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Civilizar Ciencias Sociales y Humanas

Print version ISSN 1657-8953On-line version ISSN 2619-189X

Civilizar vol.9 no.17 Bogotá July/Dec. 2009

 


L'efficacité de la catégorisation des contrats
de la commande publique*

Edwin Tachlian**

* Artículo resultado de Investigación. Grupo de Investigación en Derecho Público. Universidad de París X.

** Master en Derecho y Economía mensión "Competencia y regulación de mercados". Universidad de París X Ph.D. Candidato. Derecho Público. Investigador Grupo CREAR. Universidad Sergio Arboleda Correo electrónico: edwintachlian@hotmail.fr

Recibido: 03 de agosto de 2009 - Revisado: 15 de agosto de 2009 - Aceptado: 09 de noviembre de 2009



Résumé

Les contrats de la commande publique Français au sens large, dont le marché public - de travaux, de fournitures ou de services - la délégation de service public, le contrat de partenariat et même le bail emphytéotique administratif, sont proches en tant que contrats de «faire-faire». Mais, ces contrats sont catégorisés et spécialisés, la France ne connaissant en effet pas de régime unique et générique pour ses contrats de l'administration. Or cette catégorisation est rigide et complexe. Il est ainsi en France extrêmement difficile de créer de nouvelles formes contractuelles, et ce dû au fait que chaque contrat doit entrer dans une catégorie préexistante et prédéfinie. Si ce stricte (à supp) encadrement des contrats de la commande publique semble dicté par une volonté de sécuriser les relations entre l'administration et ses cocontractants, on peut néanmoins se demander si ce principe de catégorisation n'engendre pas un coût supplémentaire pour les cocontractants.

Mots clés: Contrat administratif, commande publique, passation, analyse économique, coûts de transaction, modélisation du Droit, codification, catégorisation, spécialisation.



Efficiency of the categorization of the public procurement
contracts

Abstract

The French public procurement contracts at large, including the public markets - public Works or services contracts - the delegation public service, public-private partnership contract or even the administrative emphyteutic lease are close as these contracts aims to procure a good or service to a public entity. But these contracts are classified and specialized, as France does not know a single and generic type of contract for its relation between the administration and the private sector. This categorization is rigid and complex. It is thus extremely difficult in France to create new forms of contract, due to the fact that each contract must enter into a predefined and pre-existing category. If the strict supervision of contracts of public seems dictated by a desire to secure the relationship between the administration and its contractors, it may nevertheless be asked whether this principle of categorization does not be an additional cost to the contractors and the same administration.

Key words: Contract, tender agreement, public procurement, economic analysis, cost of transaction, codification, categorization.



Efficacité de la catégorisation des contrats de la commande publique

Introduction

Au sein de la famille des contrats administratifs se distingue un groupe de contrats, onéreux, dont l'objet est la fourniture de bien ou de service dans un domaine concurrentiel à personne publique. En résumé il s'agit de contrats de "faire-faire": les contrats de commande publique. Ce groupe comprends notamment trois formes de contrats parmi les plus importants de l'administration: les marchés publics, les délégations de services publics et les contrats de partenariats. L'objet de ces contrats est proche, et la doctrine comme la jurisprudence peine à les distinguer car malgré la cohérence de l'ensemble formé par les contrats de commande publique au sein des contrats administratifs, ceux-ci n'en sont pas moins des contrats spéciaux dont les régimes sont fortement hétérogènes, plus ou moins favorables ou contraignants pour le cocontractant privé. Cela est particulièrement le cas en matière de mise en concurrence et de publicité. Cette commande publique fait aujourd'hui face à deux dynamiques. D'une part l'augmentation du recours au contrat avec le secteur privé, qui représente déjà 10% du PIB Français en 20081. D'autre part, l'ouverture au marché commun qui a accru la concurrence entre les acteurs privés susceptibles de contracter avec la personne publique. Dans ce nouveau contexte, la commande publique a aujourd'hui plus que jamais besoin d'efficacité alors que sa catégorisation se complexifie par la multiplication des formes contractuelles2. Tout comme la question du caractère administratif ou privé du contrat, c'est la détermination du régime applicable qui explique l'enjeu de la qualification des contrats de la commande publique. Or, c'est donc naturellement que se pose la question d'une homogénéisation, voire d'une unification de ces régimes de la commande publique. Il s'agit principalement d'étudier ici les aspects concernant la publicité et la mise en concurrence lors de la passation de ce type de contrat. Car économiquement, cette question révèle une opposition de principes : faut-il privilégier un principe de spécialisation des contrats de commande publique, avec des régimes spécifiques à chaque type de contrats, gage d'un aléa moindre ou bien faut-il se tourner vers une unification des régimes de contrats de commande publique ?

Afin de comprendre la problématique d'un régime générale de la commande publique, il convient dans un premier temps d'étudier cette catégorisation de la commande publique en France. Nous étudierons ensuite quelles justifications économiques peuvent être apportées à la spécialisation des régimes de contrats de commande publique, puis celles qui pourraient justifier une uniformisation de ces régimes, vers un principe général des contrats de la commande publique.


1. La Commande Publique: Des Contrats Catégorisés

1.1 Le contrat administratif en France

Pendant longtemps s'est posée la question de la nature des contrats de l'administration. En effet, tous les contrats de la personne publique ne sont pas des contrats administratifs. Les contrats de l'administration peuvent être qualifiés a priori (à supp) de contrats administratifs par détermination de la loi. C'est ainsi que les marchés de travaux sont des contrats administratifs d'après la loi du 28 pluviôse an VIII. D'une manière générale, la loi du 28 pluviôse an VIII, qui a mis en place les Conseils de Préfecture, a élevé un principe selon lequel « dès lors que le contrat porte sur l'exécution d'un travail public, il a le caractère administratif, alors même qu'il se référait au règle du Droit privé ». Les contrats comportant occupation du domaine public sont aussi des contrats administratifs par détermination de la loi (décret-loi du 17 juin 1938), tout comme les contrats passés en application du code des marchés publics au titre de la loi MURCEF (Mesures Urgentes de Réformes à Caractère Economique et Financier) du 11 décembre 2001. Mais dans le silence de la loi, le contrat est qualifié d'administratif s'il répond à un certain nombre de critères: un critère organique de principe, la participation d'une personne publique au contrat, et deux critères matériels. Le premier, le service public, se dédouble en deux branches: le critère du contrat constituant une modalité d'exécution du service public, et le critère de la participation du cocontractant à l'exécution même du service public. Le second est la clause exorbitante de Droit commun dont l'insertion rend le contrat administratif (CE, 31 juillet 1912 Société des granits porphyroïdes des Vosges). L'enjeu de cette qualification était bien entendu de déterminer le régime applicable ainsi que le juge compétent.

Au sein des contrats administratifs, les contrats de la commande publique forme intuitivement un ensemble distinct au sein des contrats administratifs. Ils sont les outils de partenariat économique entre la personne publique et un cocontractant privé ou plus simplement, des contrats de «faire-faire» de la personne publique par la personne privée. Ces contrats administratifs onéreux dans un domaine concurrentiel sont catégorisés et ne sont pas uniformes en termes de régime. Ils sont encadrés à la fois par la législation nationale et par le Droit communautaire. Cet encadrement est complexe et hétérogène, en raison de la spécialisation des contrats et la double compétence nationale et communautaire en la matière. La catégorisation française n'est en effet pas reprise pas l'Union Européenne.


1.2 La catégorisation française des contrats de la commande publique

Le Droit français connaît un régime général des contrats administratifs. Ce régime général porte sur l'expression du consentement, la validité des stipulations, les effets du contrat, la responsabilité et les pouvoirs exorbitant de Droit commun de l'administration (Richer, 2006). Cependant, au niveau du Droit de la commande publique, les régimes contractuels forment un ensemble relativement disparate. La France a en effet choisi un système de contrats spécialisés en fonction de leur objet, même si ces contrats sont extrêmement proches. La catégorisation des contrats de commande publique soumet les régimes des contrats à leurs définitions et leur qualification. Il convient donc de faire un bref aperçu des définitions et régimes des trois principaux types de contrats de la commande publique : le marché public, la délégation de service publique, et le contrat de partenariat, auquel il convient d'ajouter le bail emphytéotique administratif.


Le Marché public

Les marchés publics sont définis comme étant des contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs et des opérateurs économiques pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services (article 1 du code des marchés publics). Le Droit français encadre strictement les modalités de leur passation, au moyen d'obligations de publicité et de procédures formalisées de mise en concurrence, dont la contrainte croît avec le seuil du montant de ces marchés. Au sein des contrats de la commande publique, il s'agit certainement du régime le plus contraignant pour les cocontractants, mais aussi du contrat le plus sécurisé.


La délégation de service public

La délégation de service public est, quant à elle, un contrat par lequel « une personne morale de Droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service » (Loi Sapin du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques et article L. 1411-1 du CGCT). La qualification de délégation de service public doit répondre à différents critères : outre le critère organique nécessitant une délégation effective de la part d'une personne publique, la délégation doit répondre au critère du service public, mais ne peut concerner une prérogative de l'administration. L'identification du service public appartient au juge administratif. Le délégataire doit aussi supporter le risque financier comme l'a précisé un arrêt du Conseil d'État du 15 avril 1996, Préfet des Bouches-du-Rhône. Le critère de la rémunération, qui exigeait une part substantielle de la rémunération au moyen d'une redevance perçue directement sur les usagers, est de moins en moins utilisé. Le régime de la passation de la délégation de service public est à plusieurs points de vue bien moins contraignant que celui du marché public. La Délégation est en effet soumise à l' intuitu personae. La personne publique déléguant la gestion d'un service public contractuellement est donc libre du choix de son délégataire. Le juge ne contrôle par conséquent pas le choix du déléguant par la personne publique. L'intuitu personae constitue donc un élément, estimé comme nécessaire à l'établissement d'un rapport de confiance dans un contrat qui «en raison de sa durée et de la complexité de son mécanisme implique la nécessité de tenir compte de la personnalité du concessionnaire » comme l'a affirmé la jurisprudence du Conseil d'Etat, dans un arrêt Sibille de 1936. La contrepartie est la liberté de mettre fin contre indemnité à la délégation (CAA Lyon, 1991, Sté Les téléphériques du Mont-Blanc,).

On peut aisément imaginer le risque que présentent l' intuitu personae et la liberté de choix. Pour prévenir ce risque, la loi du 29 janvier 1993, a soumis la passation des délégations des services publics atteignant un certain seuil à une procédure en deux étapes : une publicité et une mise en concurrence « adéquate ». Cette publicité s'effectue par une insertion dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales ainsi que dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné (CE, 8 août 2008, no 307143, Région de Bourgogne). Cet avis permet le dépôt des candidatures. Les candidats sélectionnés reçoivent ensuite un document de la part de l'entité délégante décrivant les caractéristiques des prestations. Les concurrents déposent alors leurs offres qui sont ensuite été librement négociées. «Le caractère administratif d'un service public n 'interdit pas à la collectivité territoriale compétente d'en confier l'exécution à des personnes privées, sous réserve toutefois, que le service ne soit pas au nombre de ceux qui, par leur nature ou par la volonté du législateur, ne peuvent être assurés que par la collectivité territoriale » (CE, Avis, 7 Octobre 1986). La loi du 29 janvier 1993, modifiée par la loi du 8 février 1995, a cependant introduit une procédure de « publicité simplifiée » applicable lorsque le montant des sommes dues au délégataire pour toute la durée de la convention n'excède pas 106 000 euros ou que la convention couvre une durée non supérieure à trois ans et porte sur un montant n'excédant pas 66 000 euros par an. À l'issue de cette procédure, la liberté de choix du concédant demeure. Enfin, il convient de noter que la délégation directe par voie d'acte administratif unilatéral est toujours possible lorsque le délégataire est un établissement public ou un titulaire d'un monopole reconnu par la loi, ou encore lorsque la procédure de publicité n'a pas abouti.


Le contrat de partenariat public-privé

Bien plus récent, le contrat de partenariat se définit comme un contrat administratif par lequel l'Etat ou un établissement public de l'Etat confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale relative au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements nécessaires au service public, à la construction ou transformation des ouvrages ou équipements, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, et, le cas échéant, à d'autres prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée (Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 modifiée par la loi n°2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat, JO, 29 juillet 2008, p. 12144 :Art. L 1414-1 du CGCT). La rémunération du cocontractant fait l'objet d'un paiement par la personne publique pendant toute la durée du contrat. Elle peut être liée à des objectifs de performance assignés au cocontractant. L'utilisation de ces contrats était, à l'origine, restreinte: une personne publique ne pouvait passer un contrat de partenariat que si elle démontrait, dans un rapport préalable, que l'opération concernée présentait un caractère d'urgence ou de grande complexité. Elle devait également mettre en évidence la nécessité de l'emploi de ce type contrat.

Désormais, il ne s'agit plus d'un contrat dérogatoire au droit de la commande publique. La loi de 2008 précitée banalise le contrat de partenariat en introduisant une troisième voie de recours.


Un point sur le bail emphytéotique administratif

Il convient enfin d'ajouter à ces trois grands contrats de la commande publique les baux emphytéotiques administratifs. L'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales définit les baux emphytéotiques administratifs comme des baux sur un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale en «vue de l'accomplissement pour le compte de la collectivité territoriale d'une mission de services publics : délégation de services publics, ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence ou en vue de l'affectation à une association culturelle d'un édifice du culte ouvert au public, ou jusqu'au 31 décembre 2010, liée aux besoins d'un service départemental secours». Le bail emphytéotique administratif est réservé aux seules collectivités territoriales et aux établissements publics de santé. Il est conclu « pour répondre aux besoins immobiliers » des personnes publiques et pour de longues durées. Le régime juridique des Baux emphytéotiques Administratifs n'est pas unique : celui du bail emphytéotique hospitalier semble plus strict. En effet, avant de conclure un tel bail, un établissement public hospitalier doit procéder à une évaluation préalable du contrat (Article L. 6148-2 du code de la santé publique), ce qui n'est pas le cas pour les autres. Le bail emphytéotique administratif semble proche du contrat de partenariat: en effet sur le plan financier, le loyer payé par l'administration permet, en général d'acquérir gratuitement le bien à l'issue du bail. Cependant, le champ d'application des contrats de partenariat est beaucoup plus large que celui du bail emphytéotique administratif.

Ces définitions sont représentatives du système français. En effet, les définitions de ces contrats sont proches, leurs objets souvent similaires. Pourtant, la France a fait le choix d'un système spécialisé, chaque source de leur régime contractuel étant distincte, et chaque modèle contractuel étant le plus adapté possible aux particularités du contrat en question.

Le législateur ayant compris la proximité de ces contrats, la volonté de réunir ces différents régimes s'est rapidement posée. En 2004, la question de la mise en oeuvre d'un code de la commande publique a été posée à Bercy par le député Warsmann. Cette question provient du fait que, contrairement à de nombreux autres domaines du Droit, il n'existe pas de code regroupant l'ensemble des textes relatifs à la commande publique. Mais la création d'un nouveau Code des Marchés Publics intégrant les directives européennes de 2004 a poussé le gouvernement à écarter, pour le moment, la naissance du code de la commande publique. Les sources du Droit et des principes encadrant les contrats de commande publique sont donc toujours éparses au niveau national.

Le système français est donc particulièrement segmenté et spécialisé. Chaque contrat répondant à l'une de ces qualifications se voit appliquer le régime spécifique prévu pour lui, notamment en matière de publicité et de mise en concurrence.


1.3 L'Influence communautaire: l'inefficacité des compétences superposées.

Les contrats de commande publique sont encadrés à la fois par le Droit national et le Droit communautaire. En effet, le Droit communautaire a eu pour objectif, dans l'optique de la création du marché commun, d'harmoniser les règles régissant notamment la commande publique.

La Communauté Européenne raisonne en effet en termes de commande publique, regroupant les concessions, les partenariats public- privé et en articulant ces notions autour de celle de marché public. Le régime de ces contrats est encadré à la fois par les principes issus des articles 28 à 30 et 43 à 55 du Traité de Rome, et les directives 2004/18/CE dite «classique» pour les marchés publics de travaux, de fournitures et de services et la Directive 2004/17/CE relative aux «secteurs spéciaux» de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (je replace ici l'intitulé exact des directives). Cette uniformité des principes applicables à la commande publique a été renforcée par l'arrêt Telaustria (CJCE, 7 décembre 2000, affaire C-324/98, Telaustria et Telefonadress). Dans cette affaire, le juge communautaire a affirmé l'application directe des principes du Traité de l'Union pour les concessions de services. Il en déduit que ces principes sont toutefois applicables à l'ensemble de la commande publique, en l'espèce une concession, même non régie par les directives européennes de marchés publics et dès le premier euro. Le juge considère que l'attribution d'une commande en l'absence de toute transparence, qui est susceptible d'intéresser également une entreprise dans un autre État membre, est une discrimination à sanctionner, et ne peut se justifier que par des circonstances objectives. L'ensemble des commandes publiques est donc concerné, quelle que soit la nature du contrat.

Même si l'Union Européenne a très rapidement défini et encadré la notion de marché publique, celle-ci s'entend, contrairement à la notion française, de façon extensive. Selon l'arrêt CJCE du 7 décembre 2000, affaire C-324/98, Telaustria et Telefonadress, tout contrat à titre onéreux conclu par écrit entre un organisme adjudicateur et un opérateur, dans la mesure où il a pour objet l'exécution de travaux, la réalisation d'un ouvrage ou la prestation d'un service est qualifiée de «marché public» de travaux ou de services.

Le Droit des marchés publics est encadré par la directive 2004/18/CE et la Directive 2004/17/CE. Ces deux directives posent, tout comme la France, un régime aux contrats de commande publique, notamment concernant leur passation. Il résulte de ce double niveau de compétence une complexité accrue du régime de ces contrats. La France n'a en effet pas réformé en profondeur son Droit de la commande publique lors de la transposition des directives et des principes communautaires, mais a superposé ceux-ci à la législation préexistante et déjà complexe et hétérogène. Cette double compétence semble réduire l'efficacité du cadre de la commande publique.

La compétence de la Communauté Européenne pour encadrer les contrats de commande publique n'est pas à remettre en cause. En effet, celle-ci s'inscrit dans l'objectif de création du marché commun, et par conséquent, d'une harmonisation des cadres des différents contrats ouverts aux personnes privées de l'Union, y compris avec les personnes publiques des 27 Etats (pas pays) membres. Cependant, en tant qu'État fédéral au sens économique, l'Union Européenne se doit de disposer de compétences exclusives concernant le Droit des contrats de commande publique en tant que niveau de compétence le plus efficace pour connaître de la réglementation dans une matière par définition globale car liée à la construction du marché commun, et non locale et pouvant relever de la compétence locale (nationale).

Plusieurs éléments pourraient expliquer l'inefficacité de la réglementation communautaire en matière de contrat de commande publique. Tout d'abord, le caractère incomplet de la réglementation issue du traité de Rome et du Droit dérivé a pu pousser les États membres, la France du moins, à conserver sa législation antérieure. Les seuils nationaux sont en effet moins élevés que les seuils communautaires d'application du Droit dérivé en matière de marchés publics. Ce vide a pu pousser la France à cumuler le Droit communautaire et le Droit existant.

Il semble s'agir aussi d'une volonté des États membres de conserver les particularités de leur droit. La notion de "concession à la française" est à ce titre une bonne illustration, et représente l'échec d'une harmonisation difficile des législations de 27 Etats.

Le Droit communautaire a pendant longtemps ignoré la notion de concession à la française. La notion de «concession» est entendue au niveau communautaire comme un contrat présentant les mêmes caractéristiques qu'un marché public à l'exception faite de la contrepartie des travaux ou des services effectués qui consiste soit uniquement dans le droit d'exploiter l'ouvrage ou le service, soit dans ce droit assorti d'un prix3. Le Traité instituant la Communauté Européenne ne définit en effet pas les concessions. Seule la directive 93/37/CEE sur les marchés publics de travaux prévoit un régime spécifique aux concessions de travaux. La directive 2004/18/CE définit les concessions de services comme des contrats présentant donc les mêmes caractéristiques qu'un marché public de services mais s'en distingue par le fait que la contrepartie de la prestation de services consiste soit uniquement dans le droit d'exploiter ce service, soit dans ce droit assorti d'un prix. Mais les concessions de services ne sont soumises à aucune règle spéciale de la directive.

La Communauté Européenne semble manquer d'outils pour imposer un système unique à l'ensemble des Etats membres. Ce système semble cependant plus souple et plus simple que le système français. Le problème est donc bien le choix de cumuler ce système communautaire au système préexistant au lieu de réformer profondément le Droit des contrats de la commande publique afin de ne conserver qu'une législation harmonisée au niveau fédéral, i.e communautaire. Le cas échéant, ce système pourrait être complété au niveau étatique pour les contrats ayant un impact local, ceux où la France, en tant que membre d'un État fédéral serait la plus compétente pour réglementer. Mais au-delà de l'harmonisation des régimes des contrats de la commande publique, c'est la répartition des compétences, notamment concernant la définition des contrats ayant un impact communautaire qui est en jeu. Dans son rapport, le sénateur Lambert propose que le Code français soit supprimé purement et simplement, et que lui soit substituée une transposition mot à mot des directives européennes du 31 mars 20044. Cette solution, bien qu'attirante, semble ignorer que le cadre communautaire actuel des contrats de commande publique est lacunaire.


2. La Catégorisation Des Contrats De La Commande Publique: Un Système Économiquement Efficace? (j'ai supprimé l'accent)

On l'a vu, la commande publique en France est un système de contrats spéciaux. La catégorisation des différents contrats est souvent floue et leurs régimes hétérogènes et par conséquent leur connaissance, complexe. Il convient donc de s'interroger d'une part sur les raisons économiques de cette catégorisation, avant d'étudier les coûts de cette catégorisation.


2.1 La spécialisation des contrats de commande publique: analyse par la théorie de l'agence et de la théories des coûts de transaction

Comme nous l'avons vu précédemment, bien que formant un ensemble cohérent, les contrats de commande publics sont spécialisés en fonction de leur objet, leur durée ou leur mode de rémunération.

Le Droit administratif français a choisi, contrairement à certaines juridictions ayant adopté un système unitaire, un système où les contrats sont les plus complets possibles afin de ne pas laisser de place à l'aléa ex post. Ce choix peut être analysé à la lumière des théories de l'agence et coûts de transaction. La notion de « coût de transaction » est apparue pour la première fois en 1937 dans un article de Ronald Coase, «The Nature of the Firm», et développée par Oliver Williamson (2000). La théorie des coûts de transaction pose en principe que les agents économiques sont dotés d'une rationalité limitée et sont opportunistes. La thèse initiale de Williamson et de la théorie des coûts de transaction est que toutes les transactions économiques engendrent des coûts préalables à leur réalisation (Ghertman, 1998) :

  1. Coûts de recherche et d'information»: prospection, comparaison du rapport qualité-prix des différentes prestations proposées, étude de marché etc.

  2. Coûts de négociation et de décision »: rédaction, négociation, conclusion d'un contrat etc.

  3. Coûts de surveillance et d'exécution»: contrôle de la qualité de la prestation, vérification de la livraison etc.

  4. Coûts liés à la recherche d'informations, aux «défaillances du marché», à la prévention de l'opportunisme des autres agents etc.

Ainsi, certaines transactions se déroulant sur le marché peuvent engendrer des coûts de transaction très importants.

D'autre part, la relation contractuelle de la commande publique peut s'analyser comme une relation d'agence. Michael C. Jensen et William H. Meckling (1976) définissent en 1976 une relation d'agence comme un contrat par lequel une personne (le principal) engage une autre personne (l'agent) pour accomplir un service en son nom, impliquant la délégation d'une partie de l'autorité de prise de décision à l'agent. Cette théorie est donc facilement applicable à la relation contractuelle de commande publique, où la personne publique engage une personne privée pour agir ou faire pour son compte. Par sa nature même, la relation d'agence pose problème dans la mesure où les intérêts personnels du principal et de l'agent sont divergents. En effet, la théorie de l'agence repose sur deux hypothèses comportementales. Premièrement, les individus cherchent à maximiser leur utilité. Ensuite, les individus sont susceptibles de tirer profit de l'incomplétude du contrat. Une relation principal-agent, est donc caractérisée par l'opportunisme. Un comportement qui consistant à rechercher l'intérêt personnel en recourant aux diverses formes de tricherie :

- La sélection adverse: l'opportunisme lié à l'asymétrie d'information ex-ante (tricherie avant conclusion du contrat) Elle se manifeste par la difficulté pour le client d'appréhender le niveau de compétence et d'expérience des prestataires, l'adéquation du produit ou des compétences du prestataire à ses besoins, le contenu et la qualité effective du produit ou du service.

- Le risque moral: l'opportunisme expost: il s'agit de l'impossibilité ou du caractère trop coûteux de savoir si l'agent respecte ou non ses engagements.

Dans un contexte d'asymétrie d'information et d'impossibilité de rédiger des contrats complets, des conflits d'intérêts peuvent survenir. La relation d'agence entraîne donc naturellement des coûts car le principal ne peut s'assurer à un coût nul que l'agent prendra des décisions optimales.

Jensen et Meckling distinguent alors donc trois types de coûts:

- Les coûts de surveillance et d'incitation: engagés par le principal pour orienter le compte de l'agent.

- Les coûts d'obligation: engagés par l'agent afin de mettre le principal en confiance.

- La perte résiduelle.

L'objectif de la théorie de l'agence est de déterminer, compte tenu de toutes les caractéristiques de la relation d'agence, le type de contrat minimisant au maximum les coûts de cette relation ainsi que ses risques.

En l'espèce, la catégorisation des contrats de la commande publique peut donc s'analyser comme une recherche du « contrat optimal» tendant à rendre le contrat le plus complet possible. Ainsi, selon le même raisonnement, la spécificité des régimes de passation de ces contrats peut s'analyser comme une volonté de spécialiser la lutte contre l'antiséléction, où « la défiance généralisée (...) naît dès lors qu'il n'existe pas un catalogue connu de tous et spécifiant les caractéristiques de tous les biens échangés ou susceptibles de l'être. Les connaissances sur la « qualité » des biens sont alors asymétriquement réparties. » (Brousseau, 1993). La mise en concurrence et la publicité sont donc deux mécanismes visant à réduire l'asymétrie d'information ex-ante sur les capacités du cocontractant privé à mener à bien la commande de l'administration.

Aux importants coûts de transaction, et face à l'incomplétude des contrats ex-ante, la commande publique en France semble répondre par un principe de spécialisation de ses différents contrats. Le Droit de la commande publique tend en effet à réduire les coûts liés à l'incomplétude des contrats ex-ante par des mécanismes de passations particuliers. Ces coûts sont notamment la recherche d'information et l'opportunisme des parties. La réponse du droit de la commande publique à ces coûts de transaction et coûts d'agence est donc bien une catégorisation des contrats, distingués et spécialisés en fonctions de leurs particularités et caractéristiques intrinsèques. Ces contrats tentent donc d'être complet, particulièrement en matière de passation, afin de réduire les différents coûts et risques nés de l'action même de contracter. Mais ce mécanisme de réduction des coûts semble lui-même engendrer des coûts.


2.2 Les coûts de la catégorisation

La question de la qualification des contrats spéciaux et leur distinction est devenu depuis quelques années une problématique au centre des débats en Droit administratif. Elle résulte de questions qui touchent au mode de passation de ces contrats. La passation d'une délégation de service public est allégée par rapport au droit des marchés publics ; la convention d'occupation domaniale est, en principe, exemptée de procédure de publicité et de mise en concurrence. Une fois le contrat qualifié, le régime de l'exécution du contrat est moins problématique. La qualification est donc au centre des débats et le Conseil d'Etat a encore considérablement alourdi le tout. Jusque dans les années 1960, la question de la qualification de la délégation de service public et sa distinction avec la notion de marché public ne s'est quasiment pas posée car la concession visait à faire réaliser la gestion de services par des personnes privées tandis que les marchés visaient à procurer des travaux ou fournitures par des personnes privées à la personne publique. Cependant, les catégories de prestation de service étaient très limitées donc le risque de confrontation entre concession et marché l'était aussi. Le brouillage des contours des différents contrats est né dans les années 1960 avec la création jurisprudentielle (CE, 11 déc. 1963, Ville de Colombes, Rec. CE, p. 612) de la notion de marchés d'entreprise de travaux publics (METP), à la fois marché et concession car une personne privée gérait le bien. Cette nouvelle catégorie aurait pu être le chaînon manquant entre le marché et la délégation. Au lieu de cela, les difficultés de qualification furent accrues tant les frontières entre les contrats de la commande publique furent brouillées. Jusqu'ici, le marché public était un contrat par lequel l'administration confiait à une personne privée le soin de la gestion du service public moyennant une rémunération perçue auprès des usagers de ces services. La distinction était donc fonctionnelle (service public confié à une personne privée) et économique (d'un côté une rémunération par l'administration et de l'autre une rémunération provenant de l'usager).

Ces catégories ont été progressivement brouillées par le METP qui empruntait à la concession son aspect fonctionnel mais empruntait aussi au marché son mode de rémunération. La question fut donc de savoir quelle était la nature du METP ? Cette question fut tranchée dans un arrêt de 1999, «Commune de La Ciotat » (CE, 8 fév. 1999, Préfet des Bouches-du-Rhône c/ Cne de La Ciotat, req. n° 150931). Le Conseil d'Etat y qualifia clairement les METP de marchés publics, les soumettant, les soumettant par là même au Code des Marchés Publics. Le « nouveau » Code des Marchés Publics est venu peu après poser les règles des articles 10 et 94, conduisant, sans la nommer, à prohiber cette technique contractuelle. Le brouillage fut aussi accru par le fait que se sont développés dans les années 1970 des pratiques contractuelles complexes unissant plusieurs formes de contrat dont la classification fut laborieuse. La qualification des contrats de mobilier urbain est à ce titre une bonne illustration de ce brouillage des qualifications. La question était simple: s'agissait-il d'une concession de service public, d'un marché public, d'une convention d'occupation du domaine public ou d'un contrat mixte associant l'un des deux premiers avec une convention domaniale ?

L'enjeu de cette qualification était clair: au-delà du simple exercice juridique, l'entreprise de l'affichage publicitaire Decaux, en quasi-monopole sur le marché du mobilier urbain souhaitait bénéficier du régime de la concession de service public, plus souple en matière de mise en concurrence et de procédure de passation que le marché public.

Le Conseil d'État n'a jamais dévié de la position qu'il avait adopté dans un avis de 1980 (CE, 4 Octobre 1980, Avis Section de l'Intérieur, n° 327449, 1), confirmé par deux arrêts de 2005 (CE Ass., 4 novembre 2005, Société Jean-Claude Decaux, req. n° 247298 et 247299) : les contrats de mobiliers urbains sont pour la juridiction administrative des contrats de marché public assorti de convention d'occupation de domaine public. Cependant, la doctrine n'a jamais adopté de position unanime en la matière. Une minorité s'est orientée vers une qualification de convention d'occupation du domaine public, ou bien même vers une qualification particulière. La grande majorité de la doctrine s'est cependant opposée sur une qualification de concession ou de marché. De plus, de nouveaux types de services publics éloignaient l'usager du prestataire de service de sorte que la rémunération par l'usager n'apparaissait plus comme centrale dans définition de la concession. Par exemple, le service public du ramassage et traitement ordures ménagères. Quand il se fait en régie, l'administration paye le prix à l'exploitant et prélève à l'usager la taxe, et quand elle délègue, administration ne paye pas, mais reverse à l'exploitant non pas la taxe mais la redevance pour service rendu.

On remarque néanmoins que depuis quelques années, l'accent est mis non pas sur le critère de la rémunération mais sur celui de l'objet pour déterminer la nature d'un contrat de la commande publique (Braconnier, 2006).

Alors que la théorie des coûts de transaction et la théorie de l'agent pourraient justifier l'existence de contrats spécifiques et les plus complets possible, on voit bien ici les limites du mécanisme de cette spécialisation des contrats de commande publique. Ces contrats sont si proches que quand ils le peuvent, les cocontractants tentent opportunément de qualifier le contrat selon le mécanisme qui leur est le plus favorable, notamment en termes de mise en concurrence et de publicité. Mais même en l'absence d'opportunisme, la qualification et la distinction de ces contrats demeurent un exercice laborieux.

En hiérarchisant les régimes des contrats de commande publique en fonction de leur contrainte, le principe de catégorisation des contrats de la commande publique réduit certes les coûts de transaction initiaux, mais en crée de nouveaux, principalement le coût de la recherche de la qualification du contrat (ou du contrat le plus favorable) les coûts de recherche du régime applicable. De plus, l'opportunisme des parties peut entraîner une lutte juridique coûteuse pour la qualification du contrat, et donc d'un régime plus favorable. Ces éléments réduisent donc l'efficacité de la spécialisation des contrats de commande publique dans la réduction des coûts de transaction.


3. Pour Un Régime Général De La Passation Des Contrats De La Commande Publique

3.1 Retour sur la question de la codification du Droit de la commande publique

Je supprimerai tout ceci: avant de se pencher sur la question du régime générale la catégorisation des contrats de la commande publique, il convient de faire un retour sur le débat entourant la codification du droit de la commande publique. Cette codification parait nécessaire. Pourtant, la commande publique demande plus qu'une simple codification. En effet, la France codifie à droit constant, c'est à dire, effectue une compilation du droit positif. Même si ce type de codification a le mérite "d'ordonner" le Droit et ainsi faciliter sa connaissance et sa pratique, il semble que le droit de la commande publique nécessite une codification "dynamique", accompagnée de réformes profondes et globales et pas uniquement limités au Droit des marchés publics comme nous le verrons par la suite5.


3.2 Différents modes de codification

La codification constitue une solution pour faciliter l'accès de tous à la règle de droit et à sa connaissance. Cependant le terme de codification regroupe différentes réalités. En effet, la codification peut être «unifiante» ou non, réformatrice, créatrice ou simplement compilant des textes épars. Elle peut porter sur des ensembles importants ou plus réduits.

Certains codes sont en réalité des compilations d'origine publique ou privée, consistant à regrouper dans un même volume tous les textes antérieurs, en y ajoutant au fur et à mesure les textes nouveaux, sans les modifier ni les harmoniser. Il ne s'agit alors que d'un moyen pratique de regrouper tous les textes traitant d'un même domaine au même endroit. D'autres catégories de codes, exprimant un véritable travail de codification, sont les plus importantes. Ces codes peuvent être un moyen de mise en ordre du droit existant (codification à droit constant), «avec une répartition rationnelle des matières entre les codes et une organisation méthodique entre chacun d'entre eux». Cette codification comporte peu d'innovations, mais tend à ordonner le Droit. L'article 3 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations a consacré légalement le principe de codification à droit constant, tout en autorisant des modifications lorsqu'elles sont nécessaires pour «améliorer la cohérence rédactionnelle des textes rassemblés, assurer le respect de la hiérarchie des normes et harmoniser l'état du Droit ».

Enfin, la codification peut être réformatrice, rénovant l'ensemble d'une matière et qui mêle dans un texte unique la reprise de règles traditionnelles et la formulation de règles nouvelles. Ainsi, en France, le code n'est pas seulement un recueil ou une compilation de textes, il les regroupe et les organise, comme le précise notamment le premier article de la loi du 16 décembre 1999 portant habilitation du gouvernement àprocéder par voie d'ordonnances à l'adoption de la partie législative de certains codes. Cependant, en 1989, lors de la relance de la codification, le principe de l'exclusion de la codification du Droit communautaire a été adopté, même si le premier rapport de la commission supérieure de codification prévoit que les dispositions communautaires du domaine concerné seront indiquées en annexe du code. Avantages de la codification pour les usagers du droit au sens large Si elle permet en premier lieu de prévoir le rassemblement de textes épars dont l'accès est difficile, les mérites de la codification vont en réalité bien au-delà.

La codification poursuit divers objectifs : une remise en ordre du droit par une synthèse des textes en vigueur afin de dégager une règle claire ; une clarification du droit par le regroupement synthétique de l'ensemble des règles applicables à une matière, une homogénéisation de cette matière, notamment par la création de codes nouveaux, à l'instar du code de l'environnement ou de l'éducation, un regroupement des normes selon un plan cohérent conçu pour les usagers, une suppression des dispositions obsolètes et des incompatibilités améliorant la cohérence rédactionnelle des textes rassemblés, une correction des inégalités découlant d'un manquement à la hiérarchie des normes en assurant le respect de celleci... En résumé, un accès facilité aux normes applicables entraîne une diminution du coût économique que représentent leur connaissance et leur mise en oeuvre aussi bien pour les agents privés que publics.

De ce point de vue, la codification de la commande publique paraît donc indispensable à la réduction des coûts nés de la passation et de l'existence même du contrat. Cette accessibilité inhérente à la codification représente assurément une diminution des risques liés à la complexité du Droit de la commande publique de la part des cocontractants comme les risques d'illicéité du contrat, de procédures entachées d'illégalité, de mauvaise qualification du contrat. Cette erreur de qualification du contrat représente en effet un risque pour la personne publique comme pour la personne privée, qui peut se voir appliquer un nouveau régime contractuel par requalification du juge. Cependant, afin que cette codification soit efficace, ne devraitelle pas être non pas une codification à Droit constant, mais une codification dynamique, accompagnée de réformes profondes du Droit de la commande publique et plus encore de la catégorisation actuelle ?


3.3 Pour un régime général en matière de publicité et de mise en concurrence

C'est à l'occasion du débat doctrinal concernant la qualification des contrats de mobilier urbains que Alain Ménéménis (2006) a appelé de ses voeux la création d'un principe général de la commande publique en matière de concurrence et de publicité. En effet, chaque procédure est différente et liée qualification du contrat. Cependant, la qualification des contrats la commande publique est complexe, leur distinction pas toujours évidente. Ces difficultés engendrent, comme nous l'avons montré, un coût de contractions supplémentaire, et ouvre la voie à des comportements opportuniste de la part des cocontractants qui souhaitent se voir appliquer le régime le plus favorable. Le plus souvent, et comme ce fut le cas dans la qualification des contrats de mobilier urbain, le cocontractant privé tente de démontrer un logique concessive du contrat afin d'éviter le régime, plus strict, de la passation du marché public. Et le récent contrat de partenariat, jusqu'à présent limité à l'urgence ou à la complexité particulière de l'objet du contrat, mais dont une prochaine réforme fera un contrat "de Droit commun" ajoute encore à la difficulté d'établir des frontières strictes et cohérentes (Prebissy Schall et Tachlian, 2008) entre les différents contrats de la commande publique. Dès lors, il convient de s'interroger sur la nécessité d'unifier le droit positif en matière de passation des contrats de la commande publique, en matière de mise en concurrence, de procédures formalisées, et de publicité, ainsi que les seuils déterminant ces diverses obligations. Il semble indispensable d'étendre les procédures appliquées aux contrats de marché publics, plus efficaces pour lutter contres les atteintes à la concurrence et la corruption, à l'ensemble des contrats de la commande publique. La délégation de services publique doit en particulier aménager son principe d'intuitu personae avec la notion de mise en concurrence et de transparence. Afin de rendre ces contrats efficaces, tous les cocontractants doivent pouvoir soumettre leur proposition à l'autorité délégante et être choisis ou écartés sur la base de critères objectifs. Ainsi, le juge administratif doit pouvoir contrôler le choix du délégataire, du moins au nom des principes d'égalité d'accès à la commande publique, qui découle de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, et de « la nécessité des dépenses publiques et le consentement à ces dépenses », qui sont garantis par l'article 14 de la Déclaration. En effet, le Conseil constitutionnel, lors de sa décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 relative à Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, a affirmé que les dispositions relatives à la commande publique devaient respecter les principes qui découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789 et qui sont rappelés par l'article les du nouveau Code des marchés publics aux termes duquel: «Les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. « L'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que par le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse ».

Dans cette décision, le Conseil a émis une réserve d'interprétation sur l'article 6 relatif à la commande publique, et aux exceptions aux principes généraux de la commande publique. Selon cet article 6, les ordonnances prises son fondement « ne devront déroger aux règles garantissant l'égalité devant la commande publique, la protection des propriétés publiques ou le bon usage des deniers publics que pour des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable ou la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé ». Mais malgré cette réserve, les contrats de partenariats sont nés de cet article 6. Pour sa part, la Communauté Européenne a déjà généralisé les principes applicables à la commande publique, dans les articles 28 à 30 et 43 à 55 du TCE, ainsi qu'à travers la jurisprudence de l'arrêt Telaustria. Cependant, la double compétence de l'Union et de la France en la matière a fortement complexifié le droit applicable aux contrats de la commande publique. C'est ainsi qu'au delà de la question d'une unification des différentes règles en matières de passation des contrats de la commande publique, se pose une autre question, bien plus profonde: celle de la catégorisation même des contrats de la commande publique en France.


Conclusion

On voit bien ici que le maintien de la catégorisation traditionnelle française ne répond pas nécessairement à un principe d'efficacité des contrats de commande publique. Cependant, mettre fin à la catégorisation pose le problème du caractère incomplet de ces contrats, auquel la spécialisation apporte une réponse, même si elle crée de nouvelles problématiques. Il semble difficile de pouvoir évaluer les coûts respectifs de la catégorisation à la française et d'un système unitaire comme celui développé en Colombie à partir de la Loi 80 de 1993. Pourtant, cette dernière offre un avantage comparatif, elle facilite la connaissance par tous du Droit applicable en la matière, ce qui représente une économie de coûts non négligeable, une meilleure transparence de ces contrats. En somme, un gain pour les cocontractants comme pour l'ensemble de la société car dans le Droit de la commande publique plus qu'ailleurs, l'adage Ignorantia juris neminem excusat a un coût. Il semble dès lors nécessaire que le législateur s'interroge, audelà de la question des modalités de recours aux différentes catégories de contrats de la commande publique, sur l'existence même de ces catégories. Le Droit des contrats administratifs français doit se demander quels sont les gains réels d'une catégorisation si stricte, quels en sont les coûts, afin de peut-être se diriger vers un Droit commun de la commande publique codifié.



Notas

1 Donnée DGCCRF, http://www.minefe.gouv.fr.

2 Conseil d'État, rapport d'activité 2008, volume 2 « Le contrat, mode d'action publique et de production de normes », p 216 et s.

3 Communication interprétative de la Commission sur les concessions en Droit communautaire, Journal officiel C 121, 29 avril 2000

4  « A quoi sert le code des marchés publics ? », Achat & contrats publics, http://moniblogs.lemoniteur-expert.com/achats_publics/2008/03/a-quoi-sert-le.html

5 http://www.senat.fr/rap/l02-266/l02-2664.html



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