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Eidos

versión impresa ISSN 1692-8857versión On-line ISSN 2011-7477

Eidos  no.35 Barranquilla ene./jun. 2021  Epub 08-Feb-2022

https://doi.org/10.14482/eidos.35.128.2 

Artículos originales

Lengua y sociedad: pragmática de la comunicación. Homenaje a Oswald Ducrot

Langage et société: pragmatique de la communication. Hommage à Oswald Ducrot

Sebastian Alejandro González1 

Juliane Bertrand2 

1Universidad de la Salle (Bogotá - Colombia) sgonzalez@unisalle.edu.co

2Université du Québec à Montréal (Montreal - Canadá) bertrand.juUane@uqam.ca


Résumé

L'article vise à montrer que le langage est intimement lié au monde social et que la clarification d'une telle relation dépend du fait de considérer sur un même plan les énoncés et les actions, ce qui conduit à considérer l'énonciation par le langage comme un type de comportement partagé. Cela signifie que la langue ne sert pas seulement les besoins de la vie sociale en tant que moyen d'intercompréhension. De façon relativement autonome, le langage fonctionne dans des conditions de réalisation qui sont des relations sociales très segmentées et hiérarchisées. L'hypothèse est qu'il est nécessaire, comme point de départ de l'analyse du caractère social du langage, de reconnaître la valeur performative qu'ont les énoncés, du fait qu'ils contiennent, dans le domaine des actes de langage, un certain pouvoir effectif ajusté aux conditions sociales qui détermine leur énonciation.

Mots-clés : énoncés; énonciation;performativité; corps social;pouvoir;pragmatique

Resumen

El artículo tiene el objetivo de mostrar que el lenguaje está íntimamente vinculado con el mundo social y que aclarar tal relación depende de considerar en un mismo plano de dependencia a los enunciados y a las acciones - lo que lleva a considerar al lenguaje como un tipo de comportamiento compartido. Eso quiere decir que el lenguaje no solo sirve a las necesidades de la vida social como medio de intercomprensión. Sobre un fondo relativamente autónomo -caracterizable en las consideraciones sobre los matices semánticos introducidos por las significaciones implícitas- el lenguaje funciona en condiciones de realización que son relaciones sociales altamente segmentadas y jerarquizadas. La hipótesis es que el lenguaje se realiza socialmente en la medida en que facilita a los individuos una forma de contacto. Pero también insistimos en que como punto de partida para el análisis del carácter social del lenguaje es necesario reconocer el valor performativo que tienen los enunciados en cuanto comportan, en el ámbito de los hechos del habla, un cierto poder realizativo ajustado a condiciones sociales que determinan los caminos de tal realización.

Palabras clave: enunciados; enunciación; performatividad; cuerpo social; poder; pragmática

Lengua y sociedad: pragmática de la comunicación. Homenaje a Oswald Ducrot

Il est courant d'affirmer que la fonction du langage est de communiquer et d'informer. C'est, dans les grandes lignes, la thèse émise par Saussure (1916) et qui a été reprise dans plusieurs modèles d'analyse du langage. De telles approches linguistiques perçoivent théoriquement la langue en tant que système de codes servant avant tout à faire connaître des « choses » que l'interlocuteur d'une conversation ne connaît pas. Sans vouloir s'opposer à la notion de communication, notons que la formuler ainsi en tant qu'échange de codes contenant des données et des références peut mener à sa problématisation sous divers angles. Bien sûr, la notion de communication comme principale fonction du langage, bien qu'elle soit une idée extrêmement complexe et qu'elle fasse l'objet de nombreuses objections, présente l'avantage, en premier lieu, de révéler le destinataire en tant que personnage central. Communiquer et informer, c'est toujours « dire quelque chose à quelqu'un »1. Nous partons de ce fait : la communication implique l'échange d'informations ou de sentiments par le biais de codes, signes ou signaux perceptibles (le langage). Cependant, notre objectif est différent : montrer que la langue ne répond pas seulement aux besoins de la vie sociale en tant que moyen de compréhension entre les locuteurs. Loin de l'idée que l'utilisation des mots pour échanger des références et des informations ne se produise qu'entre individus, nous avons l'intention d'établir et de caractériser le pouvoir du langage d'agir dans les relations internes du corps social.

De plus, si on perçoit la communication dans ce cadre axé sur la langue en tant que système de codes servant à informer les au diteurs de certains faits non perçus directement, il devient tentant de considérer l'acte d'informer comme l'unique acte linguistique fondamental. D'une manière très simple, on peut dire que l'un des inconvénients de l'idée de communication est qu'elle fasse référence à une certaine conception du langage propre à la relation intersubjective de la transmission d>informations. Accepter l’idée de la communication comme la seule fonction primordiale revient à réduire les tâches effectuées avec des mots à l'opération consistant à chiffrer le monde au moyen de codes interchangeables. Ce qui peut être problématique. Les migrations actuelles prouvent certainement que les langues ne sont pas simplement des codes linguistiques interchangeables; tous les malentendus liés à la traduction des expressions idiomatiques constituent d'excellents exemples du sujet, notamment en ce qui concerne la propagande et la publicité (Ryan, 1945).

Sans trop s'avancer sur ce qui sera l'idée centrale de l'analyse, on peut dire que le sujet est de montrer comment le langage sert à représenter l'état de choses dans le monde, ainsi qu'à mener des activités de natures diverses. Nous pensons que le langage peut faire l'objet d'une problématisation prenant en compte la portée d'actions verbales effectives (actes de langage). L'avantage de cette idée est qu'elle permet d'établir qu'au-delà des phrases et de leur vérification éventuelle, il existe un domaine très particulier dans lequel les énoncés et les actes de langage peuvent être analysés, et il s'agit d'un domaine dans lequel le non-dit constitue un espace de présupposés partiellement indifférent au référent et à l'intentionalité du locuteur (Ducrot, 1982, pp. 15-25). Vu sous cet angle, les énoncés gagnent en autonomie à condition de préciser ce qui est rendu possible dans leur utilisation. En fin de compte, l'enjeu ici soulevé est que les actes de langage peuvent être dissociés de la situation intentionnelle dans laquelle ils sont exprimés. Si on le souhaite, il est possible de revenir à la langue au niveau de l'énonciation pour travailler à une analyse qui ne cherche pas à traverser l'épaisseur de la vérité et du sens, mais qui vise plutôt à décrire son fonctionnement dans l'espace dans lequel elle est établie en tant qu'agencement collectif.

La principale ressource pour aborder le problème est de recourir à la notion de performativité, puisqu'elle désigne la fonction par laquelle un énoncé rend une action réelle, effective. Celle-ci repose sur deux postulats de base. Le premier renvoie à l'idée que les mots ont le pouvoir en eux-mêmes de procéder à des réalisations en vertu de leur propre substance linguistique (Strawson, 1965, 1995). Le second est que le langage fonctionne selon certaines conditions collectives qui permettent la réalisation effective des énoncés. Notre intuition est que, ne fonctionnant pas seulement comme des descripteurs du monde ou de simples normes que les individus respectent et auxquelles ils obéissent, les énoncés font également partie de la manière dont les gens sont gouvernés et leur rôle est défini dans les pratiques humaines.

Il doit être clair que la fonction performative du langage est basée sur la structure de surface des énoncés et doit être comprise au niveau des actes produits dans le discours et par le discours. Être condamné, par exemple, n'implique pas une qualité propre du sujet qui « encourt » une peine de prison; comme le dit Ducrot (1982, p. 50-62), c'est plutôt une manière d'exister produite par la phrase et par certaines conditions d'énonciation collectives qui s'articulent autour des déterminations juridiques du sujet qui entend le « vous êtes condamné ». La performativité indique que le langage n>a pas seulement à voir avec le plan sémantique des significations, mais également avec le plan pragmatique dans lequel le discours est réalisé par les actions qu>il incarne et produit. De telle sorte que les énoncés sont des actions qui peuvent interférer dans la situation des sujets au point où ils déterminent leurs actions et leurs passions : un ordre peut inciter ou paralyser; une promesse, donner de l'espoir ou faire désespérer quelqu'un. « Attendez! Arrêtez-vous! » est un énoncé qui, dit par la bonne personne dans une situation appropriée, implique l'émission d'un ordre qui est en lui-même un acte qui ordonne à quelqu'un d'arrêter. En ce sens, l'apprentissage d'une langue renvoie à bien plus qu'à l'apprentissage de symboles ayant une signification : il s'agit fondamentalement d'un processus orienté vers l'action sociale (Puren, 2014). La question est de savoir comment est-ce possible ? Comment se fait-il que le langage puisse intrinsèquement supposer des actes résultant de ce qui est dit et des effets, de l'énoncé ?

Pour problématiser le problème, deux éléments fondamentaux doivent être pris en compte.

Premièrement, les concepts de sous-entendus et de présupposés (Ducrot et Todorov, 1972). Ces concepts permettent de prendre en compte le fait que le sens est non seulement lié à la forme de surface de l'énoncé, ce qui est explicitement expliqué par les mots et leur référence, mais aussi par rapport à l>espace des implications propres aux circonstances de l'énonciation. En fait, lorsque les interlocuteurs n'interprètent pas les circonstances de l'énonciation de la même manière, il se produit une rupture de communication2.

Deuxièmement, le concept de polyphonie de l'énonciation, qui sert à clarifier la portée des énoncés et les conditions d'énonciation en termes de significations collectives implicites qui traversent l'utilisation du langage. En renonçant au principe du sujet conscient produisant des énoncés dont le sens renvoie à l'intentionnalité présente dans la référence explicite, on peut rendre compte de la multiplicité des significations sociales imbriquées dans ceux-ci. Ce que nous rejetons, c'est l'idée du caractère unique d'un sujet parlant et ce, en vertu de la caractérisation du style libre et de l'espace du non-dit, qui permettent une diversité des significations possibles d'un énoncé. En disant cela, nous faisons échos à certaines thèses de Ducrot (1986) sur des propriétés sui-référentielles du langage.

Ces concepts étant établis, nous utiliserons le point de vue pragmatique pour résumer les considérations relatives au caractère social des énoncés et au lien entre langue et société. On peut placer la situation du discours ou les conditions d'utilisation du langage dans un plan qui dépasse les référents et le sens, des concepts discutés par la philosophie du langage depuis Frege (1948). Cela signifie qu'il n'est pas question ici de proposer une description sémantique qui spécifie la signification particulière des expressions, ni de montrer la correspondance entre les mots et les choses. Au contraire, la question est de réfléchir à la valeur sémantique des énoncés en tenant compte du champ pragmatique à travers lequel ils acquièrent un sens chez les locuteurs. La notion de polyphonie viendra clarifier le fait que les énoncés expriment non seulement une signification nécessairement attribuée par une conscience, mais aussi des significations collectives. La détermination du mode dans lequel ces significations s'actualisent conduit à une observation de la constitution du sens dans le plan du non-dit.

1.Présupposés et sous-entendus

Personne ne parle uniquement parce qu'il pense pouvoir le faire ou simplement parce qu'il veut le faire. Certes, il y a une communion entre les énoncés et le scénario collectif dans lequel ils se produisent. Prenons l'exemple suivant, tiré de Ducrot (1982, p. 14) : pour faire comprendre à sa maîtresse qu'elle est consciente de son amour pour le galant, une servante parle longuement et avec insistance de l'objet de cet amour. Et la dame se sent coupable de l'avoir laissée parler, comme si elle confessait ainsi ce qui, au fond, n'était qu'implicite dans le discours de la servante. Ce que la servante ne dit pas expressément (peut-être l'amour de sa maîtresse pour le galant) et ce que la dame garde sous silence (peut-être l'erreur de s'être permis de comprendre ce qu'elle dit indirectement) a à voir avec notre propos. Nous sommes confrontés à une sorte de prolongement du plan des expressions où le fait même de l'énonciation affecte le contenu de l'énoncé. C'est comme un niveau implicite à l'acte de parler, mais en dehors de la signification - comprise comme Frege (1948) en tant que sens plus référence. Les professeurs, les moralistes, les intellectuels, les fonctionnaires et leurs chefs sont des personnages qui détiennent l'autorité de parler selon un accord présent implicitement dans les mots prononcés dans les salles de classe, les conférences, les livres, les bureaux, etc., tandis que l'élève, le spectateur ou le subalterne ne la possèdent traditionnellement pas. On peut noter que, selon les circonstances sociales, ces personnes n'ont pas toujours la même autorité pour parler3.

Les gens ne posent pas de questions sans savoir s'ils peuvent le faire. Personne ne s'accorde le droit d'interroger les autres si, au préalable, il ne présuppose pas qu'il obtiendra une réponse. En fait, l'hypothèse selon laquelle personne ne parle simplement pour parler (ou pour émettre des sons) est plutôt claire. Ducrot (1982, p. 15) signale par exemple que parler en bien de Pierre à Paul peut sembler suggérer qu'on lui donne Pierre en exemple à imiter ou que mentionner à quelqu'un l'heure qu'il est peut signifier qu'on lui demande de partir.

De tels exemples se multiplient. Avec des mots peuvent être accomplis des actes verdictifs (émissions associées à la condamnation, l'acquittement ou le classement), exercitifs (prises de décision tels que désigner ou révoquer), promissifs (se rapportant à des expressions d'engagement telles qu'un accord ou un contrat) et comportatifs (liés à des expressions sur le comportement de quelqu'un, telles que déplorer ou avoir pitié). Nous adoptons ici le vocabulaire de Austin (1998), mais le lecteur peut aussi se rapporter à la typologie de Searle (1995, pp. 456-476) portant sur les différents actes associés à l'énonciation et aux sous-entendus. Mais quel est le trait commun entre les énoncés et les significations implicites qui se trouvent dans la parole? Comment définir le statut des significations implicites par rapport aux significations littérales? Comment les distinguer? Qu'est-ce qui fait leur différence? Autrement dit, s'il est vrai que les expressions possèdent certaines significations implicites, il est également vrai qu'elles conservent leur signification explicite. Quand on mentionne l'heure, ce n'est pas toujours parce que quelqu'un doit partir. Et, on ne parle pas toujours des qualités de Pierre dans le but que Paul se comporte différemment. Comment est-il possible d'identifier précisément l'implicite par rapport à ce qui est dit littéralement?

La réponse est que les sous-entendus renvoient aux conditions contextuelles de leur utilisation (Ducrot, 1982, p. 15). Il est toujours possible de formaliser les manipulations du raisonnement en ce qui concerne les propositions pouvant être déduites de la déclaration elle-même. Le problème se pose lorsque les significations implicites sont basées sur l'incidence de l'énonciation dans l'énoncé. C'est pour cette raison qu'il faut recourir à des aspects extralinguistiques qui doivent être spécifiés au-delà de la communication réciproque (Ducrot et Carel, 1999). Dans un raisonnement comme « On m'a dit Y; mais Y implique X, donc on m'a dit X », la question est : qu'est-ce qui fait que la déduction de l'implicite se produit lorsque cela ne peut pas être fait à partir du cadre littéral de l'expression ? Quelle légitimité a la déduction de X quand ce qui a été explicitement dit est Y ? Ducrot (1982, p. 17) offre des indices : il ne faut pas considérer avant tout la forme des procédés discursifs (déduction logique d'après les propositions), mais plutôt le contexte -ou le lieu discursif- dans lequel ils se produisent. Selon Ducrot, l'important n'est pas comment on passe de la signification explicite à une signification implicite, mais plutôt où se passe le passage qui déclenche le processus.

Ainsi, le problème des circonstances de l'énonciation ne se réfère pas tant à l'énoncé, mais au fait même de l'énonciation et aux conditions qui doivent être présentes pour l'emploi des énon cés. Notre hypothèse est que la nature concrète du langage et les phénomènes de transmission d'effets par le langage ne peuvent s'expliquer que par la problématisation i) de la performativité en tant que capacité concrète immanente à des actes de langage spécifiques (redondance entre déclarations et actions) et ii) du caractère social du langage. Il est question de l'agencement collectif d'énonciation ou de la situation sociale des actes de langage4. C'est ce qui explique l'existence de plusieurs voix qui parlent simultanément et où il n'y en a aucune qui soit prépondérante et qui juge les autres. Maintenant, la question est de savoir ce qu'est un agencement collectif d'énonciation. Que signifie dire que le langage est nécessairement social ? Pourquoi n'y a-t-il aucun sujet-auteur d'énoncés qui explique leur sens et leur signification ? Et à partir de là, pourquoi l'utilisation de mots ne renvoit-elle pas seulement au sens et à la signification de manière référentielle ?

2. Le caractère social du langage

En ce qui concerne les actes de langage, nous sommes confrontés à un problème qui dépasse les limites des questions associées à la sémantique de la phrase et de l'énoncé (Ducrot, 1986, pp. 178-186). Le pouvoir des mots est un thème qui doit engager les circonstances de l'exercice intersubjectif du discours. En d'autres mots, la propriété de réalisation des énoncés fait référence à une sorte de « législation sociale » présente dans le contexte de présupposés avec lesquels les locuteurs, les destinataires et les auditeurs comptent lorsqu'ils parlent. Ainsi, c'est le magistrat qui peut accomplir l'acte d'ouvrir la séance car ce sont ses paroles qui interviennent dans l'acte même d'ouverture de la séance. Seul un élément sous-entendu supplémentaire s'intercale entre cet acte de langage et le fait de l'ouverture de la réunion : les auditeurs et les destinataires - ceux devant qui il parle et ceux à qui il parle - présupposent l'acceptation générale de l'autorité du magistrat. De même, c'est le juge qui a le droit de prononcer la sentence et c'est la personne condamnée qui a le devoir de l'entendre. Entre les deux -juge et coupable- il y a un présupposé, qui est la situation des segments sociaux dans lesquels chacun reste par rapport à l'autre. Toujours dans le même ordre d'idée, dans le contexte de la salle de classe, seul l'enseignant peut commander et seuls les élèves doivent obéir. Tous ces exemples montrent que, bien qu'il soit vrai que les actes de langage, par une propriété intrinsèquement linguistique, tournent autour des événements produits lors de la réalisation des énoncés, il est également vrai qu'il y a une certaine quantité de présupposés extérieurs à l'énonciation proprement dite qui garantissent la bonne exécution de ce qui a été dit. Il faut donc prendre en compte l'articulation de deux composantes dans la signification des énoncés : d'une part, la composante linguistique performative associée à la force intrinsèque des émissions; d'autre part, les conditions de possibilité -que Ducrot (1986, pp. 18, 61-62) appelle composante rhétorique- de la réalisation de ce qui a été dit.

L'une des conséquences les plus importantes de la reconnaissance du champ pragmatique des conditions permettant de réaliser correctement ce qui a été dit est l'impossibilité de maintenir l'idée de signification dans le cadre de la référentialité et de l'utilisation individuelle des mots. C'est l'observation qui, à cet égard, nous guide vers un prochain aspect : lorsqu'on définit les conditions de l'utilisation pragmatique et de la performativité, il est nécessaire de reconnaître que les énoncés ont une signification relativement vague et indéterminée, susceptible de recevoir dans leur usage des caractéristiques hétérogènes. Ducrot dirait que le langage ordinaire est presque la règle générale (voir 1986, p. 56). En effet, les émissions effectives conduisent à la valeur performative des actes de langage, mais aussi aux conditions sui-référentielles et intersubjectives de la parole. La réalisation effective de ce qui est dit s'inscrit dans un large éventail de présupposés externes qui sont partagés entre des locuteurs et qui jouent un rôle important dans la signification des énoncés5.

Mais, cet univers de présupposés n'est pas universel. Chaque groupe d'identité (qui peut être déterminé par la nationalité, l'âge, l'éducation, la religion, etc.) partage ses propres présupposés. Une personne appartient à différents groupes identitaires dans lesquels la réalisation de ce qui est dit sera plus efficace si elle est basée sur des présupposés qu'elle partage avec d'autres qui écoutent. La valeur exemplaire de la recherche dans le domaine des présupposés est qu'elle se réfère presque directement au lieu où une multiplicité est exprimée.

Maintenant, pour contester le caractère unique du sujet parlant, une nuance doit être faite entre le sens et la signification. Ducrot (1986, p. 184) attribue à l'idée de signification la question de caractériser sémantiquement les phrases, tandis qu'à l'idée de sens, il attribue l'élément sui-référentiel de l'énoncé. Fondamentalement, la distance entre le domaine des significations au niveau sémantique et le domaine du sens pragmatique provient de la différence entre expliquer que tel ou tel énoncé est susceptible d>être exprimé avec une indication intentionnelle de certains attributs du référent et expliquer comment tel ou tel énoncé peut être compris dans une occurrence précise. C'est la pragmatique des énoncés qui rend compte des significations enchâssées dans des actes de langage qui ne correspondent pas expressément aux indications contenues dans la signification explicite des énoncés lors de leur émission (désignation intentionnelle du référent). À l'intension et au référent s'ajoute, dans le sens, la situation du discours.

Et c'est précisément cette conception du sens qui fonde la pro-blématisation de la polyphonie en tant que phénomène dépassant la subjectivité du sujet parlant. Qu'est ce que cela signifie? Que l'énonciation implique le caractère collectif de marques tirées de l'univers des présupposés dans la parole. Le discours indirect libre est le meilleur exemple pour illustrer la manière dont le non-dit émerge dans l'énonciation (Deleuze et Guattari, 1975).

Une telle suggestion peut sembler étrange pour introduire l'idée que ce n'est pas ce que quelqu'un veut dire qui apparaît quand il le dit. Certes, il y a une tendance à assumer des coïncidences entre la volonté de parler et ce qui est transmis avec des mots. Nous n'essayons pas de réfuter cette coïncidence, mais plutôt de souligner le fait fondamental que l'énoncé peut être interprété sans restriction à la source et aux destinataires. Il est toujours possible de considérer une subjectivité qui précède les actes de langage. Toutefois, cette considération a tendance à être trop limitée, car elle ne tient pas compte du fait que le sens des énoncés est né dans un lieu qui n'inclut pas exclusivement la relation de désignation entre les mots et les choses. En plaçant la sémantique dans une perspective pragmatique, la source responsable du sens des énoncés ne peut plus être qu'un espace énonciatif hétérogène qui se singularise dans l'émission particulière de telle ou telle personne (Negrori et Colado, 2001, p. 164). L'individu empirique, celui qui gesticule pour produire des sons, est donc un intermédiaire entre la réalité linguistique et la réalité pragmatique des énoncés.

3. Actes et énoncés

La relation entre actes et énoncés -ou ce qui est fait quand on parle- trouve son explication dans les propriétés sui-référentielles des émissions et dans le champ des présupposés communs aux interlocuteurs, qui servent de conditions extralinguistiques pour la réalisation satisfaisante de la parole. Ce que la sociolinguistique considère comme le contexte social de la langue peut être qualifié en recourant à la pragmatique de la communication. Chaque fois qu'un orateur utilise des mots pour communiquer, entre autres activités, il est placé dans un espace de significations collectives compris comme un arrière-plan de présupposés implicites insérés dans renonciation (comme conditions de réalisation du discours).

Il a été souligné que le concept de polyphonie de l'énonciation sert à déterminer ce fait. En ce sens, les énoncés et les émissions présentent la qualité d'être ouverts à l'hétérogénéité des possibilités énonciatives présentes dans les fonctions des actes de langage et de ce qui les garantit. Chaque orateur est en soi un contestataire. Dans une plus ou moins grande mesure, il n'est pas le premier locuteur, celui qui interromprait pour la première fois le silence de l'univers, et qui ne ferait que présumer de l'existence du système langagier qu'il utilise. Avant cela, c'est un personnage qui compte avec la présence de certains énoncés antérieurs, les siens et d'autres, avec lesquels son énoncé établit toutes sortes de relations dans la mesure où il repose sur eux, entre en conflit avec eux, ou assume simplement qu'ils sont connus de son auditeur (Todorov, 1981a et 1981b).

Cela revient à dire que le caractère social du langage ne peut être perçu que s'il est bien compris que, outre les règles grammaticales (qui rendent compte des principes d'utilisation des sons, des lettres, des mots, des phrases, au sein des énoncés et du discours), le langage a la capacité de refléter la véritable interindividualité des locuteurs sous la forme d'une incorporation de significations sociales dans la parole. D'où le lien pragmatique entre communication et société.

L'auteur d'un énoncé n'est pas indifférent à ce fait. On ne parle jamais, pas même pour soi, en attribuant personnellement et individuellement du sens. Le langage répond à des mécanismes de présupposition -formels et pragmatiques- qui ne sont rien d'autre que l'ensemble des significations collectives immanentes à chaque émission (Jameson, 1998).

La sociolinguistique et la communication sont des domaines de recherche qui ne font que renforcer l'attitude vis-à-vis du phénomène de la polyphonie en montrant la correspondance réciproque du champ social et du langage, par exemple la propagande et le discours politique (Toledo-Parada, 2017). On peut donc dire que le langage ne se compose pas uniquement de phrases et de propositions. La langue est en outre une forme de comportement collectif qui est médiatisée par la dynamique des performances de la parole qui persistent dans des contextes interpersonnels d'un type ou d'un autre (Van Dijk, 2003).

Une substitution dans le registre implicite du lieu de la structure sociale dans laquelle est émis un énoncé peut provoquer une commutation dans son sens. Ce qui signifie, fondamentalement, que les variables linguistiques, présentes dans l'utilisation spécifique d'énoncés (styles de parole), participent à la différenciation sociale des locuteurs. La sociolinguistique vérifie constamment cette idée. Les changements dans le choix des traits phonologiques, grammaticaux et lexicaux témoignent d'un tel arrangement des segmentations sociales opérant à travers le langage (Guy, 1992, p. 57). La réalisation d'un discours reconnu en liaison avec l'organisation générale des individus est l'un des problèmes fondamentaux auxquels la linguistique et la théorie sociale doivent faire face. Le fait est que l'existence de variations dans l'utilisation de la langue se réfère, presque obligatoirement, à la dimension des faits à l'origine de ces variations6.

4. pragmatique de la communication

Comme nous l'avons vu précédemment, l'interaction des individus à travers le langage intervient dans la réalisation du langage en tant qu'actions. C'est ce que nous appelons un acte de parole ou acte de langage, selon la tradition d'Austin (1998), de Ducrot (1982, 1986) et de Searle (1995). Par ailleurs, il est certainement indéniable que, dans certaines recherches linguistiques, le postulat théorique consistant à traiter le langage comme une entité mentale est assumé comme fil conducteur (Duranti, 2000). Cela semble évident, mais nous pensons que la sociolinguistique montre précisément que la langue s'avère être bien plus qu'un phénomène mental (Lavandera, 1992).

En effet, la tradition sociolinguistique a des effets importants sur l'analyse pragmatique que nous avons entreprise (Hjelmslev, 1968). Nous avons montré que les énoncés, en raison de leur nature collective, concernent la spécificité des circonstances dans lesquelles se produisent les occurrences linguistiques, dans la mesure où elles ajoutent une valeur sémantique au contenu de ce qui est exprimé. Nous insistons sur ce point : sans la reconnaissance des significations inscrites dans les contextes naturels dans lesquels l'acte de langage se réalise, il y a un risque de se contenter artificiellement d'une approche méthodologique consistant à représenter la portée des énoncés en vertu de leur contenu sémantique et rien d'autre, ce qui, dans l'analyse des discours politiques et des médias de communication par exemple, peut donner un résultat désastreux (Ducrot, 1986; Laclau, 1999). Plus concrètement, l'étude des expressions constatives présente le risque de considérer une grande partie des expressions du langage comme des occurrences sans signification. En d'autres mots, les énoncés ne peuvent être isolés sans recourir à des arguments théoriques qui, dans tous les cas, omettent la preuve quotidienne que le langage sert les besoins qu'ont les individus d'effectuer des activités qui ne consistent pas seulement à montrer et affirmer. Le recours à la pragmatique de la communication est une stratégie théorique pour relever le défi d'essayer une description sémantique en faisant allusion aux circonstances concomitantes des actes d'énonciation.

De telles réflexions visent à souligner que la composante linguistique - la description sémantique -dépend de la composante rhétorique- la description pragmatique - des énoncés. Il s'agit d'une analyse du langage qui prenne en compte les formalisations des propriétés performatives intrinsèques du langage ainsi que les conditions pragmatiques des émissions. L'apport fondamental de la perspective de la pragmatique de la communication est d'attirer l'attention sur les phénomènes suivants.

Premièrement, les énoncés servent non seulement à exprimer des informations, mais également à effectuer des actions linguistiques liées à des comportements non linguistiques. Deuxièmement, la réalisation d'énoncés à travers des actes de langage présente une grande variété de moyens linguistiques qui, en outre, contiennent plusieurs niveaux de présupposés et de force illocutoire. Troisièmement, selon les conditions de possibilité dans lesquelles les énoncés sont émis, différentes fonctions pragmatiques peuvent être remplies: donner des ordres, condamner, punir, blesser, interroger, faire dire la vérité à quelqu>un, le corriger, etc. Quatrièmement, les conditions de possibilité renvoient à la dimension collective des énoncés. La situation dans laquelle chaque individu parle se définit dans les conditions sociopolitiques qui rendent appropriée la réalisation du langage. Ce dernier point doit être compris comme suit : on peut dire que chaque acte de langage fait référence à deux plans indépendants mais corrélés. D'une part, celui des énoncés et de leur capacité linguistique à se réaliser; de l'autre, celui des effets découlant de la situation spécifique dans laquelle l'énonciation a lieu. Cela signifie que chaque acte de parole est lié à des conditions sociopolitiques qui déterminent si la production correcte de mots est possible. Ce point est capital. La pragmatique de la communication ne vise pas à remettre en question ni à remplacer l'analyse linguistique. C'est plutôt une perspective qui permet de comprendre les conditions de la production de la parole et, par là même, la relation entre la langue et l'espace social dans lequel elle est se réalise.

Les controverses actuelles dans la recherche pragmatique, celles qui constituent les principaux points de débat, concernent des questions telles que : i) Existe-t-il un ensemble universel de types d'actes de langage ? Et un ensemble de ce type devrait-il être identifié au niveau de la conceptualisation culturelle et/ou de l'expression linguistique ? ii) Quelle est la nature exacte des liens entre, d'un côté, la forme linguistique et le contenu des énoncés et, de l'autre, leur potentiel de force pragmatique ? iii) Quelle est la portée des dimensions contextuelles (co-textuelle, situationnelle, socioculturelle) nécessaires au bon fonctionnement des énoncés sur le plan pragmatique ? Et plus encore, quelle est la nature de l'interaction des individus à travers les mots? (Gee et Handford, 2016, pp. 7-174).

Voilà pour ce qui concerne le paysage de la linguistique contemporaine. Mais, d'autre part et indépendamment des développements scientifiques qu'attend encore la linguistique, dans notre cas particulier, lorsqu'on remet en question l'idée de l'information en tant que fonction unique du langage et de l'assimilation des énoncés à la portée intentionnelle de l'attribution de sens, nous essayons de subordonner le plan sémantique de la langue à un pragmatique nous permettant de voir comment ces énoncés fonctionnent au niveau collectif. Ainsi, ce que nous défendons, c'est l'analyse du statut social particulier des actes de langage présentant les présupposés implicites liés à la qualification sémantique en tant que conditions de réalisation qui restent inscrites dans l'univers du discours créé. En soulignant l'arrière-plan des présupposés qui sous-tendent les énoncés, nous essayons de décrire l'expérience intersubjective de la parole. Maintenant, la question est : quel est le résultat d'une telle stratégie?

5. Principales conclusions

En s'appuyant sur la recherche des présupposés, avec une attention particulière aux conditions d'occurrence des énoncés, nous sommes en mesure de clarifier l'idée que le sens avec lequel les gens parlent échappe, et de loin, à ce qu'ils ont particulièrement envie de dire. Nous insistons sur le fait que le langage, dans une dimension concomitante à la performativité, fait référence à des phénomènes pratiques. Cela signifie que les énoncés doivent être compris dans leur caractère performatif comme des actes sociaux participant à l'interaction collective. Et pas seulement à cause de ce que le dialogue ou la conversation indique. La calomnie, les commérages, les insultes, les accusations, les critiques, les polémiques, les louanges ne sont que le pain quotidien des actes d'énonciation solennels et collectifs; mais ceux qui concernent profondément les fonctions du corps social sont, en tant qu'actes de langage, les accusations, les condamnations, les interrogations, les jugements, les ordonnances, etc. (Bourdieu, 1982, p. 66).

Schématiquement parlant, les conditions sociales de l'efficacité du discours apparaissent dans les manifestations des propriétés performatives des énoncés dans la mesure où ils sont liés aux présupposés généraux qui qualifient les émissions. Il faut se rappeler que ce qui permet de parler n'est pas seulement l'intention de parler avec certaines prétentions de référence et de sens; cela est également donné dans le domaine des compétences qui « autorisent » à prononcer des mots et à faire quelque chose avec eux. L>utilisation du langage implique à la fois les qualités performatives inhérentes aux énoncés et la position sociale du locuteur. Dire que les énoncés servent non seulement à découvrir un état de choses ou à affirmer un fait, mais également à exécuter certaines actions, signifie que le pouvoir des mots survit dans le fait implicite que celui qui les prononce ne le fait pas à titre personnel.

La plupart des conditions nécessaires au succès des énoncés se manifestent lorsqu'il y a adéquation entre le locuteur et certaines fonctions sociales. Mais, lorsqu'ils ne sont pas prononcés par une personne qui a le « pouvoir » de le faire ou, en général, lorsque les personnes et les circonstances particulières ne conviennent pas pour que la procédure en question soit invoquée -bref, lorsque les orateurs ne sont pas autorisés à parler efficacement- leurs paroles sont un échec. Mais le plus important est peut-être que le succès des réalisations avec des mots ne soit pas compris comme une dépendance à des actes d'autorité mais à des actes autorisés par leur relation avec des conditions de possibilité intersubjectives composées dans les segmentations sociopolitiques qui traversent des individus et des groupes7.

C'est la raison de l'insistance sur la pragmatique : c'est par une propriété immanente que les énoncés procèdent par réalisations. En fin de compte, nous essayons de dire que c'est en vertu de la possibilité performative du langage que nous devons comprendre comment cela fonctionne dans des conditions sociopolitiques qui interpellent chaque individu quand il parle. Les segments sociaux corrélés aux modèles de l'homme, blanc, masculin, adulte, urbain, parlant un langage standard, européen, hétérosexuel, imposent des déterminations en fonction desquelles les émissions sont qualifiées et il est nécessaire d'expliquer ce phénomène8.

Cela est d'autant plus crucial pour opérer à travers un glissement entre la pragmatique et l'analyse du corps social ou pour traiter du lien entre la communication et la société. En fait, la situation imposée par le choix de la voie de l'analyse sociolinguistique est liée à la nécessité de s'approprier une théorie sociale. Sur ce point, il n'y a pas de consensus, car tous n'ont pas le même objet d'étude. Les linguistes qui optent pour les principes de formalisation de règles ou de paramètres pour la production d'énoncés ne jugent pas pertinente la question de savoir dans quel type d'analyse sociale s'inscrit leur explication de l'utilisation des mots. Et d'autres, qui acceptent la pertinence de la théorie sociale, ne s'accordent pas sur le paradigme conceptuel qui devrait intervenir dans l'analyse du langage (Lavandera, 1992).

À notre avis, pour comprendre la vie et l>organisation sociale reliées à l'analyse des règles qui régissent la réalisation du langage, il faut opter pour des concepts théoriques d'un autre ordre que la linguistique. L'analyse pragmatique de la communication présente des alternatives en incorporant les phénomènes d'ordre social dans l'analyse du langage et donne une priorité méthodologique au rôle joué par les énoncés dans la façon dont les individus se répartissent dans l'espace de leurs relations communes.

Ce qui conduit à une dernière conclusion. Le rôle joué par les énoncés s'explique dans la performativité, car il contient la revendication, définie collectivement, de pouvoir effectuer certaines actions avec des mots. Celle-ci est particulièrement intéressante, puisqu'elle mène à un pouvoir actif des relations, qui vont et viennent du langage à l'action. L'intérêt pour le choix de la perspective sociale et pragmatique du langage devient crucial à partir du moment où la question essentielle est de déterminer comment le lieu d'énonciation affecte la production de la parole et comment cette parole transmet ce qui est caractéristique d'un tel lieu. C'est une combinaison de perspectives d'analyses utiles dans une étude sociale de la communication : les analyses sociale et pragmatique évoquent la nécessité de délimiter quelles variables extralinguistiques concernent l'énonciation et la qualification du sens; mais aussi, elles impliquent la tâche d'établir la manière dont la réalisation du discours traduit les relations qui sont à la base des stratifications sociales. Cela revient à dire que le langage est chargé de relations sociales en ce qui concerne sa réalisation collective.

En d'autres termes, les sanctions ou récompenses que la langue favorise, en vertu de son inscription dans le champ social, doivent être comprises comme des relations de force qui se traduisent en codifications qui s'appliquent aux individus et à leur façon de parler (Duranti, 2000). Ce que nous disons, c'est que le langage est couvert par l'organisation interne de la société. Cela signifie que les scénarios de communication concernent les tensions, les différences, les attachements et les codifications sociales et politiques de la communauté humaine. Ainsi, une attention particulière est accordée à la manière dont les caractéristiques des divisions sociales affectent les schémas d'utilisation des mots et, en résonance intime, une attention égale est accordée à la manière dont les variantes dans l'utilisation de la langue affectent les forces qui régissent les rapports entre les individus et les groupes.

6. En guise d'ouverture : communication et politique

En plus de la ligne de travail entre la communication et la société, largement abordée dans cet article, le dernier point suggère l'existence d'une ligne similaire entre la communication et la politique, ce qui est extrêmement intéressant, - particulièrement avec les avancées systématiques dans les études politiques des moyens de communication de masse (Tarin, 2018). Notre intuition est qu'il existe des mécanismes de régulation qui s'appuient sur les fonctions définies par les énoncés. De plus, ce sont des dispositifs composés d'énoncés qui traduisent les forces actuelles dans le domaine des hiérarchies sociales. Langue et pouvoir, ainsi que communication et société. La question est de savoir comment évaluer les modes de vie dans des conditions et des possibilités définies dans le circuit du langage et des actes.

Si le pouvoir est productif en ce sens qu'il fait référence à des actions qui délimitent, circonscrivent et différencient, les énoncés sont des opérateurs qui matérialisent ces actions : le pouvoir différencie et segmentarise, car il marque des agissements qui passent nécessairement par des fonctions formalisées dans des énoncés tels que « punir », « surveiller », « examiner », « codifier », « exclure », « ordonancer », « interroger », « juger », etc. (Foucault, 1999, 2001a, 2001b). Les effets performatifs des énoncés sont fixés à la surface des corps et doivent être compris comme des pratiques réitératives d'actes produits dans le discours et par le discours. « Avouer », « examiner », « punir », « condamner », « interroger », « questionner », « sanctionner », « vérifier », etc., sont des énoncés qui émergent dans des conditions sociales de réalisation qui, de plus, garantissent l'efficacité des codes qui les traversent. Ce qui est exprimé dans les énoncés affecte les sujets dans la mesure où ils modifient les circonstances de leur existence, donnant ainsi une faculté immanente à l'acte de dire.

C'est l'une des conclusions les plus importantes à noter : exécuter un acte de langage, c'est s'inscrire dans des comportements régis par des critères impossibles à identifier directement avec la pression sociale. Dans cet esprit, le caractère opératoire des énoncés est défini dans les effets performatifs immanents aux actes de langage dans la sphère des conditions sociopolitiques et de leur système de relations de pouvoir.

On ne peut pas simplement dire que le pouvoir des mots découle des « pouvoirs privés » de la communauté de consensus ou d>autorité. Nous pensons que les codes réglementaires implicites dans le langage doivent être compris comme étant dépendants du régime de hiérarchisation qui constitue le corps social. Les énoncés mènent à des réalisations, car ils entrent en relation avec des appareils institutionnels, des mécanismes juridiques et des pratiques collectives (Hymes, 1962 et 1972). En ce sens, les énoncés peuvent être évaluées en fonction de leurs implications pragmatiques dans la vie sociale des êtres humains, sans recourir à des facteurs liés au contrat - comme si on disait que les hommes s'accordent sur ce qu'ils vont faire lorsqu'ils parlent et sur les conséquences qu'une telle activité a au niveau interindividuel. Au contraire, nous devons essayer de comprendre la manière dont, entre les énoncés et le pouvoir, il existe une relation d'interpellation mutuelle immanente à l'assujettissement des sujets dans la société.

Quel mode de vie nous oblige, en tant qu'orateur, à utiliser certains moyens d'expression, certains mots, certaines articulations et même certaines tonalités (Tomlinson, 2006, p. X) ? Les aspects performatifs du langage clarifient la manière dont les énoncés intègrent le monde social, ainsi que les relations de pouvoir qui agissent dans l'ensemble des interactions humaines. Les énoncés sont reliés aux relations de pouvoir, de sorte que celles-ci se traduisent en actes effectifs. Il n'y a pas de relations de pouvoir sans la constitution corrélative des effets performatifs qui s'expriment dans les transformations incorporelles du mode de vie des sujets. Lorsque les linguistes se sont « heurtés » à la pragmatique -en voulant problématiser les présupposés implicites de la langue- ils ont montré, entre autres, la manière dont la force est mise à jour dans les énoncés (Virno, 2004). C'est peut-être un bon moyen de comprendre ce qu'Austin (1998) appelle la « force réalisatrice » des expressions. Le point, finalement, est qu'il est possible de profiter de cette idée pour indiquer que les énoncés ont des effets sur les sujets en ce sens qu'ils permettent ou limitent leurs actions. En fin de compte, le lien entre les énoncés et le pouvoir peut être caractérisé comme une fonction performative permettant l'exercice de la force. Tout ce qui est fait en disant quelque chose est de promouvoir des circonstances qui déterminent le comportement des locuteurs, à condition que cette faculté soit comprise comme immanente à la langue et, surtout, installée en tant que conditions constitutives des relations sociales. Suivant cette indication, la formule générale de ce que nous avons dit ici fait référence à l'idée que tout comportement peut être régulé, codé par une composition d'énoncés qui, dans des conditions sociopolitiques satsfaisantes, créent un agencement de relations de pouvoir. Il est seulement nécessaire que les énoncés considérés soient décrits au niveau de l'agencement avec de telles conditions de fonctionnement pragmatique et politique du corps social.

Enfin, nous conclurons avec quelques considérations liées à la philosophie française contemporaine.

D'une part, les énoncés peuvent être compris en tant que produits du travail linguistique, mais d'autre part, ils sont aussi des instruments de toute activité et comportement humains non linguistiques. Les gens sont à la fois des producteurs et des consommateurs de leurs propres productions linguistiques. Ils parlent, accomplissent des actes quand ils parlent et aussi avec ce qu'ils disent. Autrement dit, les énoncés sont des produits qui ne dépendent pas seulement des faits mêmes du langage ; en contexte opportun, ils se rapportent également au travail non linguistique. Tout cela est similaire à la façon dont l'économie classique a abordé la notion de travail (non linguistique). De même que la richesse matérielle n'est pas le résultat naturel de la matière disponible sur terre, mais le produit du travail au sens large, les énoncés n'existent pas intrinsèquement ; ils sont le produit d'activités que les êtres humains mènent quotidiennement et tout au long de leur vie avec des mots, des expressions et des signes.

Nous avons appelé « pragmatique de la parole » le fait que tout produit humain absent dans la nature peut être expliqué uniquement en termes de travail réalisé par les gens qui cherchent à en faire une réalité. De ce point de vue, la pragmatique se réfère à ce qui est fait avec les mots dans le sens fort de tout ce que représentent les comportements humains.

L'une des plus grandes conséquences de notre analyse est peut-être qu'il n'y a rien de tel qu'une distinction entre les activités linguistiques et non linguistiques. Cela signifie que nous sommes conscients que, dans la langue, il ya certainement des aspects qui engagent les individus et qui peuvent s'associer au patrimoine langagier, au style particulier dans la construction des messages, à l'activité phonique et à l'articulation des sons, au sens, etc. Mais cela ne devrait pas détourner l'attention de trois faits fondamentaux.

Tout d'abord, malgré le processus physique et le phénomène de l'intentionnalité de la parole, la langue naît dans le travail collectif des agents qui échangent des énoncés. En effet, sans de telles communautés d'individus, les langues -voire le langage- n'existeraient pas.

Ensuite, il est important de se rappeler que la parole expose le fait que les énoncés circulent au milieu du dépôt de significations collectives - un dépôt qui, soit dit en passant, est déterminé par les situations dans lesquelles le travail linguistique se produit. La parole est un comportement qui dépend du marché linguistique disponible et des structures qui déterminent les modes d'échange.

Cette idée est fondamentale : les énoncés circulent comme les matériaux et les constituants de toute communauté. Autrement dit, la réalité sociale du langage dépend des aspects de la réalisation de la parole étant données les conditions typiques de l'échange mutuel de mots. Dans ce marché linguistique, tous les énoncés émis lors de l'utilisation d'une langue constituent une communauté dont la disponibilité est importante pour les échanges.

Cela nous amène au troisième fait fondamental. On peut accepter, du moins préliminairement, que le langage a à voir avec sa capacité de répondre aux besoins, c'est-à-dire que les langues ont une certaine valeur liée à l'usage défini comme leur capacité de servir à différentes actions. Quelle est cette valeur ? La valeur d'usage provient du fait que les produits sont précisément des produits. Il est caractéristique des produits humains d'être en mesure d'assumer une certaine valeur qui correspond à leur possibilité d'être utilisés, de servir. Les produits ont des valeurs d'usage ou d'utilité variées. Mais il y a aussi d'autres valeurs. Lorsque des produits ayant une valeur d'usage entrent en relation les uns avec les autres, il émerge un échange qui se réalise dans des modes de circulation cristallisés. Les produits ont une valeur d'usage et une valeur d'échange. Mais attention : nous croyons que l'idée doit être maintenue, mais à un autre niveau. Nous dirions plutôt que le langage se réfère au travail de la langue, qu'il se réfère aux relations réciproques des agents qui composent une communauté et qui participent au même marché linguistique. Dans ce marché, les énoncés ont une valeur d'usage dans la mesure où ils répondent aux besoins linguistiques de divers ordres. La valeur d'usage se joint à la valeur d'échange, car on suppose que toutes les émissions se produisent à travers la transmission et la réception d'énoncés. Bref, le fait de dire quelque chose n'a du sens qu'en rapport avec ses valeurs d'usage et d'échange.

Ainsi, une traduction en d'autres termes d'une idée que nous avions déjà émise plus haut est mise en jeu. La notion de valeur d'usage et d'échange est équivalente à la notion de signification ajusté aux conditions de réalisation des énoncés (actes d'énonciation ou de parole). L'analyse pragmatique du langage ne fait que mettre de l'avant ce processus en laissant voir que la circulation des mots intervient dans l'usage qui est fait de ces mots. Ceci amène à reconsidérer deux aspects du marché linguistique. Chaque énoncé a une valeur d'usage et d'échange, de sorte que, d'une part, il doit être en mesure de satisfaire un certain besoin linguistique (exprimer, connoter, informer, référer, qualifier, ordonner, mendier, raisonner, etc.). D'autre part, un tel besoin doit apparaître comme ayant telle ou telle valeur pour qu'il soit possible de se comprendre. Austin -et Ducrot par l'étendue de la même idée- le savaient déjà : la notion de signification doit non seulement avoir pour but de clarifier comment il est possible de montrer, sans oublier les difficultés théoriques que cela entraîne, comment il est possible d'affirmer par les mots, mais elle a aussi le défi d'expliquer les actes diversifiés qui se font avec les mots. La leçon d'Austin et de Ducrot est que montrer et affirmer sont des fonctions du langage aussi élémentaires que demander, trouver, etc. (Austin, 1995, p. 416 et suiv.; Ducrot, 1982).

De là, on peut donc dire que le travail linguistique résulte dans une certaine sémantisation. Ou ce qui est le même : dans chaque communauté, il y a un certain travail linguistique qui définit les critères de partage à travers lesquels s'établissent l'étendue de circulation des mots et l'intention qu'on y trouve. Cela renvoie à une idée subtile. En d'autres termes, il n'est pas exagéré de dire que la valeur d'usage est un moyen spécial de rendre compte de la signification et que la valeur d'échange est une façon de saisir le pragmatique implicite dans lequel le sens se produit socialement. Si on considère que les énoncés sont déjà formés et qu'ils se situent au niveau général de l'échange, il est entendu que la signification naît dans l'usage : la valeur des énoncés est fournie par une communauté quand ils obéissent aux qualifications sémantiques de la production et de la circulation.

Il est clair que cette idée n'a pas pour but de réfuter l'unité entre la signification et le sens ; il est plutôt clair que les énoncés, dans leur unité signification-sens, sont le produit d'un travail linguistique antérieur. C'est à ce travail que se réfère la notion de valeur d'échange. C'est dans le fait que les mots sont liés à d'autres mots qu'on peut parler de travail sur la langue. Disons qu'au-delà de la terminologie, ce qui est intéressant est la pragmatique de la circulation et de l'usage des énoncés. Dans la production de mots (réalisation du langage sous forme de discours), la valeur d'usage et la valeur d'échange sont des notions qui mettent en évidence l'idée qu'il n'y a pas de mots isolés dont la signification soit intrinsèque ou qu'elle lui soit assignée unilatéralement par quelqu'un qui a l'intention de le faire; au contraire, la signification des mots est le produit du travail des interlocuteurs. Cela permet de penser comment les mots sont liés aux autres en fonction de leur valeur d'usage et selon les conditions de l'échange, c'est-à-dire de la façon dont les mots travaillent les uns avec les autres pour former des énoncés qui répondent à des fins pragmatiques.

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1 Comme le dit Ducrot (1982, p. 7) dans Dire et ne pas dire, “si la communication est considérée comme la fonction linguistique ondamentale, il faut admettre que le discours, dans son essence, se fait pour un autre, et que le langage ne s’exerce avec lui-même que dans la mesure où il offre aux individus une forme de contact.

2Par exemple, un Français et un Québécois, tous les deux francophones, ne partagent pas les mêmes implications en ce qui concerne l'expression « un 5 à 7 » (Arbour, 2013, p. 56). Pour le Québécois, c'est un mot neutre qui désigne un événement social après le travail, mais pour un Français, il peut prendre un sens négatif associé à une relation extra-conjugale.

3C'est le cas, par exemple, dans le nouveau paradigme des réseaux sociaux, où les influenceurs sociaux peuvent être des « citoyens anonymes ayant le pouvoir de générer du contenu et de le partager massivement », mais leur succès sera fugace s'ils n'apprennent pas à agir de manière responsable pour maintenir le pouvoir d'influence que donne l'autorité de parler (Muñoz et García-Guarda, 2016; notre traduction).

4Insistant constamment sur la dimension sociale dans laquelle le langage est toujours inséré, Deleuze et Guattari (1994, p. 85), affirment qu'un énoncé n'est jamais individuel, car un énoncé est toujours le produit d'agents collectifs d'énonciation. Ils affirment en outre que, pour fonder le caractère social de l'énonciation, il faut démontrer comment l'énonciation est liée à des agencements collectifs.

5Ducrot (1986, p. 23) affirme dans une de ses plus belles pages que "c'est-à-dire que le présupposé est ce qui semble commun aux personnages d'un dialogue, ce qui est l'objet d'une complicité fondamentale qui lie les interlocuteurs à l'acte de communication. Le présupposé renvoie donc à une appartenance mutuelle du « moi » qui parle et du « toi » qui écoute, ce qui en fait une constituante du domaine du « nous »".

6Certes, l'absence d'utilisation de variations de prestige dans l'utilisation de la langue peut être associée au désir de montrer l'absence de hiérarchie sociale (réelle ou souhaitée). Ce type de comportement apparaît, par exemple, dans la société québécoise, où un recteur d'université ou un premier ministre utilise les contractions phonétiques associées au français familier, telles que « i sont » au lieu de « ils sont ». En d'autres termes, l'importance de prendre en compte les énoncés dans le cadre de l'énonciation (actuation de la parole) et les conditions dans lesquelles elle se produit (situation de la parole) est que cela permet de comprendre le langage dans sa dimension sociale. En réalité, il n'est pas question ici d'épuiser l'ensemble de la question de la nature sociale du langage, mais plutôt d'examiner les enjeux qui font l'objet de la pragmatique, c'est-à-dire les aspects pragmatiques qualifiant sémantiquement les énoncés et appartenant à un ensemble de significations collectives faisant référence à l'extérieur du système formel d'une langue.

7Ce que Austin (1995) appelle les conditions de bonheur de l'exécution des actes de langage doit être compris dans un sens très précis. Les émissions institutionnalisées - telles que celles du juge, du professeur, du confesseur, du policier, du journaliste, etc. - ne sont rien d'autre que des réalisations paradigmatiques du langage dans des conditions de production et de réception qui vont au-delà de leur compréhension, se réfèrent au fait de savoir si elles sont reconnues comme des accords du système de différenciations et de hiérarchies qui laissent (ou empêchent) de parler (Bourdieu, 1982, p. 66; Deleuze et Guattari, 1994, p. 87).

8L'importance des réseaux sociaux contribue à diminuer la prépondérance des hommes, blancs, machistes, adultes, urbains, parlant un langage standard, européen, hétérosexuel, et certains gouvernements adoptent des lois dans cet esprit. Par exemple, l'Office québécois de la langue française a adopté des principes pour une écriture épicène, non binaire et inclusive (http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=5421).

Received: October 02, 2019; Accepted: August 08, 2020

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