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Literatura: Teoría, Historia, Crítica

versão impressa ISSN 0123-5931

Lit. teor. hist. crit. vol.21 no.1 Bogotá jan./jun. 2019

https://doi.org/10.15446/lthc.v21n1.74879 

Artículos

"Du bon usage des 'espaces autres'"

"Acerca del buen uso de los 'espacios otros'"

"On the Good Use of 'Spaces Otherwise'"

Robert Harvey1 

1 Stony Brook University, New York, United States robert.harvey@stonybrook.edu


Résumé

Cet essai fait ressortir quelques-unes des conséquences éthiques (et, par conséquent, politiques) de la notion d'hétérotopie, dont Michel Foucault a posé les jalons dans sa conférence de 1967, intitulé "Des espaces autres". À cette fin, Harvey se concentre sur l'exemple paradigmatique de l'espace autre qu'est le cimetière et ses fonctions psychologiques et culturelles telles qu'elles apparaissent dans les œuvres de Marguerite Duras, Marta Hillers (longtemps anonyme) et Robert Antelme. lissai se conclut avec une réflexion sur le sens profond du terme "Ground Zero".

Mots clés: l'hétérotopie; l'espace; l'imagination; l'éthique; Michel Foucault; Marguerite Duras

Resumen

El ensayo se propone exponer algunas de las aplicaciones éticas (y, por ende, políticas) que se derivan de la noción de heterotopia esbozada por Michel Foucault en su conferencia de 1967, "De los espacios otros". Para ello, Harvey se centra en un ejemplo paradigmático de "espacio otro" - el cementerio - y analiza el tratamiento dado a las funciones psicológicas y culturales de los cementerios en obras de Marguerite Duras, Marta Hillers (durante largo tiempo anónima) y Robert Antelme. El ensayo concluye con una reflexión sobre el significado profundo del término "Zona Cero".

Palabras claves: heterotopía; espacios; imaginación; ética; Michel Foucault; Marguerite Duras

Abstract

This essay is an attempt to bring out some ethical (and, thus political) applications that may be derived from the notion of heterotopia as it was outlined in Michel Foucault's 1967 lecture, "Of Spaces Otherwise". To do so, Harvey focuses on one paradigmatic example of a "space otherwise" - the cemetery - and considers how psychological and cultural functions of cemeteries are treated in works by Marguerite Duras, Marta Hillers (long anonymous), and Robert Antelme. The essay ends with a reflection on the deep meaning of the term "Ground Zero."

Keywords: heterotopia; spaces; the imagination; ethics; Michel Foucault; Marguerite Duras

SOUS CE TITRE, DONT LES éléments j'expliquerai au fur et à mesure, je propose une mise en exemple - la mienne et dont je prends l'entière responsabilité - d'un texte bref de Michel Foucault qui, aujourd'hui, jouit d'une grande célébrité. Il s'agit de "Des espaces autres" - une conférence que Foucault a prononcée au mois de mars 1967 devant le Cercle d'études architecturales. Il n'en a autorisé la publication qu'à la veille de sa mort. Pourtant, aujourd'hui, c'est à ce texte que l'on se tourne le plus souvent pour faire dire à Foucault ce qui aurait été une science des "espaces autres", à savoir une hétérotopologie (1575).

Dans ce texte d'origine obscure, mais qui prit donc après coup une importance prépondérante, Foucault commence par rendre hommage à "L'œuvre - immense - de Bachelard" (1573), faisant allusion à la Poétique de l'espace de 1957 où il s'agit, selon le dire de Foucault,

d'un espace qui est tout chargé de qualités, un espace qui est aussi peut-être tout hanté de fantasme ; l'espace de notre perception première, celui de nos rêveries [...] un espace léger, éthéré, transparent ou bien [...] un espace obscur, rocailleux, encombré : c'est un espace d'en haut, c'est un espace des cimes, ou c'est au contraire un espace d'en bas, un espace de la boue, c'est un espace qui peut être courant comme l'eau vive, c'est un espace qui peut être fixé, figé comme la pierre ou le cristal" en somme où il s'agit "surtout [de] l'espace du dedans. (1573)

Mais "c'est de l'espace du dehors" que Foucault voudrait parler. Pour le trop bref instant d'un début de phrase, cet espace du dehors, cet "espace dans lequel nous vivons, par lequel nous sommes attirés hors de nous-mêmes" (1573) peut sembler aussi réconfortant, aussi rassurant que les espaces du dedans que la phénoménologie bachelardienne se plaisait à décrire. Mais avant même d'aborder ces "espaces autres" qui vont inspirer la science des hétérotopies (Foucault préfère à "science" le terme de "description systématique" [1575]), Michel Foucault nous avertit de qualités dérangeantes de l'espace dont les hétérotopies forment une des catégories : si cet espace nous attire "hors de nous-mêmes" c'est pour nous "ronge[r]", pour nous "ravine[r]". Bref, c'est dans cet espace réel que "se déroule [...] l'érosion de notre vie, de notre temps, de notre histoire" (1573-74).

Le deuxième principe [...] chaque hétérotopie a un fonctionnement précis et déterminé à l'intérieur de la société, et la même hétérotopie peut, selon la synchronie de la culture dans laquelle elle se trouve, avoir un fonctionnement ou un autre.

Je prendrai pour exemple la curieuse hétérotopie du cimetière. Le cimetière est certainement un lieu autre par rapport aux espaces culturels ordinaires, c'est un espace qui est pourtant en liaison avec l'ensemble de tous les emplacements de la cité ou de la société ou du village, puisque chaque individu, chaque famille se trouve avoir des parents au cimetière. Dans la culture occidentale, le cimetière a pratiquement toujours existé. Mais il a subi des mutations importantes. Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, le cimetière était placé au cœur même de la cité, à côté de l'église. Là il existait toute une hiérarchie de sépultures possibles. Vous aviez le charnier dans le lequel les cadavres perdaient jusqu'à la dernière trace d'individualité, il y avait quelques tombes individuelles, et puis il y avait à l'intérieur de l'église des tombes. Ces tombes étaient elles-mêmes de deux espèces. Soit simplement des dalles avec une marque, soit des mausolées avec statues. Ce cimetière, qui se logeait dans l'espace sacré de l'église, a pris dans les civilisations modernes une tout autre allure, et, curieusement, c'est à l'époque où la civilisation est devenue, comme on dit très grossièrement, "athée" que la culture occidentale a inauguré ce qu'on appelle le culte des morts.

Au fond, il était bien naturel qu'à l'époque où l'on croyait effectivement à la résurrection des corps et à l'immortalité de l'âme on n'ait pas prêté à la dépouille mortelle une importance capitale. Au contraire, à partir du moment où l'on n'est plus très sûr d'avoir une âme, que le corps ressuscitera, il faut peut-être porter beaucoup plus d'attention à cette dépouille mortelle, qui est finalement la seule trace de notre existence parmi le monde et parmi les mots.

En tout cas, c'est à partir du XIXe siècle que chacun a eu droit à sa petite boîte pour sa petite décomposition personnelle ; mais, d'autre part, c'est à partir du XIXe siècle seulement que l'on a commencé à mettre les cimetières à la limite extérieure des villes. Corrélativement à cette individualisation de la mort et à l'appropriation bourgeoise du cimetière est née une hantise de la mort comme "maladie". Ce sont les morts, suppose-t-on, qui apportent les maladies aux vivants, et c'est la présence et la proximité des morts tout à côté des maisons, tout à côté de l'église, presque au milieu de la rue, c'est cette proximité-là qui propage la mort elle-même. Ce grand thème de la maladie répandue par la contagion des cimetières a persisté à la fin du XVIIIe siècle ; et c'est simplement au cours du XIXe siècle qu'on a commencé à procéder aux déplacements des cimetières vers les faubourgs. Les cimetières constituent alors non plus le vent sacré et immortel de la cité, mais l'"autre ville", où chaque famille possède sa noire demeure. (1576-77)

C'est donc avec cet exemple - prépondérant, paradigmatique - que je voudrais rester. Et j'inviterais mes lecteurs à arpenter notre rapport imaginaire au cimetière avec moi et à considérer ainsi cette "noire demeure" afin de déceler un bon usage des espaces autres. Pourquoi devrait-on, selon la logique de mon titre, faire une utilisation - en l'occurrence une bonne utilisation - des espaces autres ? Pour y répondre, il faut que je déclare clairement que le but de cet usage est d'ordre éthique. En effet, toute ma recherche depuis trente ans peut se résumer en un effort pour découvrir une éthique des énergies philosophiques que dégagent certains textes littéraires et certaines œuvres d'art.

L'importance des cimetières en tant qu'hétérotopies ou "espaces autres" peut se mesurer par le fait qu'ils se conforment à trois des six principes de l'histoire de l'espace selon le schéma de Michel Foucault. Notre conscience collective de l'espace a évolué d'abord depuis la préoccupation médiévale avec la localisation vers l'idée d'étendue inaugurée avec Galilée et, ensuite, vers notre conception actuelle d'emplacement de sites juxtaposés. Mais on aurait tort de penser que ces trois "philosophies de l'espace" sont exclusives l'une de l'autre: elles opèrent simultanément dans notre rapport conscient avec les cimetières. Par conséquent, lorsqu'on lit le récit de l'"exemple de la curieuse hétérotopie du cimetière" et les "mutations importantes" que l'espace autre par excellence a subi à travers les âges, on se rend compte à quel point notre imagination fait du cimetière une concaténation synchronique de ses couches successives. Cette "autre ville" à l'écart du centre conçu exclusivement pour les vivants et "où chaque famille possède sa noire demeure" est encore, au fond, "le charnier dans le lequel les cadavres perdaient jusqu'à la dernière trace d'individualité".

Le cimetière excède même les limites théoriques que Foucault avait posées autour des hétérotopies en 1967. "Le cimetière, nous l'avons lu, est certainement un lieu autre par rapport aux espaces culturels ordinaires, c'est un espace qui est pourtant en liaison avec l'ensemble de tous les emplacements de la cité ou de la société ou du village". Quand bien même j'habite ici, je mange ici, je travaille ici, je fais l'amour ici, etc., une partie de mon être conscient (ou inconscient) maintient un lien étrangement disjonctif à cet espace là-bas, de l'autre côté du mur, de la clôture, parfois au-delà des limites de la ville. Ici - là-bas.

Gilles Deleuze trouve que lorsqu'il a ouvert les mots et les choses aux strates de l'énonçable et du visible Michel Foucault a découvert une sorte de logique hérétique. Si, comme Deleuze l'écrit, "l'archive, l'audiovisuel est disjonctif" (71) il y a aussi, par conséquent, "perpétuel ré-enchaînement sur la coupure irrationnelle ou par-dessus l'interstice" (72). Afin d'illustrer l'affirmation, Deleuze invoque la relation entre son et image dans La Femme du Gange de Marguerite Duras, où "un vide est le seul 'facteur de liaison', à la fois charnière et interstice" (72) - un rapport qui en logique s'appelle une disjonction inclusive et que l'on pourrait désigner aussi de partage. (Je signale au surgissement de ce mot polysémique que si un bon usage des espaces autres est notre problème, le partage pointe une solution.) Nous pouvons dire donc, après Deleuze, que ces espaces autres paradigmatiques que sont les cimetières jouent un rôle dans notre vie en pulvérisant la distinction entre espace interne et espace externe que Foucault disait devoir maintenir en parlant de l'espace aujourd'hui. Et n'est-ce pas, justement, parce que cet espace du dehors qu'est le cimetière (même s'il est situé dans un lieu de bannissement comme, par exemple, un banlieue) fonctionne bizarrement comme espace du dedans qu'il est le modèle paradigmatique de l'hétérotopie?1 Et n'est-ce pas, justement, parce qu'une disjonction étrangement inclusive nous lie au cimetière qu'il est cet espace - et je souligne toute cette citation - "par lequel nous sommes attirés hors de nous-mêmes, dans lequel se déroule précisément l'érosion de notre vie, de notre temps et de notre histoire, cet espace qui nous ronge et nous ravine?" (1573-74) C'est en tout cas précisément parce que l'effet psychologique du cimetière sur les ensembles humains est la réplique de l'effet du miroir sur l'individu que la réflexion individuelle sur ces hétérotopies d'outre-monde recèle une si grande puissance morale sur les vivants. Comme avec le miroir, ainsi avec le cimetière : j'y suis confronté avec "moi comme autre". Ces hétérotopies sont, en somme, des espaces du dehors dont le fonctionnement dedans me tient hors de moi.

Lorsqu'on est dans un état hors de soi, on arrive parfois à devenir autre que soi-même pour soi-même.2 Au moyen de l'imagination, on quitte le moi - l'ego - pour un espace dont l'occupation nous a toujours semblée impossible. Confortablement engoncé dans mon moi, l'espace autre se situe au-delà de mon monde et forclos à la conscience. Le cimetière est simple cimetière et les défunts de simples défunts, disparus paisiblement de la vie consciente. Hors de moi grâce à l'imagination, le cimetière éveille la pensée de nos semblables victimes de tous les torts que l'homme impose à l'homme. Tout d'un coup ce que nous ne tolérerions jamais pour nous-mêmes devient insupportable pour autrui. À ce moment-là le cimetière - ce lieu où nous enterrons "nos" morts - devient un chantier de l'éthique. C'est ainsi que l'on peut comprendre la leçon transmise à Dionys Mascolo par la survivance de Robert Antelme (Antelme ayant été le mari de Duras et Mascolo le père de son seul enfant):

Tout ce qu'il dit tend à me faire comprendre comment il a fini par se trouver (pour reprendre ici les mots de Maurice Blanchot commentant l'Espèce humaine) "contraint d'être autrui pour soi-même". Mais dans le même temps, s'être perdu de la sorte à soi-même signifie, là est la révélation confondante, qui ouvre un avenir en un sens plus redoutable que la mort même, être devenu à soi-même chose sacrée. (Mascolo 54)

Apercevoir l'agrandissement d'un cimetière est la vision qui perturbe si profondément la jeune femme dans "Les Chantiers", cette nouvelle peu connue, mais visionnaire, que Marguerite Duras fait paraître en 1954. Vision banale pour nous, ce chantier soulève dans le personnage de Duras le souvenir ineffaçable des charniers Nazi ou, comme Duras les appelle dans une ébauche de la nouvelle, les chantiers de la mort. Si l'on peut dire que tout récit met en œuvre une transformation, celle donc des "Chantiers" se résume à la définition même du cimetière : d'espaces de la mort, ils deviennent sous la plume de Duras des espaces entre la vie et la mort.

Et si Duras a pu concevoir une histoire comme "Les Chantiers" construite entièrement sur un transfert empathique, c'est qu'elle a dû encaisser la même leçon que Mascolo grâce à leur amour partagé pour Robert Antelme. Voici comment Mascolo se remémore les heures qui précèdent et les heures qui suivent immédiatement le retour d'Antelme de Dachau. Ce sont les mêmes événements que Duras se remémore, mais si différemment, dans La Douleur:

Je suis toujours à l'arrière de la voiture avec Robert. Nous partageons la même chambre. Il continue de parler. J'ai téléphoné à Paris pour annoncer notre arrivée. Nous y parvenons au début de l'après-midi. L'amie qui guettait aux fenêtres est descendue à notre rencontre. Elle se tient sur le palier du 1er étage lorsque nos faces se tournent vers elle. Elle nous voit, se couvre des mains le visage et s'enfuit, remonte. Je la retrouverai plus tard enfouie dans l'obscurité, derrière des couches de vêtements, farouchement plaquée contre le mur du fond d'un réduit qui sert de penderie dans la pièce la plus reculée. Elle sera longue à oser l'approcher. (Mascolo, 59)

Ce qui domine ce souvenir, tout en le en conduisant, est une homologie étonnante entre espaces hétéroclites. Cette homologie servira de terrain (au sens métaphorique) pour les transformations morale et politique chez l'auteur, Mascolo, et Duras dans le courant des semaines qui suivront. Le fait d'occuper au moyen de l'imagination des espaces autres stimule l'esprit à l'invention de nouvelles configurations éthiques entre sujets humains. Lorsqu'elle se retire dans les réduits les plus reculés de l'appartement dans la rue Saint-Benoît, elle imagine non seulement la chambre que Mascolo vient de partager avec le survivant des chantiers de la mort mais les baraques que les humiliés partageaient en attendant leur sort. Quoi qu'infiniment moins intense que celui qu'Antelme vient d'expérimenter, le trauma de Duras la propulse et semble l'autoriser à écrire des fables de la survivance comme "Les Chantiers" ou Hiroshima mon amour.

Certaines inscriptions d'expérience offrent l'occasion à nous, lecteurs, d'imaginer deux espaces autres paradigmatiques en simultanéité :

Dachau, le 29 avril 1945 ; Berlin, le 29 avril 1945.

Un homme ; une femme.

L'homme écrit :

Le jour se lève, pâle. Lépave sort peu à peu du noir. Dans l'allée du block, les pas étouffés des premiers qui vont aux chiottes. Il n'y a plus d'appel. Ne pas bouger. On ne veut rien d'autre. Ceux qui ne se lèveront pas n'auront pas de jus. Tant pis. Rester couché, ne pas bouger. J'ai mis le nez dehors tout à l'heure en allant pisser ; je grelottais, je suis remonté. Je ne bougerai plus. Qu'on ne me demande rien, qu'on me laisse ici. Les poux m'ont sucé longtemps cette nuit, puis ils se sont calmés. Le jour est d'une couleur affreuse sur les visages. Lentement, les jambes se délacent, les zébrés remuent. Une vie exténuée dès l'éveil tente de se dégager. Naissance d'une vague, épaisse, lente.

[...]

Pour la première fois depuis que Dachau existe, l'horloge nazie est arrêtée. Des baraques sont pleines d'hommes, le barbelé les entoure encore. Encore enfermés dans l'enceinte, les corps pourrissent sans leurs maîtres. Mûrs, mûrs pour mourir, mûrs pour être libres. Mûr celui qui va crever et mûr celui qui sortira. Mûrs pour finir.

[...]

On attend encore, des heures. Puis c'est encore la soupe dehors. J'ai faim. Je me force à descendre de la planche. De nouveaux morts dans le caniveau. Le ciel est gris, bas. Des avions américains tournent au-dessus du camp. Les rafales de mitraillettes maintenant se rapprochent.

[...]

La Libération est passée. (Antelme 408-411)

Pour la femme, décrire par écrit les évènements traumatiques qu'elle a vécus pendant qu'ils se déroulent, est une tâche autrement difficile. "Jour de la catastrophe, raz-de-marée, écrit le samedi matin" (Hillers 79). C'est ainsi qu'elle intitule son entrée de journal pour vendredi, 27 avril 1945. Décrire par écrit dans cet espace rendu tout autre par les bombardements doit attendre vingt-quatre heures pendant qu'elle improvise sa stratégie somatique et psychologique devant l'inévitable : l'assaut sexuel. Sa catastrophe ce vendredi, 27 avril 1945 est d'avoir été violée en série par des soldats russes triomphants. Lorsqu'elle écrira encore le 1er mai elle aura trouvé remède en la forme d'Anatol, une brute épaisse d'officier qui la protégera en devenant son violeur exclusif. Son souvenir du dimanche 29 avril se lit ainsi :

Trous de mémoire. Ai de nouveau bu énormément, oublié les détails. Au lever du jour, ce lundi, conversation avec Anatol et petit malentendu. Moi je lui dis: "Tu es un ours" (je connais le mot, miedvied, c'est le nom que portait un restaurant russe bien connu dans la Tauentzienstrasse).

Là-dessus, Anatol, pensant probablement que je confondais les mots, me reprend patiemment, comme s'il parlait à un enfant: "Non, c'est faux. Un miedvied c'est un animal. Une bête brune qui vit dans la forêt, qui est grande et qui grogne" Moi, je suis un tcheloviek, un homme. (82)

À la différence de Robert Antelme qui, malgré tout, a pu rétablir assez vite contre ceux qui avaient voulu tous les transformer en figures (Figuren) son statut d'homme et qui, malgré tout, a rencontré de bonnes âmes qui voulaient bien l'écouter et le lire - L'Espèce humaine a paru en français et en plusieurs autres langues dès 1947, les mots de la femme anonyme de Berlin ont mis un temps fou à atteindre un nombre respectable. Publié d'abord en Grande-Bretagne en 1955, ce récit a vu le jour en hollandais, en finnois, dans les langues scandinaves. Lorsqu'il a enfin paru en allemand en 1959, Eine Frau in Berlin a été reçu par l'indignation générale et condamnation de l'auteur-victime. Une femme à Berlin a paru en français en 2006.

Ces espaces autres où des femmes sont violées, où des peuples sont exterminés, où des orphelins sont vite oubliés, sont tous des "grands cimetières sous la lune", comme Georges Bernanos a décrit l'Espagne tombant sous la botte fasciste.3 Loin du corps, loin du cœur comme l'Espagne pour la plupart du monde dans les années 30. Faire semblant que les crimes n'impliquent pas toujours l'intégralité de l'espèce, nous faisons comme si ces espaces autres-ci étaient des espaces autres-là. Inimaginables puisque là-bas, éperdument loin. Nous n'avons que faire de l'injonction de Samuel Beckett, "imagination morte imaginez".4 Vous pensez que l'imagination a des limites ? Imaginez encore ! Ou, dans les propos plein de colère de Robert Antelme :

Inimaginable, c'est un mot qui ne divise pas, qui ne restreint pas. C'est le mot le plus commode. Se promener avec ce mot en bouclier, le mot du vide, et le pas s'assure, se raffermit, la conscience se reprend. (414)

Rien ne divise nos bons compatriotes, comme Antelme écrit avec son sarcasme acerbe, aucune restriction sur le libre usage du mot "inimaginable", puisque tout le monde - abstraction faite de toutes les différences - politique, nationale, culturelle - s'accorde pour mettre certaines vérité dans le carcan des vérités incommodantes. Certaines vérités dérangent tant qu'il vaudra mieux les reléguer à la catégorie de l'inimaginable. Avec l'inimaginable pour nous protéger contre une trop grande proximité du cimetière, on se prive de l'expérience d'être hors de soi. Et, pourtant, être hors de soi est l'expérience qui informe la raison de telle façon à ce que la conscience se munit des attitudes me permettant de protéger mon prochain non pas là-bas, mais ici et maintenant, dans cet espace-ci.

Tout comme Marta Hillers a osé, bien avant qu'il ne soit admissible, de parler - anonymement d'abord - des horreurs que les Berlinoises ont endurées en 1945, ainsi, en 1999, W.G. Sebald a chamboulé bien des bonnes consciences lorsqu'il a publié Luftkrieg und Literatur, ou De la destruction comme élément de l'histoire naturelle. À la différence de La Destruction des Juifs d'Europe, ce chef-d'œuvre de 1961 de Raul Hilberg ou de tant d'autres ouvrages sur la Shoah, l'espace autre dans les ouvrages de Hillers et Sebald se limite à l'Allemagne en propre. Dans ces témoignages posés et réfléchis, de sang froid, ce ne sont pas les fosses communes de l'archipel nommé "Auschwitz" mais le cimetière qu'est devenu Berlin à la conclusion de l'horreur nazie. En affirmant que les villes allemandes sont aussi devenues des lieux de désastre, Hillers et Sebald ont osé élargir la Shoah pour inclure des non-Juifs. En ceci Eine Frau in Berlin et Luftkrieg und Literatur s'apparentent au tiers moins connu de la trilogie après-guerre de Roberto Rossellini. Robert Juillard a tourné Germania anno zero (1948) en août et septembre 1947 à Berlin même. Ce film entreprend à nous montrer non seulement la survie aux limites de la vie, mais la capitale allemande entière comme espace autre. Même si la reconstruction avait commencé, les ravages des bombardements massifs de deux ans auparavant étaient encore bien en évidence. Et pour toutes les prises de vue extérieures Rossellini a exigé que Juillard pointe sa caméra exclusivement sur ces rues qui encore en 1947 évoquait bien la destruction totale d'avril 1945. Si les images donne Berlin à voir comme vaste cimetière, le titre évoque une éloquente hétérochronie, comme l'écrivait Foucault (1578). En effet, "anno zero" fait écho à die Stunde Null, ou l'heure zéro, le 8 mai 1945. Le jour et l'heure où la capitulation de la haute commande nazie est entrée en vigueur devaient être tout autre que toutes ces heures des treize dernières années depuis la montée au pouvoir d'Adolf Hitler. Comme on le sait et Rossellini soupçonnait sans doute, la politique de la Stunde Nulle que le gouvernement provisoire a mise en place a permis à des résidus du nazisme de perdurer sous l'hypocrite fiction que toutes les pendules sont remises à zéro. Ceci dit, c'est principalement de la transformation d'un centre culturel mondial en zone dévastée que Rossellini nous offre la vision. La Germania et lanno zero dans le titre signifient ensemble l'amnésie spontanée - mais volontaire - non seulement des circonstances néantissantes du geste mais de toutes les conditions qui avaient menées à l'ère nazie et sa continuité dans la Nachkriegszeit. Die Stunde Null était non seulement un nouveau début vierge mais une occasion inouïe d'oublier, d'essayer d'oublier, de faire semblant d'oublier que tout ce qui avait eu lieu ... n'a pas eu lieu.

Un autre espace autre qui partage, à cet égard, bien des aspects de l'ère Stunde Null est le quartier de "Ground Zero" à Manhattan. Le nom prêté à ce lieu de dévastation meurtrière commémore absolument sans mémoire un long épisode d'oubli collectif consensuel. Ce nom - "Ground Zero" - s'est matérialisé sémantiquement et de façon spontanée dans l'esprit collectif d'un peuple meurtri dans les heures qui ont suivi l'effondrement des Twin Towers. Loin d'être un néologisme, cependant, l'expression avait ses origines quelques soixante ans auparavant. Seulement, elle avait disparu de la mémoire collective. Mais nous devrions la connaître, cette appellation de "Ground Zero". Les journaux et les postes de radio d'août 1945 avaient bien expliqué que ce jargon des technocrates de la guerre désignait le point terrestre au-dessus duquel on a fait exploser les bombes qui ont oblitéré Hiroshima et Nagasaki.

Ainsi, lorsqu'en septembre 2001, les Étatsuniens ont restitué "Ground Zero" a l'usage qu'on en fait aujourd'hui, ils accomplissaient inconsciemment la première étape d'un exercice de mémoire associatif dont les conséquences éthique et politique restent encore lettre morte. L'appréhension d'un crime immense commis en été 1945 avec une arme que nous avons conçue reste en suspens. Mais, si jamais le jour arrivait où cette appréhension s'accomplissait, ce serait un grand jour de justice réparatrice. Ce jour d'anamnèse cependant nous élude encore et "Ground Zero" - c'est-à-dire notre "Ground Zero" n'est pas encore un espace autre dans ce bon usage du terme. L'exposition au pied de la Freedom Tower qui commémore la perte de vie excessive ce jour-là de 2001 deviendrait un chantier de terrain en commun entre individus de notre espèce d'où qu'ils viennent sur la planète.

Les trois "Ground Zero" connus de l'humanité sont des points d'oblitération. À mesure que notre œil médical imaginaire s'en éloigne, il trouve des corps. Plus loin encore des blessés graves. Quoique inimaginables pour l'esprit hypocrite, l'imagination se doit de les considérer si nos devons un jour surmonter notre barbarie. Avec l'imagination nous n'avons pas besoin d'images technologiques - qui n'existent d'ailleurs point - pour voir le détail annihilant des "Ground Zero" à l'instant au lieu de leur avènement. La pornographie des images comme celles qui montrent les restes insupportables de la tentative de détruire les juifs d'Europe ne réussit pas à nous mettre à la place des victimes. Shoah, le film de Claude Lanzmann (1985), œuvrait à le montrer. Les quatre photographies réalisées par des détenus d'Auschwitz et que Georges Didi-Huberman interprète magistralement dans Images malgré tout (2004) nous transportent, par contre, dans cet espace autre et cet état autre. Le type de cimetière que les "Ground Zero" et les génocides produisent est ce que le français désigne de fosses communes. Pourtant, les nommer, les commémorer, les marquer, les expliquer ne suffit pas à les faire servir notre surpassement de la barbarie. Un exemple parmi mille est la fosse commune en-dessous d'une plaque dans le coin sud-est du Cimetière Père-Lachaise où sont amassés les dépouilles de 147 Parisiens parmi les dernières victimes de la Semaine sanglante de mai 1871. Le mémorial extravagant au pied de la Freedom Tower n'avance aucunement la conscience collective étatsunienne vers une épiphanie par rapport à Hiroshima et Nagasaki.

Mais le cimetière au bord duquel les énergies cognitive et psychique qui conduisent la nouvelle de Duras intitulé "Les Chantiers" est un tel espace autre, un espace à la limite. C'est un espace "à la fois charnière et interstice" (72) comme l'écrivait Gilles Deleuze. Le lieu dans l'expérience réelle qui a inspiré le lieu fictif est le village de Saint-Jorioz, en France, à la frontière suisse au-delà de laquelle, pendant le Troisième Reich, on passait en territoire neutre. Ce village où, au lendemain de la guerre, pendant la convalescence de Robert Antelme, le couple a séjourné. Dans la mémoire collective du lectorat de Marguerite Duras en 1954, c'est un lieu entre la vie et la mort. Saint-Jorioz est non seulement ici mais presque "là-bas", le cimetière en chantier dans sa version fictive se situe au-delà des limites du village - entre un lac et une forêt. Il est presque certain que la réflexion - en mode fictif, allégorique - sur les chantiers résulte de la transposition du souvenir des camps chez Robert Antelme sur le corps et dans l'âme de la jeune femme dans la nouvelle. Et, dans la nouvelle encore, la jeune femme trouve la paix psychique à travers une sorte de symbiose épistémologique avec un homme particulièrement sensible. Il n'est pas déraisonnable d'imaginer que Duras espérait épauler Antelme d'une manière semblable. Comme l'écrivait Robert Desnos dans "Pamphlet contre la mort", Robert Desnos qui, comme Robert Antelme, fut acculé à la limite extrême de ce que la vie peut tolérer mais qui, à la différence de Robert Antelme, a succombé : "Pas plus que l'océan, pas plus que le désert, pas plus que les glaciers, les murs du cimetière n'assignent de limites à mon existence tout imaginaire" (62). Les cimetières sont en effet de bien puissants espaces autres.

À la lecture des "Chantiers" de Marguerite Duras, on ne peut qu'être frappé par l'imprécision uniformément déployée sur le texte : le cimetière n'est pas plus identifié comme tel que les personnages n'ont de noms ou d'identité ethnique ou nationale. Le sexe est l'unique signe de différence. Entièrement générique, "Les Chantiers" apparaît comme corpus de règles où règne cet absence de forme ou de but qu'Immanuel Kant a découvert au fond de l'expérience du sublime. L'une des curiosités de l'"Analytique du sublime" est la mention du rire comme dynamique. Cette remarque de Kant anticipe les remarques de Baudelaire et de Freud sur le rire qui fascine les philosophes occidentaux depuis Aristote. "Le rire, Kant écrit-il, est une affectation résultant de l'anéantissement soudain d'une attente extrême "(159). Le rire se substitue aux précisions sur la nature de l'espace qui rend les deux personnages des "Chantiers" tout autre, les mettant hors d'eux. C'est néanmoins un cimetière qui se présente à l'esprit du lecteur à la place d'expressions vague comme "chose courante" "chose de ce genre" ou encore, et surtout "la chose la moins énoncée sur la chose énoncée" à laquelle la jeune femme pense avec "une certaine incertitude". D'autant plus que nous lisons que "[c]'était un chantier comme il en existe. D'une destination particulière, il est vrai. Il illustrait à merveille le développement de la vertu de prévoyance chez l'homme" (1093).

Deviner ou même déterminer que c'est d'un cimetière qu'il s'agit dans le réel est moins important dans le monde durassien que ce que la jeune femme pense voir et ce que l'homme imagine qu'elle voit. Cette régression imaginaire explique, à mon sens, le pluriel du titre : non pas "le chantier", mais "les chantiers". Un chantier de cimetière dans le présent de la présence de la jeune femme et un autre chantier ailleurs, dans un autre temps, et que l'homme doit deviner pour rejoindre par procuration sa mémoire meutrie. La pauvreté référentielle du langage durassien ouvre sur un registre poétique qui inscrit la mort parmi des images hyperboliques et excessives. À travers son œuvre, Duras a développé cette dynamique à des fins politique et éthique. Rire au lieu de dire fait des "Chantiers" un précurseur de Hiroshima mon amour où l'echange de rires érotisés, presque lascifs entre Eiji Ozawa ("Lui") and Emmanuel Riva ("Elle") qui rompt le sortilège du premier mouvement du film où l'horreur atomique est remémoré en tons de récitatif.5 Réciproquement, tout comme le trésaillement du doigt que Riva observe au bout du bras de son amant qui dort dirige sa pensée vers le dernier soupir de son amant allemand mourant sur une berge de la Loire à Nevers, ainsi le rire dans le lit d'hôtel à Hiroshima nous dirige vers les rires échangés dans la forêt devant un chantier de cimetière. Ce trajectoire peut s'exprimer du nom de plusieurs espaces autres que nous avons examinés. Pour les amants dans le centre reconstruit de Hiroshima en 1959, c'est "Ground Zero" mémorialisé par le Dôme de Genbaku. Pour la femme d'Hiroshima traumatisé en France dont l'épicentre approximatif est la ville de Nevers, c'est cet espace autre qu'elle a partagé avec son amant allemand. Pour la femme devant le chantier dans la nouvelle de 1954, ce sont les chantiers de la mort dont l'épicentre est un village en Pologne qui sert de synecdoque pour toute la Shoah. "Ground Zero" donc, Nevers, Auschwitz.

Auschstaat est le nom que Marguerite Duras a inventé pour localisé un camp soviétique où le personnage juif d'un roman ultérieur sera exécuté.6 Rédigé dans le sillon du Printemps de Prague, dédié à Robert Antelme et Maurice Blanchot, Abahn Sabana David est une allégorie politique où un ouvrier de chantier nommé David reçoit commande d'un chef communiste d'assassiner Abahn pour avoir défié l'autorité soviétique au sujet du traitement des juifs. À travers les dialogues dont le roman est principalement composé, David se ravise. Non seulement abandonne-t-il sa mission, mais son identité se confond avec le juif qu'il devait liquider. En exil nomadique hors de l'enclave de Staat, ces juifs anonymes poursuivent l'idéal d'un communisme de l'âme, de l'esprit, un communisme au-delà des restrictions d'un parti politique. L'un des titres que Duras pensait donner à ce qu'est devenu Abahn Sabana David était "La Division dans l'Unité". Dans une note d'archive, elle a ajouté cette remarque qui, avec le titre provisoire, forme un chiasme parfait, "l'unité dans la division".7 Division dans l'unité, division et pourtant unité. Deux individus hors d'eux-mêmes qui titubent l'un à côté de l'autre, sur le point donc de se mêler l'un à l'autre : voilà comment ces amants allégoriques des "Chantiers" et d'Hiroshima mon amour, en viennent à communier et nous communiquer une vision de l'éthique à venir.

Œuvres citées

Antelme, Robert. L'Espèce humaine. Paris, Éditions de la Cité universelle, 1947. [ Links ]

Beckett, Samuel. "Imagination morte imaginez". Les Lettres nouvelles, vol. 13, 1965, pp. 13-16. [ Links ]

Bernanos, Georges. Les Grands Cimetières sous la lune. Paris, Plon, 1938. [ Links ]

Deleuze, Gilles. Foucault. Paris, Les Éditions de Minuit, 1986. [ Links ]

Desnos, Robert. "VI. Pamphlet contre la mort ". La Liberté ou l'amour. Paris, Gallimard, 1982. [ Links ]

Duras, Marguerite. "Les Chantiers". Œuvres complètes. Vol. I. Édité par Gilles Philippe, Paris, Gallimard, 2011, pp. 1083-1108. [ Links ]

______. "La Douleur". Œuvres complètes. Vol. IV. Édité par Gilles Philippe, Paris, Gallimard, 1985, pp. 3-129. [ Links ]

Foucault, Michel. "Des espaces autres". Dits et écrits , vol. 2.1976-1988. Paris, Gallimard , 2001, pp. 1571-1581. [ Links ]

[Hillers, Marta]. Une femme à Berlin. Journal, 20 avril-22 avril 1945. Traduit par Françoise Wuilmart, présentation par Hans Magnus Enzensberger, Paris, Gallimard, 2006. [ Links ]

Kant, Emmanuel. Critique de la faculté de juger. Traduit par Alexis Philonenko, Librairie Philosophique J. Vrin, 1965. [ Links ]

Mascolo, Dionys. Autour d'un effort de mémoire. Sur une lettre de Robert Antelme. Paris, Maurice Nadeau, 1987. [ Links ]

1L'Espace du dedans est un recueil de textes d'Henri Michaux publié en 1944.

2 Paul Ricœur, Soi-même comme un autre ; et Brian Rotman, Becoming Beside Oneself. Cf. Harvey, Witnessness.

3Les Grands Cimetières sous la lune est le titre d'un roman de Georges Bernanos publié en 1938.

4Imagination morte imaginez est le titre d'un texte de Samuel Beckett publié en 1965.

5Marguerite Duras fut l'auteur du scénario et des dialogues de Hiroshima mon amour, réalisé par Alain Resnais en 1959 (Œuvres complètes, 11: 3-104).

6Marguerite Duras, Abahn Sabana David (Œuvres complètes, 11: 1173-1249).

7 Dans le manuscrit DRS 18757 - Jaune le soleil à l'Institut Mémoire de l'Édition Contemporaine.

Cómo citar este artículo (MLA): Harvey, Robert. "Du bon usage des 'espaces autres'". Literatura: teoría, historia, crítica, vol. 21, núm. 1, 2019, págs. 279-295.

Sobre el autor

Robert Harvey es Profesor Distinguido de la Universidad de Stony Brook. Sus áreas de investigación y docencia son las literaturas y la filosofía de los siglos XX y XXI, la teoría crítica, la historia de las ideas, las relaciones entre filosofía y literatura en un contexto ético, y terror y vigilancia. Sus últimas publicaciones son: Sharing Common Grounds: A Space for Ethics (Bloomsbury, 2017) y Witnessness (Continuum, 2010), traducido al francés como Témoignabilité (Metis Presses, 2014). Fue Director de Programas en el Collège International de Philosophie (2001-2007).

Sobre el texto Esta nota retoma, al elaborarlas, algunas ideas que Robert Harvey había mencionado en el décimo capítulo de Sharing Common Ground : A Space for Ethics. Nueva York & London, Bloomsbury, 2017.

Received: May 18, 2018; Accepted: August 26, 2018

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