un seuil minimum de protection, qui garantirait le droit des victimes à obtenir réparation. Une seconde interprétation aux effets limités pourrait être envisagée ;elle conduirait à interdire toute possibilité d'aménagement du droit commun de la responsabilité civile. Elle remettrait en cause tous les fondements de la responsabilité civile française et porterait atteinte à la mutabilité qui lui permet d'assurer au mieux la réparation des dommages subis par les victimes.

La première interprétation semble préférable car moins dévastatrice ; elle peut en effet être plus facilement conciliée avec le système évolutif du droit de la responsabilité civile car elle permet de maintenir la souplesse du principe général de responsabilité civile pour faute.

Quelle que soit l'interprétation retenue, la portée de la décision du Conseil constitutionnel du 9 novembre 1999 semble rester théorique. En effet, il n'y a pas d'application directe dans l'ordre juridique des décisions du Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel, gardien des principes à valeur constitutionnelledevrait,du fait de sa place dans l'ordre juridique, être susceptible d'imposer le respect des décisions qu'il prend. L'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 confère a priori une grande autorité aux décisions du Conseil constitutionnel en disposant qu'elles "s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles".

Cependant, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a décidé que "si l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel s'attache non seulement au dispositif, mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, ces décisions ne s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles qu'en ce qui concerne le texte soumis à l'examen du Conseil"41.

La Cour de cassation refuse donc de se soumettre à l'autorité des décisions du Conseil. D'ailleurs, la Cour de cassation, avait d'ores et déjà refusé, dans son arrêt du 8 mars 2001 relatif à l'abus de la liberté d'expression, de prendre acte de la protection conférée par le Conseil constitutionnel au principe général de responsabilité civile pour faute.

Si le Conseil constitutionnel affirmait expressément, dans une nouvelle décision, la valeur constitutionnelle du principe général de responsabilité civile pour faute, du fait de la position actuelle de la Cour de cassation, la portée de sa décision demeurerait limitée au texte de loi examiné.

L'opposabilité des décisions du Conseil constitutionnel est limitée car le contrôle de constitutionalité par voie d'action n'est pas automatique et qu'il n'existe pas de contrôle par voie d'exception. La portée des décisions du Conseil constitutionnel en droit civil de la responsabilité demeurera extrêmement faible tant que la place du Conseil constitutionnel dans l'ordre juridique ne sera pas reconnue, à moins que le législateur et le juge civil ne décident de respecter les décisions qu'il édicte.


Notas al Pie

1G. Viney, Introduction à la responsabilité, L.G.D.J. 2 ed., 1995, p. 1.
2Voir: Gazzaniga, Jean-Louis, Introduction Historique au Droit des Obligations, Ed. PUF, 1992, p. 212 ss. Limpens, J., La Théorie de la Relativité Aquilienne en Droit Comparé. In Mélanges Savatier, Paris, Ed. Dalloz, 1965, p. 559 ss. Starck, Boris, Roland, Henri et Boyer, Laurent, Obligations. Responsabilité Délictuelle, Paris, Ed. Litec, 1991. Tunc, André, La Responsabilité Civile, Paris, Ed. Economica, 1989. Viney, Geneviève, Droit Civil. Introduction à la Responsabilité, Paris, Ed. LGDJ, 1995. Viney, Geneviève et Jourdain, Patrice, Les conditions de la responsabilité, Paris, Ed. LGDJ, 1998. Pour ou Contre un "Principe Général" de Responsabilité Civile pour Faute? In Mélanges Catala, Paris, Ed. Litec, 2001, p. 557 ss.
3G.Viney, Le déclin de la responsabilité individuelle, Th. Paris, 1965.
4Déc. No.78-96 DC du 27 juillet 1978. Rec. p. 29.
5"La régularité au regard de la constitution d'une loi promulguée peut être utilement contestée à l'occasion de l'examen d'une loi modificatrice et non pas d'une loi de ‘simple mise en application'", Décision No. 5-186 DC du 25 janvier 1985. Rec. p.13.
6Article 61 Alinéa 2 de la Constitution de 1958.
7Déc. 82-144 DC du 22 octobre 1982, Rec., p. 61; D. 1983, p. 189, note F. Luchaire; Gaz. Pal., 1983. I. 60, note F. Chabas; P. Avril et J. Gicquel, Pouvoirs 1983, chr. No. 25, p. 125; L. Favoreu, "Le droit constitutionnel jurisprudentiel en 1981-1982", R.D.P., 1983, 334, spéc. No. 111 et s., p. 339 et s.
8S. Dion-Loye, "Les impératifs constitutionnels du droit de la responsabilité", Les petites affiches, 29 juillet 1992, p.11.
9Dec. 82-144 DC du 22 octobre 1982, Rec., p.132, deuxième considérant de la décision.
10Cependant, le fait que la décision reproduise les termes de l'article 1382 du Code civil a pu faire croire à une constitutionnalisation de celui-ci.
11Comme le lui permet l'article 34 de la Constitution de 1958.
12Déc.83-162 DC des 19 et 20 juillet 1983, Rec., p. 49.
13Déc. 89-262 DC du 7 novembre 1989, Rec., p. 374.
14Déc. 88-248 DC du 17 janvier 1989, Rec., p. 339.
15Déc. 85-198 DC du 13 décembre 1985, Rec., p. 242.
16G. Viney, Traité de droit civil. Les obligations. La responsabilité: effets, L.G.D.J., 2002, No. 307-1, p. 565.
17Déc. 88-244 DC du 20 juillet 1988, Rec., p. 334.
18C/ N. Molfessis, in "Les sources constitutionnelles du droit des obligations", Le renouvellement des sources du droit des obligations, Trav. Assoc. Capitant, Journées nationales, Lille 1996, No. 25, p. 84.
19Déc. 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, Rec., p.100.
20Cette décision du Conseil constitutionnel n'est pas à l'abri des critiques. Ainsi, selon M. J. Hauser, R.T.D. Civil, 1994. 840, "on pourra trouver difficile la conciliation de la présente décision qui approuve donc l'irresponsabilité des donneurs avec la décision du même conseil en date du 22 juin 1982. Comment le 27 juillet affirmer ‘qu'aucun principe à valeur constitutionnelle ne prohibe les interdictions prescrites par le législateur... d'exercer une action en responsabilité' à l'encontre de l'auteur du don alors qu'on affirme le 22 juin 1982 que la loi déférée établit une discrimination manifeste au détriment des personnes à qu'il interdit, hors le cas d'infraction pénale, toute action en réparation..."? La discrimination condamnée en 1982 se retrouve telle quelle en 1994. C/ sur ces questions Ch. Jamin, R.T.D. Civ, 1994, 940.
21L'article L. 673-2 du code de la santé publique indique que le donneur de gamètes doit appartenir à un couple ayant procrée, et que le consentement des deux époux au don doit être recueilli.
22Voir N. Molfessis, Les sources constitutionnelles du droit civil, op. cit., No. 23, p. 82.
23Le Conseil constitutionnel dégage des principes à valeur constitutionnelle qui viennent s'ajouter au bloc de constitutionnalité.
24Déc. No. 99-419 DC, 9 nov. 1999, J.O. 16 nov. 1999, p. 16962; J-E Shoettl, Petites affiches, No. 239, 1er décembre 1999, p. 6 et s.; G. Drago, La Constitution "en réserves" Commentaire de la décision du Conseil constituitionnel du 9 nov. 1999 portant sur la loi relative au pacte civil de solidarité, Dr. famille, décembre 1999, hors-série, p. 46; G.Viney, JCP. 1999,III. 20173 et 2000. I. 280, No. 1; N. Molfessis, La réecriture de la loi par le Conseil constitutionnel, JCP. 2000, I. 210 et éd. N, p. 270.
25G. Viney, op .cit., JCP 2000, I. 280, No. 1.
26Ibid.
27Cette faculté fut formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 novembre 1982.
28Déc. No. 99-419, DC. 9 nov. 1999, J. O. 16 nov. 1999; G. Viney, JCP. 1999, III. 20173 et 2000. I. 280, No. 1; J.-E. Shottl, Petites affiches, 1999,No. 239, p. 6; N. Molfessis, La réecriture de la loi par le Conseil constitutionnel, op. cit.
29Pour une explication plus détaillée de cette évolution voir notamment, J. L. Gazzaniga, Introduction historique au droit des obligations; G. Viney, op. cit., note 15, No. 3 à 66.
30C'est ainsi qu'en matière de responsabilité extra-contractuelle, le travail d'interprétation des tribunaux sur l'article 1384 alinéa 1 du code civil a permis, tout d'abord, de dégager un principe de "responsabilité de plein droit" concernant tous les dommages causés par le "fait d'une chose"; ce principe s'est développé grâce à l'interprétation que les tribunaux ont tiré de l'article 1384 alinéa 1 du code civil ; ensuite un régime de responsabilité de plein droit au profit des victimes de "troubles" ou "d'inconvénients anormaux ou excessifs de voisinage" fût dégagé. D'autre part, ce travail d' interprétation effectué par les tribunaux a permis de dégager un mécanisme de garantie, à l'égard des tiers, de certains risques créés par l'entremise de l'article 1384, alinéa 5, du code civil relatif à la responsabilité du commettant du fait de ses préposés.
31Il faut préciser que cette loi régissait le droit des accidents du travail jusqu'à la création du système d'assurances sociales. Elle établissait que l'employeur était responsable "de plein droit" des dommages subis par le salarié à l'occasion de son travail et lui imposait de verser une indemnisation forfaitaire qui ne couvrait d'ailleurs pas l'intégralité des dommages.
32Ainsi, la loi du 31 mai 1924 créa à la charge des exploitants d'aéronefs un régime particulier de responsabilité de plein droit pour les dommages que celui-ci provoque au sol, article L.141-2 du Code de l'aviation civile.
33C'est le cas de la loi du 8 juillet 1941 qui édicta un régime de responsabilité de plein droit à la charge d'une part du constructeur, pour les dommages causés en cours de construction, et d'autre part de l'exploitant pour les dommages causés dès la mise en service d'un téléphérique ainsi que pour les dommages causés aux tiers par la cabine elle-même, les câbles ou "les objets qui s'en détachent".
34Enfin, dans divers autres domaines (responsabilité de prestataires de services, indemnisation des dommages causés à l'environnement...), des textes d'origine communautaire ont d'ores et déjà ou pourront dans un avenir proche adopter des dispositions édictant des régimes spéciaux de responsabilité sans faute.
35Loi du 20 mars 1988 "relative à la protection des personnes qui se prêtent á des recherches biomédicales". Ce texte créa, à la charge des "promoteurs" de l'expérience, une responsabilité de plein droit pour les dommages causés au sujet de l'expérimentation, lorsque cette expérience n'était pas destinée à provoquer une amélioration de son état. Lorsque l'expérimentation "a finalité thérapeutique directe", le promoteur n'est exposé qu'à une responsabilité pour faute présumée.
36Loi du 4 janvier 1993, relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine, a imposé aux établissements de transfusion sanguine de garantir "la responsabilité des risques encourus par les donneurs en raison des opérations de prélèvement", même en l'absence de faute de leur part, article L. 668-10 du Code de la Santé publique.
37Loi No. 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
38C.E. 14 novembre 1958, Ponard, Rec., p. 554. La jurisprudence civile décide alors que "Toute déclaration d'illégalité (...) s'impose au juge civil qui ne peut faire application de ce texte illégal réputé n'avoir jamais existé" (Civ, 19 juin 1985, D. 1985, p. 425 et Soc., 18 juin 1986, Bull. civ., V, No. 316 ; Soc., 7 décembre 1993, J.C.P. 1994, II. 22.245; Com., 26 avril 2000, Juris-data No. 0001580; J.C.P. 2000. Actualités p. 771). Enfin, les articles 2 et 3 du décret du 28 novembre 1983 (J.C.P. 1983, III. 54976) imposent la disparition de l'ordonnancement juridique du règlement déclaré illégal par voie d'exception.
39Cass. Civ. 2ème, 8 mars 2001, Miot c/SA Presse Alliance, Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (AGRIF) c/ Godefroy.
40Ibid.
41Ass. Plén. 10 octobre 2001, Petites Affiches 30 octobre 2001, 11; R. Liebchaber et N. Molfessis, "Sources du droit interne ", R.T.D. civ, jan-mars 2002, p. 169.